Aldemir est accusé d’avoir constitué une menace à l’ordre public en tirant un coup de feu en pleine rue avec un pistolet semi-automatique qui ne lui appartenait pas.
Un coup de feu a brisé le relatif silence de la nuit dans le quartier Gare à Luxembourg. Il est 3 h 45, dans la rue de Bonnevoie, devant un night-club, le vendredi 9 août 2019. Un videur venait de demander au prévenu, Aldemir, de quitter les lieux.
«J’étais devant les écrans de vidéosurveillance quand j’ai vu Aldemir se disputer avec une des hôtesses», indique Jasmin, un des videurs de l’établissement à l’époque des faits. «Je suis allé le trouver et lui ai demandé de quitter les lieux, mais il insistait pour rester. Je lui ai demandé de me suivre à l’extérieur. Dehors, il criait que je devais faire sortir la fille.»
Jasmin, un grand gaillard qui en impose, n’a pas obtempéré. Même pour faire plaisir à celui qu’il dit être un lointain cousin, originaire de la même ville que lui au Monténégro.
Aldemir, 29 ans et alcoolisé au moment des faits, a pourtant continué d’insister, selon le témoin qui déposait à la barre de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier après-midi.
«Je lui ai dit d’aller tirer ailleurs»
Frustré, le prévenu qui ne nie pas les faits, a alors sorti un pistolet de sa sacoche et tiré un coup de feu en l’air. Pour Jasmin et son autre cousin, Aris, qui a assisté aux faits, rien de grave. Ils en ont vu d’autres.
Les deux hommes ont indiqué hier aux magistrats de la chambre correctionnelle ne jamais s’être réellement sentis en danger. «Je lui ai dit de rentrer chez lui et d’aller tirer ailleurs», raconte Jasmin qui reconnaît tout de même avoir reculé de quelques pas.
Interrogé, le prévenu, petit homme mince aux cheveux très noirs, dit avoir tiré pour faire la fête, pas par dépit parce que, comme le racontent les deux témoins et l’enquêteur, il aurait été mis à la porte du night-club.
«Ça fait peur!», s’exclame la présidente de la 9e chambre correctionnelle. «Depuis combien de temps est-il au Luxembourg?», demande-t-elle à l’interprète qui traduit ses questions au prévenu. «Et pourquoi se promenait-il avec une arme sur lui?» Surtout sans permis de port d’arme.
Le pistolet semi-automatique en question, un Glock 19, aurait appartenu à un cousin ou à un ami. Difficile à déterminer. Le prévenu a noyé le poisson. «Je l’avais avec moi pour le lui ramener ce soir-là, mais il n’a pas voulu la reprendre. Il m’a dit de la lui rendre plus tard», justifie Aldemir.
«Une balle manquait dans le chargeur»
Quelques instants après avoir entendu le coup de feu, un témoin resté anonyme a prévenu la police grand-ducale, disant qu’Aldemir – dont il révèle l’identité lors de l’appel – avait tiré depuis une voiture en direction du cabaret. La police a immédiatement quadrillé la zone, bloqué les issues des rues du quartier et recherché le tireur jusque dans les cabarets alentour. Aldemir se cachait dans l’un d’eux.
Il n’avait pas d’arme sur lui quand les agents de police l’ont intercepté. L’établissement et la rue ont été passés au peigne fin pour la retrouver, précise un inspecteur de la police ayant participé à l’opération.
Finalement, l’arme a été retrouvée dans le coffre de sa voiture qu’il avait garée dans la rue Charles-VI. «Il a reconnu l’y avoir placée lui-même. Une balle manquait dans le chargeur», se souvient l’enquêteur.
«Il ne fait pas partie de la pègre locale»
Rien n’est heureusement arrivé à personne à la suite du coup de feu, mais la représentante du ministère public a malgré tout estimé que le prévenu a constitué un danger pour l’ordre public cette nuit-là en tirant en pleine rue.
Elle a indiqué que les faits de menaces par gestes et d’infractions à la loi sur les munitions et les armes à feu étaient données et a requis une peine de 12 mois de réclusion et une amende appropriée à son encontre.
L’avocat du prévenu a tenu à préciser que le jeune homme n’était pas connu pour des faits de violences et qu’«il ne fait pas partie de la pègre locale». Il a mis en avant les origines monténégrines du prévenu pour tenter de faire passer le tir en l’air pour une coutume culturelle pratiquée lors de fêtes et dédouaner ainsi son client. Peine perdue.
«Pourquoi s’est-il enfui s’il faisait seulement la fête?», l’interrompt la juge, perspicace. L’avocat, désarçonné, a conclu en indiquant que le prévenu n’avait pas eu l’intention d’être une menace pour quiconque et en demandant une peine moins sévère à son encontre que celle requise par le ministère public.
Le prononcé de cette affaire est fixé au 12 mai.