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Un retraité passait des appels anonymes à ses anciens collègues


«Ces appels étaient ses seules interactions humaines», selon son avocat.

Esseulé, Robert vivait mal sa retraite. Pendant des années, il a occupé ses journées à passer des appels anonymes à ses anciens collègues. Jusqu’à ce qu’il finisse par se lasser.

Des centaines et des centaines d’appels anonymes diffusant uniquement de la musique reçus pendant des années, de quoi en terroriser plus d’un. Deux collègues ont déposé plainte pour harcèlement obsessionnel. L’enquête qui s’est ensuivie a mené à Robert, un retraité esseulé.

«Cela a commencé en avril 2014. Je recevais un appel tous les deux jours sur mon téléphone portable, puis sur mon téléphone fixe. Au début, on n’entendait rien. La musique est arrivée quelques années plus tard», a témoigné Lucien. L’ancien instituteur a noté la date et l’heure de tous les appels émis par «un numéro masqué» «les lundis, mercredis et vendredis» jusqu’en janvier 2020. «Pour finir, je les attendais.»

En parallèle, une de ses collègues recevait le même type d’appels sur le répondeur de son bureau. Toujours le même morceau de Heintje pendant une minute jusqu’au mot «Mama», contrairement au témoin qui a entendu des titres choisis de manière aléatoire sur YouTube. À partir de 2019, l’instituteur a également reçu trois lettres contenant des insultes et toujours la même annonce mortuaire d’un inconnu. «Je ne savais pas comment l’interpréter», note le témoin, qui a fini par déposer plainte. «Ce n’était pas anodin.»

Son ancienne collègue a très mal pris ces appels. En arrêt maladie pendant un an, elle est reclassée en interne en janvier 2020 et souffrirait d’un syndrome de stress post-traumatique. «Ma cliente a des origines néerlandaises comme Heintje et les appels ont cessé après son changement de poste. On est en droit de se demander si les appels n’étaient pas personnalisés», a relevé son avocat.

«Une personne à part»

Robert, 67 ans, est accusé de harcèlement obsessionnel à l’encontre de ses anciens chefs de service et de ses anciens collègues. Sur le bureau de l’un, il a déposé un foie pourri, dans le casier d’un autre, des oreilles de cochon. Un de ses anciens supérieurs a eu droit à une lettre d’insultes par semaine. Seuls deux ont réagi.

Le retraité n’aurait jamais voulu faire de mal. Il s’ennuyait, se sentait seul. «Ces appels étaient ses seules interactions humaines», selon son avocat. «Il voulait conserver des contacts. Il a fonctionné comme les personnes qui se sont fait larguer», a constaté un expert judiciaire. Robert n’avait pas conscience des conséquences éventuelles de ses actes, selon son avocat. «Il voulait certainement faire plaisir à ses anciens collègues en leur passant ses chansons préférées.» Lors de l’enquête, il avait pourtant reconnu avoir voulu faire peur au témoin.

«Comment ai-je pu traumatiser quelqu’un avec une chanson?» À la barre de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Robert ne comprend pas. «Je visais le répondeur du service, pas mon ancienne collègue. Quand j’appelais directement à un poste, on me raccrochait au nez.» Le retraité ne s’explique pas pourquoi il a cessé d’importuner ses anciens collègues. «Je n’y trouvais plus d’intérêt.»

Dans cette affaire, Robert apparaît moqueur et manquer d’empathie. «La personne qui écoutait le répondeur pendant que mon ancienne collègue était en arrêt maladie est-elle également tombée malade?», a-t-il lancé pour sa défense. L’attitude du prévenu interpelle. Son avocat explique que son intelligence est au-dessus de la moyenne, mais que son intelligence émotionnelle n’a jamais été développée.

«Robert ne sait pas comment se comporter en société. On n’a jamais pris la peine de le lui apprendre. Il a grandi sans mère, rejeté par son père et sa belle-mère», a indiqué son avocat, qui précise que, comme il n’avait de contact avec personne, il ne pouvait pas savoir que son ancienne collègue était terrorisée par ses appels anonymes. «Le prévenu est une personne à part. Il a une autre perception des choses.»

Des justifications qui ne sont pas passées auprès de la représentante du parquet. «Il savait qu’il embêtait tout le monde. Il n’a pas de maladie mentale, l’expert l’a confirmé», a-t-elle estimé. «Il n’a pas compris. Il trouve cela marrant. Il ne montre pas de regrets.» Elle requiert une peine de 12 mois de prison et une amende pour harcèlement obsessionnel. Son avocat a réclamé l’acquittement pour l’affaire du répondeur, car «il ne visait pas une personne», et une «simple amende» pour les multiples coups de téléphone à Lucien.

Le prononcé aura lieu le 12 décembre.