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Un coup de couteau dans la poitrine et deux lectures différentes du dossier


L’altercation qui a mené au coup de couteau s’est produite devant l’entrée de la Fondation Pescatore. (Photo : archives lq)

Pour la défense, l’enquête n’a pas permis de prouver à l’exclusion de tout doute qu’Ayoub a poignardé Grady. Le jeune Algérien nie son implication et multiplie les alibis.

Il y a deux ans et huit mois, le 12 février 2022, en plein après-midi, Grady, un jeune homme d’origine africaine, a reçu un coup de couteau dans la poitrine de la part d’un jeune Maghrébin devant la Fondation Pescatore, à Luxembourg. Pourquoi? Difficile à dire étant donné que la victime a disparu des radars de la justice et que l’auteur présumé refuse de répondre à la question. Lui n’aurait rien fait, à part fuir le danger avec sa compagne enceinte.

«J’ai vu des gens cagoulés arriver vers nous. Ils étaient armés de couteaux et l’un d’eux a frappé mon ami avec une trottinette électrique. J’ai pris ma copine par la main et nous sommes partis», a prétendu le jeune Algérien de 20 ans hier matin. «Je n’ai touché personne.» «On avance», a constaté le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Jusqu’à présent, vous aviez toujours affirmé ne pas vous être trouvé dans le parc, mais à l’hôpital au moment des faits. Or ça, c’était la veille.» Ayoub s’y était rendu pour faire retirer les fils d’une blessure qu’il s’était faite en sautant par une fenêtre pour échapper à la police.

Un couteau de cuisine de 30 centimètres

Son alibi, vérifié par les enquêteurs, ne tient donc pas. De plus, la victime, sa petite amie et un ami ont formellement identifié Ayoub comme étant l’homme au couteau. Le prévenu prétend pourtant que son ami «a eu une embrouille» avec la victime et serait l’auteur présumé de la tentative de meurtre ou des coups et blessures volontaires qui lui sont reprochés. «Je n’avais pas de couteau sur moi», précise-t-il.

L’arme du crime, un couteau de cuisine de 30 centimètres, n’a pas été retrouvée et les images de vidéosurveillance de la résidence pour seniors n’ont pas permis aux policiers d’y voir plus clair. Ils ont dû se fier uniquement aux témoignages de la victime – blessée de manière superficielle du côté gauche de la poitrine – et de ses proches pour boucler leur enquête et appréhender le prévenu.

Le coup de couteau a été porté à Grady alors qu’il se trouvait sur le petit rond-point au bout de la rue Pescatore. La lame ne s’est heureusement pas enfoncée profondément dans les tissus et aucun organe vital n’a été touché, de sorte que la victime a pu rapidement quitter l’hôpital.

Des déclarations peu crédibles

L’affaire reste obscure malgré sa parution en justice. Grady et Ayoub étaient tous les deux connus des services de police pour des faits plus ou moins graves. Le prévenu est actuellement en détention préventive à cause, indique-t-il nonchalamment, «d’un petit problème de vol. Il paraît que j’ai cambriolé une maison». À 20 ans, Ayoub semble déjà blasé par la vie. Il distribue les alibis à la ronde. Sa blessure à la main l’aurait empêché de tenir un couteau et de s’en servir.

Le procureur ne le croit pas. «Ses déclarations sont inconstantes, contrairement à celles des trois témoins.» Pour lui, Ayoub est l’auteur du coup de couteau. Le magistrat a juste émis un doute quant à l’intention du prévenu de donner la mort. Il a demandé au tribunal de ne pas retenir la tentative de meurtre à son encontre, mais les coups et blessures volontaires, et de le condamner à la peine maximale, soit deux ans d’emprisonnement, ainsi qu’à une amende.

Me El Handouz n’était, il fallait s’y attendre, pas du tout du même avis. Pour elle, l’enquête a été menée à charge et elle n’est pas parvenue à trouver d’élément objectif dans le dossier prouvant la culpabilité de son client. Si ce n’est les témoignages des proches de la victime. «Il n’y a rien à l’exclusion de tout doute qui accuse mon client», a-t-elle clamé avant de plaider en faveur de son acquittement. Si le tribunal devait toutefois entrer en voie de condamnation, l’avocate a prié les juges de suivre le parquet et de ne retenir que les coups et blessures volontaires. Elle a également fait valoir le dépassement du délai raisonnable pour obtenir une réduction de peine.

Le prononcé est fixé au 28 novembre prochain.