La position du ministre Engel et du Luxembourg est sans ambiguïté. Déi Lénk a déposé une proposition de loi et s’impatiente de voir les travailleurs mieux protégés. Le gouvernement aussi.
Le parti déi Lénk veut protéger les travailleurs des plateformes de type Uber, ça tombe bien, le ministre aussi. Mardi, par le biais d’un communiqué, la Gauche a demandé que sa proposition de loi soit discutée en commission parlementaire, en présence du ministre, pour qu’il prenne position.
La proposition de déi Lénk, qui date du mois de mai dernier, exige que ces travailleurs soient considérés comme des salariés pour bénéficier de la protection que ce statut leur confère.
Le projet de loi se fait attendre alors qu’il doit être encore déposé pendant cette législature. Elle n’est pas encore achevée, et la directive européenne sur les travailleurs des plateformes n’est pas encore adoptée. Les tractations sont difficiles et le texte proposé par la Commission, sous la houlette de Nicolas Schmit, a déjà subi des modifications qui font grincer des dents le Luxembourg.
Jusqu’à présent, il n’y a toujours pas de possibilité pour Uber ou Deliveroo d’implanter leur modèle d’exploitation au Luxembourg, mais déi Lénk affirme qu’il en existe d’autres plateformes moins connues où les travailleurs sont soumis à «des conditions difficiles, voire indignes». Considérés comme des indépendants, ces travailleurs entrent dans la catégorie des précaires «qui dépendent des plateformes pour survivre».
Un ministre du Travail sur la même longueur d’onde
Le ministre du Travail, Georges Engel, et son prédécesseur, Dan Kersch, n’ont jamais pensé l’inverse. Au niveau européen, le Luxembourg a critiqué les derniers changements apportés au texte par la présidence tchèque.
Le 14 octobre dernier, il cosignait, avec sept autres de ses homologues, une lettre adressée au commissaire européen Nicolas Schmit et au ministre du Travail tchèque pour exprimer ses préoccupations.
Les ministres écrivaient vouloir « adopter une directive européenne la plus ambitieuse possible, qui trouve le juste équilibre entre la réalisation d’une réelle amélioration des conditions de travail des personnes effectuant un travail des plateformes, indépendamment de leur statut d’emploi, et la durabilité économique des plateformes».
Georges Engel, qui assistait le 9 décembre dernier à un Conseil des ministres portant sur cette question, tient fermement à l’application de la présomption légale entre une plateforme et un travailleur qui est celle d’une relation d’employeur-salarié, sauf preuve du contraire par la plateforme.
«L’objectif de la directive devrait donc être de donner aux travailleurs vulnérables des plateformes les mêmes droits dont dispose chaque travailleur», rappelait le ministre à son retour de Bruxelles. Quelque 5,5 millions de travailleurs pourraient être requalifiés à la suite de cette directive, selon les estimations de la Commission.
Croissance fulgurante
La Gauche s’impatiente et condamne aussi les variations du texte européen qu’elle estime «considérablement édulcoré». La définition de la plateforme digitale que propose la commission est exclusive et «le risque que certaines plateformes ne tombent pas dans le champ d’action de la directive est grand», craint déi Lénk.
Le parti peut se rassurer, le Luxembourg n’a pas pu soutenir l’orientation générale de la directive retouchée par la présidence tchèque.
«Le ministre attend cette directive pour ensuite la transposer fidèlement en droit national», accuse la Gauche, estimant qu’elle ne sera pas d’un grand secours pour les travailleurs concernés. «Pourquoi attendons-nous une directive européenne qui ne changera pas grand-chose à la situation actuelle?», interroge déi Lénk qui rappelle que sa proposition de loi est toujours sur la table.
En attendant, les plateformes qui ne respectent pas le droit du travail luxembourgeois ne sont pas les bienvenues au Luxembourg.
Plus de 28 millions de personnes dans l’UE travaillent par l’intermédiaire de plateformes de travail numériques. En 2025, ce nombre devrait atteindre 43 millions de personnes.
La croissance de l’économie des plateformes est impressionnante, à en juger par les revenus de l’économie des plateformes multipliés presque par cinq entre 2016 et 2020, passant d’un montant estimé à 3 milliards d’euros à environ 14 milliards d’euros, selon la Commission.