On parle souvent de la ligne 90 en mal : retards, agressions, etc. Mais Véronique, une Thionvilloise, nous rappelle que le voyage peut aussi être une belle tranche de vie… Ainsi @VeeKay_1 sur Twitter, sublime son quotidien à bord du TER Metz-Luxembourg.
Dans une lettre adressée à sa sœur, Stendhal écrit : «Tout est intéressant, pourvu qu’on y regarde de plus près». Cette dernière est effrayée à l’idée de lui raconter son quotidien. Trop banal, pense-t-elle. Mais l’écrivain la pousse à s’exprimer : seules les émotions comptent !
Si Stendhal vivait encore, il «likerait» les photos de Véronique, @VeeKay_1 sur Twitter. Un beau jour d’avril 2015, cette habitante de Thionville s’est mise à poster des clichés depuis le train. «Je ne suis pas douée pour écrire, glisse-t-elle. Mais j’avais envie de raconter quelque chose. S’entasser le matin, se croiser sans se parler… c’est un peu déshumanisant. Je voulais montrer ce qui est beau dans le train ou drôle ou touchant.»
Ainsi est né le hashtag «#dansmonTER» : une photo par jour, au lever du jour comme aux heures de pointe, en hiver comme au printemps. Une photo par jour pour dire que «tous les voyages comptent, même les plus quotidiens». Même les plus pénibles aussi, quand on sait le désordre qui touchent la ligne 90 (surnommée «Bordelbourg» par les usagers, au niveau du poste d’aiguillage de Bettembourg…).
Le train : un temps à part
Rapidement, Véronique rencontre un certain écho. «Des voyageurs ont retweeté mes clichés. J’ai compris que d’autres personnes étaient attachées à leur trajet. C’est rassurant de savoir que le temps passé dans le train, quand ça fonctionne, n’est pas du temps de perdu.» Au contraire, Véronique sublime un moment précieux. «On a rarement l’occasion de s’imposer des coupures dans la vie. Avec le train, si. Des voyageurs sont impatients de sortir leur livre, de retrouver un ami à bord, ou encore de faire une sieste méritée…» Ou de consulter leur téléphone, pour regarder le cliché #dansmonTER du jour ! «Le réseau n’est pas toujours optimal», rappelle Véronique. Une pause numérique imposée aux remarques… c’est parfois mieux.
Le regard de Véronique s’épanouit principalement à travers les larges baies vitrées du train. Des vélos de frontaliers attachés à la rambarde à Hagondange, le premier soleil sur les tours de la centrale de Cattenom, la Moselle ténébreuse quand la nuit tombe…
Des photos de l’intérieur du train sont plus rarement postées, quand les conditions le permettent. «Je respecte l’intimité des gens», précise Véronique. Passionnée de photos, la Thionvilloise n’embarque jamais son reflex à bord. «Les portables font des petits miracles aujourd’hui.» Au départ très attachée aux filtres à effets, Véronique laisse l’image parler d’elle-même aujourd’hui.
À vrai dire, avec notre article, nous arrivons un peu en retard. Après un an et demi de photos dans le TER, Véronique pense «avoir fait le tour. Je poste moins de photos aujourd’hui. La SNCF m’avait carrément organisé une exposition l’an dernier, dans les gares de Thionville, Metz et Nancy.»
La suite ? «M’atteler à un travail plus long, nous dit-elle. Je bosse le portrait en ce moment.» Se pencher sur la vie des frontaliers est une idée. «C’est bizarre, cette vie entre deux pays. On n’est pas comme les Parisiens, coincés eux aussi dans les transports publics. On est à la frontière.» Entre deux trains, le nez collé à la vitre… Véronique le redit : «Plus que l’arrivée, c’est le voyage qui m’a toujours intéressée.»
Hubert Gamelon