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Un Luxembourgeois sacré mondialement en broderie


Après trois tentatives, l’édition 2025 est enfin la bonne pour le brodeur Yanis Miltgen. (Photo : yanis miltgen)

Après trois ans de participation, Yanis Miltgen, brodeur luxembourgeois, remporte le Hand & Lock Prize 2025 avec une création inspirée du corbeau et de la peste.

«C’est un miracle! Un rêve qui devient réalité», exulte Yanis Miltgen, brodeur d’art. Le 7 novembre, à la galerie Rosenfeld de Londres, le Franco-Luxembourgeois est devenu lauréat du Hand & Lock Prize for Embroidery 2025. C’est sa dernière création, Anthropomorphic Plague, un ensemble noir inspiré du corbeau, qui lui a permis de remporter ce concours de broderie, le plus prestigieux au monde. À seulement 24 ans, Yanis intègre le cercle fermé des chevalier des arts de la couronne britannique : un tournant dans sa carrière, car il pourra «désormais être appelé par la famille royale pour participer à des projets officiels, comme des mariages ou des enterrements».

Finaliste en 2022, prix du public en 2023, non retenu en 2024, il décroche enfin le prix du jury cette année. Le thème imposé était de «transformer ce qui est mal-aimé en beau». Pour cette édition, Yanis Miltgen choisit de s’inspirer de la mort avec le corbeau comme symbole majeur. «La pièce s’inspire d’une gravure de Paul Fürst de 1656 (NDLR : Der Doctor Schnabel von Rom) où le corbeau est lié à la peste, car les médecins d’alors portaient un masque qui les faisait ressembler à cet oiseau. C’est une période que j’ai beaucoup étudiée», précise-t-il.

Plus de 1 500 heures de travail

Pour le thème de 2025, sa motivation était de «montrer que la mort n’est pas une fin, mais une transformation». Sa pièce se décompose en trois éléments : un masque en cuir entièrement brodé de perles, des gants griffus et un corset muni de deux ailes. «Le corps de la femme y est comme emprisonné, la poitrine recouverte de mains et de serres de corbeau», décrit Yanis Miltgen. Toujours soucieux d’innover, il a, par exemple, animé les ailes avec un moteur d’essuie-glace. «J’aime mélanger le vivant et la machine. La broderie, pour moi, c’est une expérimentation», précise-t-il.

Pour rendre la mort «belle», le brodeur d’art a consacré plus de 1 500 heures de travail à son œuvre, pour notamment broder plus de 100 000 perles. «J’étais dessus pendant neuf mois, presque sans pause. Je pense qu’on peut comparer cette quête à la longueur d’un marathon, même si je n’en ai jamais fait», plaisante-t-il.

«Pousser la broderie dans ses retranchements»

Le lauréat du Hand & Lock Prize ne se voit pas comme un simple décorateur. «La broderie, c’est mon laboratoire. Je teste, je cherche, je rate, je recommence.» Pourtant, son chemin n’était pas tout tracé. Après un bac scientifique, il part étudier la mode à Paris. C’est là qu’il découvre sa passion pour le textile, puis pour la broderie, qu’il doit apprendre en autodidacte. «Mon école ne proposait pas de formation en broderie, alors j’ai appris seul, puis avec des maîtres d’art, en allant jusqu’à La Réunion.» C’est d’ailleurs son enseignante réunionnaise qui lui a permis de connaître le Hand & Lock Prize.

Prix du public en 2023, Yanis Miltgen souligne l’accompagnement qu’il a pu recevoir de Hand & Lock pour développer son activité : «Cela ne se traduit pas par une simple enveloppe financière, mais plutôt par un suivi : un mentorat, des conseils professionnels.» Il précise que cette aide est précieuse pour des artistes souvent indépendants, car ils «sont d’excellents techniciens, mais pas forcément des entrepreneurs».

Aujourd’hui, cherchant sans cesse à innover, il essaye toujours d’intégrer des éléments inattendus. «J’utilise des matériaux peu conventionnels : de la nacre, du métal ou des composants électriques», indique-t-il. «L’idée est de pousser la broderie dans ses retranchements, d’aller au-delà du textile.»

Pour confectionner cette création en trois pièces, 1 500 heures ont été nécessaires.

Une reconnaissance internationale dans un milieu discret

Dans les mois à venir, il exposera ses œuvres à Shanghai ou encore Venise en 2026, avant de revenir à Luxembourg avec une exposition personnelle à la galerie Mob-Art studio. Le Franco-Luxembourgeois souligne la singularité et la discrétion du milieu de la broderie. «Il existe beaucoup de brodeurs dans le monde, mais chacun travaille dans son univers. On garde toujours un œil sur ce que font les autres, oui, mais c’est un milieu assez discret, pour ne pas dire secret.» Il avoue ressentir «une vraie pudeur autour du savoir-faire».

Dans son atelier, à Luxembourg, il peut «passer des semaines à chercher une idée avant de broder le premier point». Une fois lancé, il travaille des journées entières, souvent seul, et ne compte plus ses heures. La fatigue est présente, mais la passion est plus forte. «Après chaque pièce, je me dis : plus jamais. Et puis, quelques jours plus tard, j’ai déjà envie de recommencer», dit-il en riant.

Même avec cette nouvelle reconnaissance apportée par le Hand & Lock Prize, Yanis Miltgen garde les pieds sur terre. «Je reste un artisan. Ce que j’aime, c’est le geste, le fil, le temps qu’il faut pour que l’idée prenne forme.» Ces ingrédients, il les mettra à nouveau en œuvre pour l’édition 2026 de la prestigieuse compétition, assure-t-il.

Hand & Lock, une maison d’excellence

Créé par la maison de broderie éponyme fondée en 1767 à Londres, le Hand & Lock Prize for Embroidery célèbre l’excellence et l’innovation en broderie. Lancé en 2000 avec cinq participants, il réunit aujourd’hui plus de 40 pays. Parmi des centaines de candidatures, 24 finalistes sont choisis : 12 pour la catégorie mode et 12 pour l’art textile. Tous sont accompagnés dans leurs tâches par des mentors issus de maisons comme Dior ou la Royal School of Needlework. Ce concours est décrit comme «un vrai tremplin» par Yanis Miltgen. En effet, de jeunes talents, après leur participation, ont pu collaborer avec des maisons comme Chanel ou Alexander McQueen.

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