À peine majeur, le prévenu a commis des faits susceptibles de l’envoyer en prison entre 20 et 30 ans. Les conclusions d’une expertise psychiatrique peuvent diviser le quantum par deux.
«J’ai une maladie mentale», répète machinalement Mohamadosama pour expliquer son geste. Le 10 janvier 2023 en début d’après-midi, le jeune Syrien de 21 ans a volé un smartphone en usant de violences dans le parc Émile Mayrisch à Dudelange, avant de blesser un lycéen au couteau pour des cigarettes et de porter des coups à son ami venu le secourir. «J’entendais des voix, je n’étais pas conscient de ce que je faisais», indique le prévenu qui a été à plusieurs reprises transféré du CPU au CHNP d’Ettelbruck.
L’expert neuropsychiatre a diagnostiqué «un début de psychose» et conclu à «une altération de son discernement au moment des faits». «Il a sans doute été fragilisé par son vécu durant le conflit dans son pays natal.» Le jeune homme a grandi à Homs. Il est arrivé au Luxembourg à l’âge de 13 ans avec sa famille, après un périple d’un mois sur la route des Balkans.
Debout à la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Mohamadosama n’est pas très bavard. Il ne se souvient plus très bien des faits et a du mal a expliquer ce qui l’a poussé à agir. Durant l’instruction de l’affaire, il aurait souvent changé de version, selon l’expert. Sa seule certitude est qu’il n’avait pas l’intention de tuer. «Aujourd’hui, je prends des médicaments et je me sens mieux», précise le prévenu, qui dit regretter son geste.
Le premier fait a été «brusque», selon Thomas, 19 ans. «Je me rendais au lycée. Il s’est approché de moi pour me demander l’heure. J’ai sorti mon smartphone de la poche de mon blouson. Il me l’a arraché des mains et m’a demandé le code de sécurité. Je le lui ai donné, mais il ne l’a pas compris et m’a giflé avant de partir.»
Dans la foulée, le prévenu a attaqué Alan et blessé Haroun qui avaient assisté au vol. «Il était très énervé et paraissait agressif. Il nous a demandé une cigarette, puis tout le paquet», témoigne le jeune homme âgé de 19 ans lui aussi. Pour éviter les ennuis, il s’est exécuté. «On sait que certains jeunes ont des couteaux», a indiqué Haroun. «Il nous a insultés et menacés de mort», a ajouté Alan notamment blessé aux mains en tentant de protéger son ami.
Malgré la peur, toujours vivace aujourd’hui, il a retenu le prévenu jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre. Alan avait relâché son étreinte pour les alerter. Mohamadosama en a profité pour donner un coup de couteau dans la jambe à Haroun. «Je lui ai attrapé la main pour le désarmer, j’ai balancé le couteau et je suis monté sur son dos pour l’immobiliser», raconte ce dernier dont la plaie faisait dix centimètres. «Ma jambe ne fonctionne plus comme avant.»
Une sanction adaptée
Le jeune agresseur est accusé de tentative de meurtre, de coups et blessures volontaires ainsi que d’extorsion ou de vol avec violences. Haroun s’est porté partie civile. Il réclame plus de 45 000 euros de dommages et intérêts. Alan a, quant à lui, demandé la somme de 15 000 euros.
«Quelle est la sanction pénale adaptée? C’est tout l’enjeu de ce procès», est intervenu son avocat, Me Says. La représentante du parquet venait de requérir 15 ans de prison, dont une partie assortie du sursis probatoire avec obligation de poursuivre son suivi psychiatrique. Elle a fait application de l’article 71-1 du code pénal qui atténue la peine (entre 25 et 30 ans de réclusion) normalement prévue pour une tentative de meurtre.
«Un suivi volontaire après sa détention», a précisé l’avocat, qui a demandé au tribunal de «rester en deçà de la peine requise» et «de lui accorder un sursis simple sur tout ce qui dépasse les quatorze mois de détention préventive». «Un retour en prison n’est pas une solution adaptée à cette affaire. Il accepte son traitement et se sent beaucoup mieux.» Les preuves ne seraient, contrairement à l’avis du parquet, pas suffisantes pour conclure à la tentative de meurtre.
La parquetière a estimé que transporter un couteau de cuisine dans son sac n’était pas innocent. Le sortir de son étui et s’en servir contre quelqu’un, non plus. Surtout au vu des menaces de mort proférées avant l’attaque. «Il a clairement exprimé son intention.» Le prévenu a été plaqué au sol par les deux amis qui se sont défendus. Haroun a reçu un coup de couteau – heureusement pas létal car aucun vaisseau sanguin n’a été sectionné. Une entaille a toutefois été trouvée sur son blouson au niveau du cœur.
Le prononcé est fixé au 27 février prochain.