Les experts ont rendu leur rapport d’évaluation du projet pilote «Alpha – zesumme wuessen». Tous les signaux sont au vert pour son extension.
Les études menées sur le système scolaire au Luxembourg pointent toutes du doigt une inégalité de taille. Les élèves qui ne parlent ni luxembourgeois ni allemand à la maison ont, dès le début, un parcours scolaire plus compliqué et des résultats moins bons, l’apprentissage de la lecture, entre autres, se faisant dans la langue de Goethe. Or ces élèves représentent tout de même deux tiers des effectifs.
Pour tenter de pallier cette inégalité, le ministère de l’Éducation nationale a lancé en 2022 le projet «Alpha – zesumme wuessen» dans quatre écoles pilotes à Differdange, Dudelange, Larochette et Schifflange. L’idée : les familles choisissent la langue d’alphabétisation de leur enfant, entre l’allemand et le français, dès les premières années de la scolarité. Ainsi, dans ces classes pilotes, les élèves apprennent à lire, écrire et calculer dans la langue qu’eux et leur famille comprennent le mieux. Les autres cours sont assurés en luxembourgeois.
Ce projet est, depuis son lancement, examiné sous toutes les coutures. Vendredi, le ministre de l’Éducation nationale a présenté les derniers résultats des évaluations, qui ont croisé à la fois données scientifiques de l’Uni, du Script, du Lucet, du Conseil scientifique et retours du terrain. Elles dressent un constat globalement positif.
«Ce qu’on remarque, c’est que tous les élèves savent lire à la fin du cycle 2. Et ça, c’est une différence», résume Luc Weis, le directeur du Script. Les enseignants témoignent d’une plus grande motivation des élèves, d’une participation accrue en classe et d’un engagement parental renforcé. L’école, soudain, parle une langue plus proche du foyer. Autre crainte qui n’a finalement pas lieu d’être : le projet Alpha ne segmente pas les élèves. Tous évoluent dans le même groupe classe, indépendamment de leur langue d’alphabétisation. Une organisation qui, selon les rapports d’évaluation, renforce la cohésion sociale et évite l’effet de stigmatisation.
Avant-projet approuvé
La langue luxembourgeoise joue ici un rôle pivot. Elle reste la langue véhiculaire dans de nombreuses interactions scolaires, servant de pont entre les groupes. Et chose surprenante, «les enfants se sentent plus à l’aise et parlent beaucoup plus en luxembourgeois que dans les autres classes», se réjouit Luc Weis. «On est en train de changer les paradigmes de l’éducation fondamentale. Ce n’est plus seulement une question de langue d’alphabétisation, mais une autre manière de penser la classe», insiste-t-il.
Vendredi, le gouvernement a approuvé un avant-projet de loi qui prévoit la généralisation d’«Alpha – zesumme wuessen» dans toutes les écoles du pays au cycle 1.2 en 2026, puis progressivement dans les autres cycles, année après année. Un guide de mise en œuvre d’une centaine de pages est en cours de diffusion auprès des écoles et communes. Il doit aider à répondre aux nombreuses questions soulevées : qui choisit la langue ? Peut-on en changer en cours de route ? Quelles ressources seront disponibles ?
Luc Weis se veut confiant, mais prudent. «Il faut faire attention à ce que tout le monde comprenne le projet. Certains croient qu’on va imposer le français à tous. Ce n’est pas le cas. L’allemand reste une option forte, mais il ne peut plus être la seule.»