Trois ans de prison et une forte amende. Voilà la peine requise au terme de trois jours de débats contre l’urologue poursuivi pour attentats à la pudeur sur trois patientes en 2015 et 2017 alors qu’il travaillait au CHEM de Niederkorn. Jusqu’au bout le sexagénaire a contesté les faits.
« Pourquoi trois personnes qui ne se connaissent pas inventeraient de toutes pièces des faits contre vous ? » À plusieurs reprises, le président de la 18e chambre correctionnelle a reformulé sa question mardi matin. À plusieurs reprises, le président a aussi donné lecture des déclarations des trois patientes (26, 34 et 43 ans) affirmant avoir subi des attouchements par l’urologue : les caresses, le toucher des seins pendant plusieurs minutes, le glissement de sa main pour montrer le chemin du calcul rénal…
Le prévenu de 62 ans maintiendra sa position. Il conteste tout. Selon lui, impossible de régler lors de l’échographie l’appareil, imprimer les résultats, manipuler la sonde pour l’examen… et toucher les seins de la patiente en même temps. «Je n’ai pas trois mains», s’est exclamé le sexagénaire. Et d’insister : «En 20 années de carrière, je n’ai jamais eu ça.»
Le premier fait reproché au praticien remonte à août 2015. Une femme, âgée alors de 34 ans, hospitalisée au CHEM de Niederkorn, affirme avoir dû se déshabiller lors de cet examen médical chez l’urologue. Et, à chaque fois qu’elle devait changer de position sur le brancard, il lui aurait touché les fesses et les hanches. Des gestes que le praticien réfute en évoquant une technique médicale : «On m’a dit que j’ai mis la main à des endroits qui n’ont rien à voir avec les reins. Mais je cherchais le diagnostic qui n’était pas clair. J’ai une formation de quatre ans en orthopédie-traumatologie. J’analysais le dos.» Bref, il n’aurait pas commis d’attentat à la pudeur.
«Une femme qui subit une chose pareille, elle réagit. Elle sort de l’examen», s’est encore défendu le prévenu. Sur quoi le président lui a rétorqué : «Une personne qui se trouve chez le médecin a peut-être peur…»
«Alors si on a bien compris, c’est une conspiration à votre encontre», a repris le président. «Si les patientes ne se connaissent pas, quelqu’un pouvait les connaître. Vu les termes médicaux employés, ce ne peut-être que quelqu’un du corps médical», a finalement considéré le prévenu avant de laisser la parole à son avocat.
Le CHEM réclame l’euro symbolique
Me Gaston Vogel a plaidé l’acquittement pour cause de doute : «Je constate que sur les trois plaintes, une seule a été faite directement. Les deux autres manquent de cette spontanéité. Pour l’une, il faut attendre la visite de l’OPJ en 2017 alors que la consultation chez l’urologue remonte à 2015.» La défense a encore soulevé la situation compliquée dans laquelle un docteur se retrouve : «Lors d’une consultation, il n’est pas assisté d’une infirmière. On peut l’accuser injustement. Il reste tragiquement seul !»
Mais de l’avis du parquet, les déclarations des trois plaignantes sont bien crédibles. Dans son réquisitoire, le substitut principal n’a pas mâché ses mots : «C’est un prédateur sexuel qui a toujours le même modus operandi : dénuder les seins pour faire une échographie des reins.» «Selon les plaignantes, il n’a pas effleuré les seins, il les a touchés pendant plusieurs minutes», a insisté le parquetier.
Dans sa plaidoirie, la défense avait appuyé que la plaignante affirmant avoir subi des attouchements en mars 2017 ne s’était pas plainte en sortant du cabinet. La réplique du parquetier : «Mais elle s’est adressée à la première infirmière lusophone. Et a appelé immédiatement son frère.» Il a fini par requérir trois ans de prison et une forte amende contre le prévenu. La circonstance aggravante selon laquelle c’est en sa qualité de médecin qu’il a profité des patientes vulnérables car hospitalisées devrait être retenue. Au tribunal d’apprécier si le sexagénaire sans casier judiciaire, mais sans repentir actif, mérite un sursis.
Aujourd’hui, l’urologue ne travaille plus au CHEM. L’hôpital s’est constitué partie civile. Représenté par Me Pierrot Schiltz, il réclame l’euro symbolique au titre du préjudice d’atteinte à l’image et 2 500 euros d’indemnité de procédure. Les trois plaignantes s’étaient constituées parties civiles dès jeudi. Elles réclament un total de 32 000 euros de dommages et intérêts. Prononcé le 11 juillet.
Fabienne Armborst