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Un homme, trois femmes enceintes : le feu de l’amour finit au tribunal


Les faits sur lesquels se penchait lundi la 9e chambre criminelle remontent au 28 janvier 2012. Dans cette histoire d'amour, il n'y a pas eu que des étincelles... (illustration Julien Garroy)

Enceinte, elle n’avait pas accepté que le père de leur futur fils la quitte. Elle avait mis le feu à la terrasse de l’appart où son ex s’était installé avec une rivale, enceinte de lui elle-aussi…

« J’ai senti une odeur d’essence. J’ai commencé par vérifier les radiateurs. Quand je me suis approchée de la fenêtre, j’ai aperçu de la fumée. En ouvrant la porte donnant sur la terrasse, les flammes ont jailli. » Heureusement, la rivale alitée avait senti à temps le feu. Et que son copain (donc l’ex de la première), arraché de son sommeil, avait eu le bon réflexe d’aller chercher vite un seau d’eau pour l’éteindre.

Sept ans après les faits, la jeune femme entendue comme témoin ne se souvient pas de toutes les péripéties ayant précédé le drame du 28 janvier 2012, vers 10h, rue de la Libération à Schifflange. Mais des altercations avec celle qui avait mis le feu à la terrasse de son appartement il y en a bien eu. Et la raison, elle ne l’a pas cachée : «J’étais enceinte en même temps qu’elle. Et le père était le même…»

Toujours est-il que la police avait rapidement intercepté la suspecte. Son ex avait en effet indiqué aux agents l’avoir reconnue par la fenêtre. Au poste de police, elle avait commencé par nier les faits, mais avait fini par passer aux aveux : au réveil, vers 8h30, elle s’était rendue à une station-service à Eich pour acheter de l’essence. Elle avait pris le bus, puis le train pour se rendre à Schifflange. Là elle avait accédé à l’aide d’une échelle à la terrasse au 1er étage. Après avoir escaladé une balustrade, elle avait aspergé la porte-fenêtre donnant sur l’appartement et sorti le briquet. Un projet assez fou, sachant qu’à l’époque elle était enceinte du sixième mois.

Mais, à l’époque, elle aurait été très en colère contre le père de leur futur fils. L’homme, originaire du Cap-Vert, avec qui elle était venue au Luxembourg en 2011, venait de lui déclarer lors d’un échange de SMS être avec une autre femme.

«En mettant le feu, vous vouliez provoquer quoi ?», l’a interrogée lundi après-midi la présidente de la 9e chambre criminelle :
– «Je voulais lui faire peur.
– Vous pensiez qu’il allait revenir après tout cela ?
– Je n’ai pensé à rien. À l’époque, je n’étais pas bien.»

« Jalousie entre filles »

La prévenue, âgée aujourd’hui de 44 ans, a exprimé ses regrets à la barre. Mais de l’incident du mois de mai 2011 où elle avait un couteau, elle ne se rappelle quasiment pas : «Je voulais lui faire peur, pas mal…»

Son avocat a parlé d’un «dossier sensible», «une histoire de jalousie entre filles». Car visiblement, elles étaient deux autres femmes à tomber enceintes du même homme en même temps… Totalement désespérée, sa cliente aurait tout essayé pour reconquérir son ex. «Le geste de Madame ne se justifie pas. Mais juste une porte a été détruite», a soulevé l’avocat notant qu’elle avait seulement utilisé 0,2 l d’essence, alors qu’elle en avait acheté 1,5 l.

Au vu du dépassement du délai raisonnable dans cette affaire et l’altération du contrôle de ses actes, la défense a demandé une peine assortie du sursis intégral.

Si l’expert psychiatre a conclu qu’au moment des faits la prévenue était dans un état second et parlé d’un acte passionnel, le représentant du parquet avait une autre lecture du dossier. Entre le moment où elle a négocié l’essence prétextant une panne sèche, le voyage en train, l’échelle… et les menaces proférées auparavant, on ne pourrait parler d’une impulsion du jour même. Le parquetier a encore soulevé les conclusions de l’expert en incendie : «S’il n’y avait pas eu d’intervention rapide, le feu se serait propagé dans tout l’appartement.»

Au vu du dépassement du délai raisonnable, le parquet estime qu’une réduction de peine est envisageable. Il a fini par requérir 7 ans de prison assortis d’un large sursis contre la quadragénaire. Après les faits, elle avait passé près de trois mois en détention préventive à Schrassig où elle a également donné naissance à son fils. Fin avril 2012, elle avait été placée sous contrôle judiciaire.

Prononcé le 5 mars.

Fabienne Armborst