Lancée depuis le 11 septembre, la plateforme Letz.ai souhaite représenter le Luxembourg en images générées par IA, sans échapper aux problématiques générales autour de cette technologie.
À quelques jours des élections législatives, tous les politiciens luxembourgeois ont revêtu le costume d’un super-héros Avengers dans une série de photos diffusée sur les réseaux sociaux en début de semaine dernière. Même le Grand-Duc s’est retrouvé sous l’armure d’Iron Man. Du moins, c’est ce que l’on peut croire. D’un réalisme presque troublant, les clichés sont en réalité l’œuvre de la plateforme d’intelligence artificielle Letz.ai. Officiellement lancée le 11 septembre, en version test, Letz.ai a profité du contexte politique afin de faire sa promotion.
«Au Luxembourg, il y a peu de gens connus hormis les politiciens, donc on en a profité», reconnaît, tout sourire, Karim Youssef, l’un des deux cofondateurs. Un coup de pub bien pensé par l’agence de communication «Neon», la maison mère de Letz.ai pour laquelle Karim Youssef est aussi directeur marketing. Après ses actions sur les NFT et la cryptomonnaie, «Neon» a décidé de poursuivre ses innovations sur le web 3.0, poussée, voire forcée, par l’essor des générateurs d’images par intelligence artificielle (IA). «En temps qu’agence de communication, on voit que ces outils vont prendre une certaine part du marché, donc soit on les regarde faire, soit on le fait nous-mêmes.»
Des images sur mesure
Alors en un été seulement, entre juillet et septembre, Letz.ai voit le jour sous l’impulsion de Misch Stroz, «the big brain», développeur et second cofondateur. Bien que les intelligences créatives soient déjà pléthore, la plateforme payante se différencie par sa liberté de personnalisation. «On permet aux gens de créer leurs modèles, de faire des photos d’eux-mêmes ou de choses personnelles», lance avec enthousiasme Karim Youssef. Pour ce faire, l’utilisateur dépose entre 20 et 40 photos de la personne ou de l’objet de son choix afin que l’algorithme puisse l’éterniser en tant que modèle IA. Enfin, une fois que l’objet ou l’individu est modélisé, ce dernier se glisse dans un décor «que l’algorithme trouve sur Google ou sur les réseaux sociaux». Les modèles sont ensuite accessibles via la barre de recherche où se fait la demande de photos à l’IA.
Dans le futur, on souhaite se tourner aussi dans la direction d’un réseau social
Tout juste lancée, la plateforme souhaite aussi se distinguer en prouvant sa capacité à représenter «nos communautés locales et nos expériences personnelles». À commencer par le Grand-Duché, son pays d’origine. Alors, Karim Youssef et ses associés ont modélisé par avance les politiciens, mais aussi des symboles comme les bouchées à la reine, Superjhemp, la Philharmonie ou la Schueberfouer. Bien que les prix ne soient pas encore fixés, les différentes offres pour les particuliers devraient osciller autour de 9,99 euros, 25 euros et 99 euros par mois selon le nombre de photos autorisées par jour.
Estampillée luxembourgeoise, la plateforme souhaite tout de même s’ouvrir à l’international et compte sur une autre facette pour s’exporter : «Dans le futur, on souhaite se tourner aussi dans la direction d’un réseau social où les utilisateurs pourraient suivre d’autres personnes et regarder ce qu’elles génèrent». Des comptes d’auteurs de photos ou de modèles, «Xavier Bettel pourrait avoir le sien», pourraient ainsi être certifiés et suivis pour leur contenu.
«Il n’y a pas vraiment de loi»
Pour l’instant, le futur s’écrit avec quelques points d’interrogation. «On va voir comment les gens réagissent, comment ils créent et vers où le marché va aller», énumère le cofondateur. Au-delà de la réaction des utilisateurs, une ombre plane au-dessus de Letz.ai : les droits d’auteur. «Il y a toute une discussion concernant le droit à l’image de l’intelligence artificielle qui n’est pas encore très clair en Europe.» S’agit-il d’un collage, d’une œuvre originale ou d’une copie ? «Pour le moment, il n’y a pas vraiment de loi.» Alors, les intelligences artificielles génératrices d’images peuvent, pour l’instant, reprendre des photos publiées en ligne sans en créditer l’auteur ni le rémunérer. Bien que la plateforme luxembourgeoise n’y ait pas encore été confrontée, «si quelqu’un revendique son droit à l’image, alors on fermera le compte incriminé et la personne risquera des poursuites».
Un contrôle qui s’applique également sur le contenu des photos créées. «Sur la partie création de modèles publics, on a mis des filtres dans la barre de recherche contre la nudité par exemple, donc ça bloque et le compte en question peut être signalé et supprimé.» Cependant, ce pré-contrôle n’intervient pas dans la partie de création privée et cela ne permet pas non plus d’éviter la création de fausses photos. Un point dont est conscient Karim Youssef : «On est préparés, mais ce n’est pas vraiment la responsabilité de l’entreprise, dans le sens où je pourrais par exemple aller acheter une scie dans un magasin et faire des conneries avec, ce ne serait pas de la faute du magasin qui vend seulement». Pour l’instant, la modération se fait à la main, mais «si tout le Luxembourg ou toute l’Europe nous utilise, alors bien sûr, on espère avoir les moyens pour contrôler davantage».
Conçue pour créer des images personnalisées, Letz.ai souhaite ainsi subvenir aux besoins publicitaires des entreprises. «Si tu veux faire une pub avec Vicky Krieps mais qu’elle habite aux États-Unis, soit tu payes l’avion et l’hôtel ou alors, tu lui demandes son droit à l’image pour créer son modèle afin de générer des photos», explique le cofondateur de l’entreprise. Un gain de temps et financier selon lui et qui soustrait également les photographes de l’équation. «Mais ça ne va pas les faire disparaître», assure Karim Youssef, dont la compagnie envisage à l’avenir de licencier les modèles des photographes. Ces derniers pourraient donc faire «40 photos dans leur style» afin de commercialiser les clichés ainsi que leur propre style, reproductible par l’IA.