Gabriella a essayé de minimiser son rôle dans un réseau de prostitution entre le Venezuela et le Luxembourg. Son ex-compagnon est pourtant passé aux aveux complets dès son arrestation.
Les policiers ont pendant plus d’un an joué au chat et à la souris avec un réseau de prostitution actif dans la capitale et dirigé en partie depuis le Venezuela. La justice reproche à sa cheffe présumée et à son bras droit de s’être livrés au proxénétisme dans une dizaine d’appartements situés notamment dans le quartier Gare ainsi que dans des lieux choisis par les clients eux-mêmes, comme des hôtels, par exemple.
Les témoignages de voisins se sont accumulés à partir de janvier 2022 après deux incidents impliquant des prostituées, pourtant à chaque fois que les policiers se sont rendus dans les divers appartements par la suite, les filles avaient plié bagage. Des indices – une Audi A3, des numéros de téléphone et l’identité du bailleur – ont permis aux enquêteurs de remonter jusqu’à Domingo, 31 ans. Puis jusqu’à Gabriella, une Vénézuélienne de 35 ans qui apparaît comme la maquerelle.
Tous les deux comparaissaient hier matin face à la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Domingo est en aveux. Pas Gabriella. «Le prévenu nous a dit avoir agi pour sa compagne de l’époque, Gabriella», rapporte l’enquêteur. Elle aurait recruté les filles au Vénézuéla et Domingo aurait assuré leur accueil et leur transport, loué les appartements, assuré les relations avec les clients et organisé le quotidien des prostituées au Luxembourg, ainsi que prélevé l’argent gagné pour le renvoyer au Venezuela à Gabriella ou à sa maman.
«Les prostitués devaient lui remettre la moitié», précise le policier. Et se faire les plus discrètes possible. Toutes les filles étaient référencées sur des sites internet luxembourgeois dédiés aux escort-girls et Gabriella tirait les ficelles, selon les résultats d’écoutes téléphoniques et d’analyses de discussions en ligne. La prévenue avait notamment ordonné à la trentaine de prostituées de «faire au moins cinq clients par jour et au mieux entre dix et douze» au tarif de 100 euros les trente minutes. Les prostituées travaillaient six jours sur sept, 18 heures sur 24.
Traite humaine
À la barre, Gabriella nie avoir dirigé le réseau de prostitution. Elle cherche à détourner les questions du président et indique avoir uniquement accueilli des amies à son domicile et organisé des rendez-vous. Elle fait complètement l’impasse sur les preuves issues de l’enquête qui ne laissent aucun doute quant à son implication. «Domingo l’a raconté à la police et la police l’a cru», se défend la jeune femme face à son ancien compagnon qui a joué cartes sur table avec les policiers. «Je peux seulement dire ma vérité.»
Une vérité bien utile aux policiers et qui devrait lui valoir une certaine clémence de la part du tribunal, selon son avocat, Me Says, malgré le fait d’avoir profité de la vulnérabilité des prostituées. Cela n’a pas empêché la représentante du parquet de requérir une peine de 42 mois de prison à son encontre et de 48 mois à l’encontre de Gabriella pour proxénétisme, traite des êtres humains et blanchiment d’argent, ainsi que des amendes.
«La prostitution est le plus vieux métier du monde et également un des métiers les plus humiliants et dégradants», a-t-elle estimé. «Ces femmes acceptent d’avoir le sexe d’inconnus en elles plusieurs fois par jour. En profiter est grave.» Domingo et Gabriella auraient empoché au minimum 100 000 euros «sur le dos des prostituées» recrutées et choisies au Venezuela avant d’être amenées au Luxembourg, un pays qu’elles ne connaissent pas et dont elles ne parlent pas la langue.
La prostitution en elle-même n’est pas punie. Gabriella le sait bien. Cette ancienne prostituée en profite pour assurer sa défense. Elle pensait aider des amies venues de leur plein gré en Europe en leur fournissant des logements et des clients, assure son avocate, Me Gabriela Schmit. Sa cliente n’était qu’une «téléphoniste», pas une souteneuse. «Elle est en prison depuis un an et des filles continuent d’arriver du Venezuela», quant aux filles, «elles travaillent dans le monde entier et ne peuvent pas connaître toutes les langues». Me Schmit tente de noyer le poisson pour permettre à Gabriella, gravement malade, d’échapper à la détention.
Me Says a, de son côté, prié le tribunal de ne pas retentir la traite à l’encontre de Domingo et de le condamner à une peine n’excédant pas la peine requise assortie du sursis intégral. «Au vu de sa collaboration avec la police et de ses aveux, l’homme à tout faire mérite une deuxième chance.»
Le prononcé est fixé au 27 février.