Le lycée des Arts et Métiers a ouvert en 2024 un nouveau BTS dédié à l’intelligence artificielle pour préparer ses étudiants aux évolutions du monde de l’entreprise et du marché du travail.
Difficile de lui échapper tant elle fait quotidiennement parler d’elle dans l’actualité et s’immisce petit à petit dans notre quotidien. Que ce soit dans les études pariant sur les métiers qui pourraient disparaître, dans les polémiques autour des deepfakes ou encore dans les déclarations des grands patrons de la tech qui souhaitent la mettre à toutes les sauces, l’intelligence artificielle est partout. Mais si l’IA fascine autant qu’elle effraye, elle semble bien partie pour s’imposer dans nos vies, notamment professionnelles.
Au lycée des Arts et Métiers, on a décidé de prendre le sujet à bras-le-corps, bien conscient qu’une fois le train parti, il sera difficile de le rattraper. L’école a donc mis en place un BTS Applied Artificial Intelligence qui a pour but d’apprendre aux étudiants à maîtriser cette technologie. Si celui-ci arrive pile au moment de l’explosion de ChatGPT et des premiers cadres législatifs sur l’IA, tant au Luxembourg qu’en Europe, ce n’est pourtant pas la raison qui a poussé le lycée à lancer cette formation. La réflexion autour de l’IA et de ses possibilités est bien plus ancienne dans le corps enseignant.
En tant qu’informaticien, Eric Tobias côtoie cette technologie depuis bien longtemps, bien avant que les IA génératives et les grands modèles de langage, qui permettent de les utiliser, n’arrivent jusqu’au grand public. «On s’est rendu compte que les systèmes arrivaient sur le marché et qu’on devait se préparer», se souvient Eric Tobias, coordinateur de ce nouveau BTS. «Nous avons commencé à travailler dessus en 2019 avec des réunions internes.» Après cinq années de processus, entre demande de recevabilité auprès du ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, identification des besoins des entreprises et établissement d’une grille de cours, la première promotion a pu voir le jour en septembre 2024.
Pour les créateurs du BTS, le constat est simple : si l’IA s’immisce dans tous les secteurs d’activité, de la finance à la santé en passant par la sécurité ou l’approvisionnement, il va falloir des gens formés à l’utiliser correctement pour aider les entreprises à en exploiter toutes les possibilités. «Ici, nous apprenons aux élèves à se servir de l’IA, pas à en développer», rappelle Eric Tobias. Ils préfèrent laisser cette mission à l’université, qui propose déjà ce genre de formation, pour se concentrer sur la pratique.
«C’est un retour que nous ont fait les entreprises : elles ne veulent pas forcément créer de nouvelles intelligences artificielles, mais plutôt utiliser celles à leur disposition.» Les étudiants du BTS apprennent donc les bases de l’intelligence artificielle et ses applications concrètes. «Ils sont tous assurés de trouver un travail en sortant», affirme Fabrice Roth, co-coordinateur de la formation. Mais difficile de donner des exemples précis d’emplois, puisque tout est encore en train de se mettre en place.
Nous ne sommes pas seulement là pour leur apprendre à utiliser ChatGPT
Après une introduction à l’intelligence artificielle, qui va bien au-delà des IA génératives, les élèves apprennent à entraîner, notamment via la programmation, différents types d’IA. Si un background informatique est un plus, il n’est pas nécessaire pour autant. Au cours de cette formation mettant en avant la pratique plus que la théorie, les étudiants apprennent à travailler en autonomie pour se préparer au monde de l’entreprise. Ils effectuent également douze semaines de stages.
«Mais nous ne sommes pas seulement là pour leur apprendre à utiliser ChatGPT», prévient Eric Tobias. D’autres technologies sont mises en avant et des cours de droit et d’éthique sont aussi au programme. «C’est une demande des entreprises, qui ne connaissent pas toujours tous les aspects légaux.» Le but ici est d’engager une réflexion pour aider les étudiants à comprendre toutes les implications de l’IA et à se forger leur propre opinion. De quoi tordre le cou aux idées reçues qu’ils peuvent avoir en arrivant, mais aussi de quoi mettre l’intelligence artificielle au service de l’humain pour en faire un nouvel outil efficace et raisonné.
«L’IA va remplacer des emplois, mais aussi en créer d’autres»
Si les études sur les destructions d’emplois se multiplient, Eric Tobias et Fabrice Roth se veulent moins alarmistes. Oui, certains métiers sont appelés à disparaître ou à muter profondément. Mais cette évolution a toujours accompagné le développement technologique sans pour autant ruiner les économies nationales. L’industrialisation et la robotisation ont profondément modifié les métiers manuels. Le changement est que cette révolution numérique va cette fois toucher les cols bancs. Dans les années à venir, une secrétaire va par exemple voir son travail évoluer et de nouvelles tâches vont se substituer aux anciennes. «L’IA va remplacer des emplois, mais aussi en créer d’autres.» D’où la nécessité d’être bien formé pour ne pas se retrouver sur le carreau.