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Un beau-père accusé d’abus sexuels : le silence de Patrick contre la parole de Luna


Patrick est décrit par certains de ses proches comme un «gros nounours». La chambre criminelle sera-t-elle du même avis?  (photo archives LQ)

Patrick est-il «un monstre» ou «un gros nounours» ? Sa belle-fille l’accuse du pire. La défense évoque une vengeance et sème le doute. C’est le silence de Patrick contre la parole de Luna.

Un ogre de 200 kilos face à une gamine de onze ans. Les forces n’étaient pas équilibrées jusqu’à ce que Luna reprenne le pouvoir et dénonce son beau-père pour protéger son frère et son demi-frère. Pendant des années, la jeune femme, aujourd’hui âgée de 21 ans, a gardé le silence et a laissé Patrick lui faire subir des sévices sexuels. «Si tu parles, je battrai ta mère ou ton frère encore plus fort», lui avait dit son père de substitution. Vendredi, à la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, le quinquagénaire a préféré garder le silence «sur conseil de son avocat».

L’homme nie l’insupportable, le respect qu’il obtenait en faisant régner la terreur au sein de son foyer entre 2010 et 2016, les «expressions de sa perversité». Assis sur le banc des prévenus, Patrick écoute, mais ne montre aucune réaction. Dans son réquisitoire, la représentante du parquet dévoile une partie de l’horreur révélée cette semaine à huis clos par la jeune fille. De 2013 à 2016, elle subit des abus monstrueux qui la détruisent à petit feu. Luna veut mourir, se scarifie, perd l’appétit et le nord, rate sa scolarité.

Par son silence, elle pensait sauver sa famille. Aujourd’hui, il lui est reproché de mentir par le prévenu qu’elle accuse. Pourtant, la crédibilité de la jeune femme ne peut être mise en doute, selon la représentante du parquet et les experts psychiatres qui l’ont rencontrée. En outre, «toutes les recherches du prévenu sur internet correspondent à ce qu’il a fait subir à sa belle-fille», selon la parquetière, et des centaines d’images et de vidéos pédopornographiques ont été trouvées sur ses smartphones. Des documents qu’il nie avoir téléchargés. «Le prévenu est décrit par son entourage et ses anciennes compagnes comme un manipulateur et un menteur qui ne supporte pas d’être découvert.»

«Patrick ne présente pas de sentiment de culpabilité. Il accuse son entourage de malveillance et la police d’avoir mal fait son travail. Il conteste tout, même quand il est confronté aux preuves et aux faits», a noté un expert neuropsychiatre jeudi matin. Il a estimé que «sans prise de conscience de sa part, le pronostic de réussite d’une thérapie est réservé». Et donc, que le risque de récidive n’est pas exclu. Patrick aurait, selon lui, des tendances chronophiles et pédophiles.

« Un gros nounours »

Luna et son frère sont «des survivants» «d’un prédateur sexuel», a estimé la magistrate avant de requérir une peine de 20 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Patrick pour attentats à la pudeur, tentative de viol, viol, coups et blessures volontaires ainsi que divers délits ayant trait à sa consommation de matériel pédopornographique. Ferme, au vu de son casier judiciaire et de l’absence de circonstances atténuantes en sa faveur. Au contraire, le fait qu’il ait eu autorité sur les deux pré-adolescents est une circonstance aggravante. Elle a également demandé au tribunal de le condamner à une interdiction à vie de travailler avec des enfants.

Pour le ministère public, aucun doute n’est possible : le colosse tatoué est coupable des faits qui lui sont reprochés. Pour son avocat, le dossier est «léger», reposant presque exclusivement sur des témoignages et «manquant de preuves pour le condamner». «Nous évoluons dans une matière très délicate qui entre dans la sphère intime», souligne l’homme de loi. «Il est de ce fait difficile de rapporter des éléments de preuve objectifs.» Les faits allégués auraient toujours eu lieu à l’abri des regards.

Sans preuve, le doute est encore possible, d’après l’avocat qui avance entre autres explications, une possible envie de vengeance de la part de Luna parce qu’il serait arrivé au prévenu de lever la main sur sa maman. «Vous devez comprendre que mon client n’est pas un monstre», lance-t-il, jugeant que dans cette affaire, un seul avis prévaut. La mère de ses trois filles biologiques avec laquelle il est retourné vivre après avoir divorcé d’elle pour se mettre en couple avec la maman de Luna, «ne croit pas que Patrick ait pu faire une chose pareille». «Il est doux comme un agneau», «fait tout pour aider son prochain» et «a mis sa famille à l’abri financièrement depuis qu’il est en détention préventive». D’autres proches interrogés par l’enquêtrice du service de protection de la jeunesse de la police judiciaire le qualifient de «gros nounours».

Un «gros nounours» qui, alors que la parole lui était donnée en dernier, a campé sur ses positions et a dit croire en une justice partiale qui saura rendre un jugement juste. Le prononcé est fixé au 29 février prochain.

Un commentaire

  1. Encore une fois la parole de l’enfant n’est pas prise en considération, il existe des techniques pour vérifier les dires et identifier les traumatismes. La justice veut des preuves matérielles et les auteurs/avocats de violences savent bien comment utiliser cet argument. Ce sont des manipulateurs.