Accueil | A la Une | Un dealer présumé utilise la drogue comme monnaie d’échange

Un dealer présumé utilise la drogue comme monnaie d’échange


Le prévenu prétend avoir vendu une boulette par ci par là quand il avait besoin de liquide. (Photo : archives lq)

Dealer présumé originaire du Nigeria, Tausdeen prétend confondre les boulettes de stupéfiants avec une monnaie d’échange. Une stratégie de défense qui n’a pas convaincu le parquet.

Le jeune homme âgé de 26 ans s’est présenté hier à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg vêtu d’un t-shirt jaune vif à l’effigie de maître Yoda floqué en bleu électrique de l’inscription Balenciaga. Présenté comme timide par son avocat, Me Diassy, Tausdeen est resté muet à l’énoncé de la première des trois affaires qui lui sont reprochées. Il se décoincera par la suite.

Le 30 juin 2024, il a été arrêté rue de Strasbourg à Luxembourg avec 23 boulettes de cocaïne et d’héroïne sur lui. Placé en détention préventive en attendant son jugement, il obtient une libération provisoire et se fait à nouveau remarquer par les forces de l’ordre dans le quartier Gare. Le 2 décembre 2024, il se fait aborder rue Joseph-Junck par un policier en civil qui prétend chercher à acheter des stupéfiants. Tausdeen lui remet une boulette de cocaïne en échange de 50 euros.

Le piège s’est refermé sur lui. «Je voulais prendre le train pour rentrer chez moi à Marseille. Je n’avais pas assez d’argent pour payer le billet de train, j’ai décidé de vendre une partie de ma consommation personnelle pour compléter la somme nécessaire», explique le jeune homme en anglais. Il retourne en prison et obtient à nouveau une libération provisoire.

Le 8 février dernier, alors que Tausdeen a, à nouveau, pu bénéficier d’une libération provisoire, il récidive. Il est interpellé par des policiers dans le quartier Gare avec 22 boulettes de cocaïne pour un total de 12,6 grammes et un joint de marijuana. Cette fois, le prévenu avait faim. «Je voulais vendre une boulette pour m’offrir un sandwich.» «Et cette fois, vous ne vouliez pas rentrer à Marseille? Vous aviez plus de boulettes, vous aviez de quoi vous offrir tout le billet», s’amuse le juge.

Une histoire qui ne tient pas debout

Le prévenu assure que les stupéfiants trouvés sur lui dans les trois dossiers étaient destinés à sa consommation personnelle. Il présente ses excuses au tribunal et promet de ne jamais remettre les pieds sur le sol luxembourgeois si on le laisse regagner Marseille. Il pourra, dit-il, y retrouver son ancien emploi dans une chaîne de fast-food.

Mais son histoire ne tient pas debout pour le président, qui relève une incohérence : «Lors de son audition auprès du juge d’instruction, il a prétendu vouloir regagner Metz pour se rendre à Toulouse.» «J’ai des amis à Metz, je voulais leur rendre visite», répond le prévenu, qui s’enfonce un peu plus.

Pour se rattraper, le jeune homme indique «avoir» un appartement dans la cité phocéenne sans livrer plus d’explications. Curieux, le juge veut comprendre. «Des personnes y habitent pour l’instant. Elles attendent mon retour», précise Tausdeen, qui préfère apparemment rester discret sur ce qui touche à sa vie et à ses activités. Si ce n’est pour justifier la provenance de l’argent dont il était en possession lors de chacune de ses interpellations. Les sommes étaient issues de son activité professionnelle à Marseille et pas, jure-t-il, d’un quelconque trafic de stupéfiants.

«Légale et légitime»

Tausdeen se défend d’être un dealer. Le procureur a du mal à croire qu’il dit la vérité. Les quantités de drogue trouvées en sa possession, la vente au policier en civil, le fait d’avoir avalé les boulettes à l’approche des policiers et ses aveux face au juge d’instruction pour le dernier dossier font penser le contraire au magistrat, qui requiert une peine de 30 mois de prison à l’encontre du jeune homme. Son casier judiciaire étant vierge, il ne s’oppose pas à un sursis.

Une peine jugée «légale et légitime» par Me Diassi, qui a appuyé le désir de son client de rentrer en France où il a fait une demande d’asile. Démarche qui l’empêche de rester sur le sol luxembourgeois. L’avocat rappelle que son client a collaboré avec la justice, avant de réclamer «une peine moindre» en sa faveur, et souligne que l’argent et les téléphones saisis ne font pas un dealer du Nigérian.

Le prononcé est fixé au 10 juillet.