La première déclaration sur la politique étrangère de Xavier Bettel était fixée au 1 000e jour de la guerre en Ukraine. Le ministre appelle à la préservation de l’«unité» des alliés occidentaux.
Le président de la Chambre des députés a donné le ton dès le début de la séance plénière, consacrée hier à la traditionnelle déclaration sur la politique étrangère du gouvernement : «Il y a mille jours, Vladimir Poutine et son régime ont non seulement attaqué l’Ukraine, mais aussi l’État de droit ainsi que nos valeurs fondamentales. Malgré cela ou justement pour cette raison, les Ukrainiens luttent pour maintenir ces valeurs qui caractérisent nos démocraties, pour la souveraineté et la liberté et pour notre avenir commun. Nous leur exprimons aujourd’hui notre respect et notre compassion.» Puis Claude Wiseler a appelé à une minute de silence.
«Aujourd’hui est un triste jour», a enchaîné le ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel, avant de lancer un appel pressant, combiné à une mise en garde : «Justement en ce moment, où l’Ukraine connaît des difficultés sur le front et où ses infrastructures énergétiques sont attaquées en permanence, justement maintenant où l’on craint que le président Trump soit pressé de mettre fin à la guerre sans tenir compte de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, l’unité des alliés européens et occidentaux face à la Russie et dans le soutien de l’Ukraine doit être préservée.»
Le chef de la diplomatie luxembourgeoise n’a pas commenté l’autorisation de tirer sur le sol russe avec des missiles de longue portée accordée à Kiev par le président américain, Joe Biden. Xavier Bettel insiste toutefois pour que «l’Union européenne se concerte dès le premier jour avec la nouvelle administration américaine» sur la suite du soutien militaire accordé à l’Ukraine.
«Le dialogue doit primer»
Une fin de la guerre en 2025, comme le met en perspective le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est-elle réaliste? «Pour le moment, Poutine ne donne aucun signe de vouloir mettre fin à son agression», déplore Xavier Bettel. «En tant que membre de l’UE et de l’OTAN et à l’échelle bilatérale, nous soutenons les Ukrainiens afin qu’ils progressent sur le terrain pour que des négociations deviennent possibles et qu’elles mènent à une paix durable où la Russie reconnaîtrait l’intégrité territoriale de son pays voisin», poursuit le successeur de Jean Asselborn.
Le soutien de pays «qui, pour différentes raisons, n’adoptent pas une position claire» vis-à-vis de la Russie serait nécessaire pour pousser Vladimir Poutine à la table des négociations. «Avec ces pays, nous cherchons le dialogue pour leur faire comprendre que la neutralité ne peut pas exister si le droit international est autant piétiné. Personne ne peut accepter que la loi du plus fort l’emporte. Ce serait un précédent qui risquerait de mener encore, à bien d’autres endroits de la planète, à d’importantes injustices», clame Xavier Bettel.
D’une manière plus globale, le «dialogue doit primer, avec tous les acteurs, afin de résoudre les conflits». «Sans vouloir donner des leçons, mais sans avoir peur de chercher la confrontation et de dire la vérité à mes interlocuteurs, même si elle peut heurter», ajoute encore le chef de la diplomatie luxembourgeoise.
La guerre au Proche-Orient est le deuxième conflit majeur qui a été thématisé, hier, par le ministre des Affaires étrangères. «Il s’agit de la région, en dehors des réunions européennes à Bruxelles, que j’ai le plus souvent visité ces 12 derniers mois», fait remarquer Xavier Bettel. Il aurait à chaque fois fait passer un message clair : «La guerre de l’armée israélienne contre le Hamas, et maintenant aussi contre le Hezbollah au Liban, doit prendre fin. La spirale de la violence doit cesser».
Lors de son dernier voyage, fin octobre, il n’a «reçu aucune réponse claire à (s)a question, quels sont encore les objectifs de guerre qu’Israël compte atteindre, maintenant que les chefs du Hamas et du Hezbollah sont morts».
Pour peser encore davantage dans la région, le Luxembourg songe, en tant que dernier pays de l’UE sans représentation sur place, à ouvrir une ambassade à Tel-Aviv et une antenne diplomatique à Ramallah. L’initiative serait à considérer dans un contexte plus large. «Une reconnaissance de la Palestine doit être liée à un geste fort envers le peuple israélien. Or, j’ai conscience que l’ouverture d’une ambassade pourrait être vue comme une récompense pour la politique et la guerre du Premier ministre Netanyahu. Pour le moment, cette solution à la luxembourgeoise n’est donc pas possible», développe Xavier Bettel.
