À défaut de se faire vacciner, Adriano a préféré acquérir un faux pass sanitaire réalisé par un informaticien de permanence au centre de vaccination du Kirchberg en août 2021.
«Pour moi, ce n’était pas un faux document. Pour moi, il avait été établi par un médecin qui avait jeté la dose de vaccin. Si j’avais su qu’il avait été fait par un informaticien, je n’aurais jamais payé pour en avoir un», s’entête Adriano.
«Si j’avais su, je ne l’aurais pas fait.» L’agent de sécurité a payé 300 euros à un de ses collègues pour obtenir un faux pass sanitaire pendant la pandémie de covid. N’étant pas vacciné, il craignait pour son emploi. Une semaine après l’obtention du document, le trentenaire a attrapé le virus.
Le prévenu travaillait au centre de vaccination de Luxexpo. «Entre nous, on plaisantait en se disant que ce serait chouette d’avoir un faux certificat», explique Adriano. Jusqu’au jour où Mamoudou est entré dans la boucle.
«Un agent de sécurité m’a demandé si je pouvais établir un faux pass sanitaire pour éviter que des personnes non vaccinées perdent leur emploi. Il m’a pris par les sentiments», reconnaît l’informaticien. Il lui est reproché d’avoir commis au moins trois faux certificats.
«Le 13 août 2021, le ministère de la Santé a signalé une fraude», a indiqué un enquêteur de la police. Trois jours plus tôt, un médecin responsable du centre de vaccination du Kirchberg a remarqué, en réalisant un inventaire en fin de journée, qu’un de ses collègues avait établi dix-huit pass sanitaires alors que seules quinze doses de vaccin avaient été utilisées.
Autre incongruité remarquée par le médecin, les certificats sans vaccin avaient été établis dans l’après-midi alors que le médecin qui était censé les avoir établis avait été en service le matin uniquement.
Une carte remplace l’autre
Une enquête est lancée et Mamoudou est confondu. «Une permanence informatique était assurée par une entreprise externe pour le compte du centre informatique de l’État (NDLR : Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE)», explique le policier.
«Le personnel médical des centres de vaccination avait des cartes d’identification Luxtrust. Les informaticiens disposaient de cartes vierges en cas d’oubli.» Disposant du matériel et des connaissances informatiques, Mamoudou n’avait qu’à se servir et accéder à l’application MSVAC, le logiciel de vaccination.
Il a désactivé la carte Luxtrust d’un médecin et en a créé une nouvelle lui permettant d’accéder à l’application, où il a établi les faux certificats avec les données de médecins et du destinataire du pass sanitaire.
Le lendemain, il a désactivé la carte et réactivé la carte du médecin. Selon l’enquêteur, il avait déjà testé le système avec la carte d’un autre médecin un mois plus tôt. Il avait cependant omis un détail. Les détenteurs des cartes étaient avertis par message de leur désactivation et de leur activation.
Confondu, il est tout de suite passé aux aveux. Il voulait rendre service au mépris des lois et aurait empoché 600 euros. «Vous étiez engagé par l’État luxembourgeois lors de la crise sanitaire pour assister les médecins et les infirmiers.
Les institutions vous faisaient confiance pour mener à bien cette mission de service public. Justifier cela par les sentiments est…» La présidente de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’interrompt avant de reprendre : «Je ne comprends pas comment vous avez pu avoir le réflexe ni comment vous avez pu croire que vous pouviez le faire.»
Mamoudou ne lui livrera pas plus d’informations. Il encourt 18 mois de prison et une amende pour, entre autres, abus de confiance au préjudice de l’État et de deux médecins, escroquerie, port de faux noms, faux et vente de faux.
Quant au deuxième prévenu, le parquet a requis une peine de six mois de prison et une amende appropriée à son encontre pour avoir acquis le faux pass sanitaire.
Son avocat a estimé qu’il «a été victime d’une escroquerie». «Ma femme était enceinte à l’époque, perdre mon travail n’était pas une option», tente de se justifier le trentenaire après s’être lancé dans un début de débat sur sa perception du virus et du vaccin à l’époque.
Le prononcé est fixé au 15 juillet.