Le domaine thermal prend désormais en charge des patients souffrant de séquelles à la suite d’une infection au Covid-19, avec un programme spécifique pour retrouver le goût et l’odorat.
Ce lundi, un premier groupe de trois patients souffrant d’un Covid long a commencé le nouveau programme proposé par le domaine thermal de Mondorf : pendant trois semaines, du lundi au vendredi, ils vont suivre une cure adaptée accompagnés par des médecins, des kinésithérapeutes, des diététiciens, des sophrologues et des psychologues. Le but de cet accompagnement pluridisciplinaire : venir enfin à bout des symptômes persistants après leur infection par le virus.
Cette prise en charge très attendue a été initiée par le gouvernement en juillet dernier et implique le CHL et le Rehazenter. Le ministère de la Santé a mis 1,1 million d’euros sur la table pour cette première phase-pilote dont la durée est fixée à six mois. Ce dispositif lancé le 1er août a déjà permis à 89 patients souffrant d’un Covid long de bénéficier d’un accompagnement.
Le pôle thermal, qui n’avait pas été mobilisé jusque-là dans le contexte de la crise sanitaire, accueillera donc plusieurs groupes de patients Covid long jusqu’au 31 janvier 2022. «Notre offre est complémentaire avec celle du Rehazenter, puisque nous ne disposons pas des mêmes infrastructures, notamment en ce qui concerne l’hébergement», indique Carlo Diederich, directeur du pôle santé.
«Leurs équipes s’occuperont des patients nécessitant un encadrement médical journalier incluant de l’ergothérapie ou de l’orthophonie, et ceux qui souffrent de troubles neurologiques. Nous accompagnerons les personnes ayant retrouvé leur autonomie, mais qui font face à une perte du goût et de l’odorat, à la diminution de leur capacité physique, de la fatigue, des problèmes respiratoires, des douleurs musculaires et articulaires, des soucis au niveau de la nutrition ou encore de l’anxiété», précise-t-il.
Pour ouvrir cette nouvelle cure dont le nombre total de bénéficiaires à terme est difficile à estimer – y compris au niveau des autorités –, le domaine thermal a dû revoir en urgence son organisation et renforcer son personnel en conséquence. Ce qui permet au directeur d’affirmer : «Nous sommes désormais prêts à accueillir 120 patients sur les six prochains mois.» Pour l’instant, seule une dizaine de personnes ont rendez-vous en vue d’entamer cette cure spéciale.
«Ils vivent comme dans une bulle»
Si le domaine thermal a pu s’appuyer sur toute sa palette de compétences pour la plupart des soins dédiés au Covid long, assurer des séances de rééducation olfactive représentait un défi : en juillet, la cheffe du pôle nutrition, Lis Muller, est donc spécialement partie se former auprès du Pr Thomas Hummel au centre pour l’odorat et le goût de l’hôpital universitaire de Dresde, qui fait office de référence en la matière.
«Ne plus rien sentir et ne plus avoir de goût est beaucoup plus handicapant qu’on ne l’imagine», souligne l’experte. «J’ai rencontré là-bas des patients dont la qualité de vie est fortement diminuée : une dame souffrait beaucoup de ne plus sentir ses enfants, son mari. Certains n’ont plus envie de manger, car plus rien n’a de saveur. Ils vivent dans une bulle, sans contact olfactif avec le monde qui les entoure.» Difficilement supportable, d’autant que l’odorat joue aussi un rôle important en ce qui concerne les émotions et la mémoire.
Le protocole de rééducation conçu par le professeur allemand a fait ses preuves, mais nécessite une discipline de fer : «Deux fois par jour, dans des conditions bien spécifiques que nous allons leur enseigner, les patients devront placer tour à tour sous leur nez quatre sticks imprégnés d’huiles essentielles de rose, citron, clou de girofle et eucalyptus. Selon le principe de l’auto-observation, il leur sera ensuite demandé de noter ce qu’ils ressentent dans un journal de suivi», détaille Lis Muller.
Huit mois pour retrouver l’odorat
Ces exercices permettent d’entraîner l’olfaction, comme un sportif entraîne ses muscles, dans le but de stimuler la reformation des cellules olfactives qui ont été détruites par le virus. Un programme auquel il faut s’astreindre sur le long terme pour espérer des résultats : «Une étude montre qu’après 32 semaines, près de 80% des patients parviennent à une récupération satisfaisante», poursuit Lis Muller.
Le groupe travaillera ensemble, en parallèle des prises en charge individuelles, et cela constitue une part importante de la thérapie : «Ces patients se sentent enfin compris. Leur entourage ne peut pas se rendre compte de ce qu’ils vivent. En groupe, ils peuvent enfin échanger et s’exprimer sur leur vécu.»
La cure Covid long inclut également de la rééducation à l’effort physique, une cure respiratoire, un travail sur la nutrition et un suivi psychologique. Au bout de trois semaines, un bilan de santé complet sera effectué au CHL. En fonction des besoins et de l’expérience acquise au cours de ces six mois, la ministre Paulette Lenert a déjà annoncé que le projet-pilote pourrait être reconduit.
Christelle Brucker
Des flaveurs et un jardin aromatique
Le terme «flaveur» désigne les sensations olfactives et gustatives qu’on perçoit lors de la dégustation d’un aliment. Cette roue colorée (photo) mentionne 16 familles de flaveurs principales et permet aux patients de se repérer et d’être plus précis lors de leur entraînement. Elle s’accompagne d’un coffret de 54 flacons renfermant des arômes – utilisé notamment pour la formation des sommeliers – et de cartes imagées.
«On propose aux patients de sentir une odeur et ils essayent de retrouver de quoi il s’agit en s’appuyant sur la roue des flaveurs», explique Lis Muller. «En complément, à l’aide des cartes, ils doivent mettre une image sur ce qu’ils sentent, cela fait partie de l’entraînement.»
Le domaine thermal peut aussi s’appuyer sur son jardin d’herbes aromatiques, cultivé depuis 20 ans, pour plonger les patients sans goût ni odorat dans un environnement propice à l’éveil des sens : «On travaille tous les sens en même temps, on utilise des herbes très fortes et le toucher et la vue sont aussi très stimulés. On mesure sur une échelle de un à dix ce que sentent les patients.»