Le soutien à une solution à deux États reste toutefois la priorité du Luxembourg. Pas tout de suite, mais «avec le soutien d’un groupe d’autres pays, dès qu’il y aura un cessez-le-feu et que les otages (auront) été libérés».
Pour ce qui est de l’Iran, étroitement impliqué dans le conflit au Proche-Orient, «nous avons brièvement espéré que le nouveau président allait mettre en œuvre une politique plus constructive». Or, le pays continuerait à soutenir activement la Russie et le Hezbollah, sans oublier la violation «radicale» des droits humains et droits des femmes. «Nous ne fermons cependant pas le dialogue, si cela est souhaité», termine Xavier Bettel.
Le deuxième mandat de Donald Trump comme président des États-Unis risque de venir chambouler encore davantage la situation géopolitique. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères mise toutefois sur une approche constructive. «Je connais Donald Trump du temps où j’étais Premier ministre. Je vais travailler avec lui et ses équipes, comme ce fut le cas entre 2016 et 2020, afin de continuer à renforcer les relations bilatérales entre le Luxembourg et les États-Unis ainsi que pour défendre de manière conséquente nos intérêts et valeurs», met en perspective Xavier Bettel.
Il dit aussi avoir bon espoir que Donald Trump ne remettra pas en cause la démocratie, la séparation des pouvoirs ou le droit humanitaire. Cet optimisme vaut aussi pour l’engagement des États-Unis à l’échelle internationale : «Je compte sur le gouvernement américain pour s’attaquer aux grandes crises que la communauté internationale cherche à maîtriser.»
Fin novembre, les ministres des Affaires étrangères et de l’Économie se rendront dans le cadre d’une mission économique à Pékin, Shanghai et Hong Kong. «La Chine reste un partenaire important dans de nombreux domaines», ne cache pas Xavier Bettel. Il se dit cependant conscient que les relations qu’entretiennent le Luxembourg et l’UE avec le pays du président Xi Jinping sont marquées par des tensions diplomatiques. «Je reste convaincu que ce n’est pas une bonne idée de mettre dans le même panier la Chine et la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Il existe dans différents domaines des soutiens chinois pour la guerre menée par la Russie, mais la Chine appartient aussi aux rares pays qui peuvent contribuer à obtenir une paix durable et juste en Ukraine», développe le ministre libéral. Si Xavier Bettel n’a pas mentionné Taïwan, il a toutefois souligné qu’il existe des «différends» à propos du respect des droits de l’homme en Chine.
Lors de sa première année comme ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel dit avoir pu constater que «l’UE a souvent du mal à trouver des positions communes». «Peut-être que l’élection de Donald Trump est un bon moment pour se rendre compte que l’unité est notre plus grande force en tant qu’UE», souligne le chef de la diplomatie luxembourgeoise.
Il salue que la prochaine Commission européenne compte mettre un accent plus particulier sur le marché unique, la compétitivité de l’UE et la simplification des procédures.
En amont du 40e anniversaire des accords de Schengen, qui sera célébré en 2025, Xavier Bettel a tenu à dénoncer la réintroduction par l’Allemagne et la France de contrôles aux frontières avec le Luxembourg.
«Il est de notre responsabilité de répéter encore et toujours que les accords de Schengen sont un des plus importants symboles européens, représentant l’unité et la liberté pour de nombreux citoyens», martèle le ministre.
Xavier Bettel rappelle l’importance d’avoir réuni sous un même toit tous les aspects de la politique étrangère, y compris le commerce extérieur. Un des chapitres de sa déclaration a donc été consacré à ce volet, avec une annonce plutôt surprenante : «Pour le moment, nous ne pouvons pas accorder notre feu vert au Mercosur. Nous attendons que la Commission européenne nous présente le texte négocié, y compris les engagements supplémentaires pris.»
Le gouvernement rejoint donc les pays qui remettent, du moins partiellement, en cause l’accord de libre-échange que l’UE est sur le point de conclure avec les cinq pays qui forment le Mercosur : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. «L’objectif est d’assurer un certain level playing field», souligne Xavier Bettel, soit des règles du jeu équitables.
Le gouvernement compte en outre approfondir ses relations commerciales avec le Canada, la Chine, le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Inde.