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Ubérisation : Georges Mischo et ses «contradictions»


Marc Baum constate que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucune coalition n’avait reçu si peu de voix que celle-ci avec 47,91 % des voix. (photo Julien Garroy)

Le député Marc Baum a été nommé rapporteur de la proposition de loi déposée par Myriam Cecchetti il y a deux ans. Le ministre du Travail a prévenu que ce serait la directive a minima.

Il y a trois mois, les États membres de l’UE adoptaient finalement la directive européenne relative aux travailleurs des plateformes, après deux ans de négociations. Le texte initial du commissaire luxembourgeois Nicolas Schmit a subi de nombreuses modifications pour être finalement accepté.

«Un texte édulcoré», observe avec regret Marc Baum, le député déi Lénk. Une proposition de loi relative aux travailleurs des plateformes avait été déposée par l’ancienne députée Myriam Cecchetti, le 4 mai 2022.

Le texte a été débattu, hier, en commission du Travail avec la prise de position du gouvernement qui a tardé à la livrer. Pour le député pirate Sven Clement, «il y a urgence» à légiférer et «le ministère du Travail aurait pu déjà préparer une prise de position au lieu de jouer la montre».

Il estime que «tout le monde dans la capitale peut observer les travailleurs de ces plateformes et devrait être d’accord sur le fait d’encadrer légalement leur situation», estime-t-il.

Le ministre du Travail, Georges Mischo, s’est déplacé pour livrer la position du gouvernement, sans donner entière satisfaction à la Gauche. «Il s’est montré contradictoire, juge Marc Baum. D’un côté, il regrette que les pays membres ne se soient pas montrés plus ambitieux pour la directive, et en même temps, il déclare qu’elle sera transposée au strict minimum!»

Le député déi Lénk a même l’impression que le ministre ne maîtrise pas totalement le sujet, en écoutant Georges Mischo donnant une interview aux médias audiovisuels à la sortie de la commission. «Quand je l’entends dire que le Luxembourg est doté d’un droit du travail très fort et que beaucoup de gens qui travaillent pour les plateformes sont protégés par le droit national, je pense qu’il n’a pas compris la différence entre salariés et indépendants dans ce contexte.» En revanche, Georges Mischo a bien fait comprendre aux députés que le pays devait rester «compétitif», et Marc Baum a enregistré que la «précarité devenait un élément de compétitivité».

À l’heure actuelle, la majorité des travailleurs des plateformes sont officiellement des travailleurs indépendants, mais nombre d’entre eux doivent respecter, en grande partie, les mêmes règles et restrictions que les travailleurs salariés.

Pour déi Lénk, ces travailleurs se trouvent de fait dans une relation de travail et devraient donc bénéficier des droits en matière de travail et de la protection sociale accordés aux salariés en vertu du droit national.

Relation triangulaire

La proposition de loi déposée il y a deux ans allait dans ce sens en plaidant en faveur de la présomption de légalité à partir d’un certain nombre de critères remplis. Ces travailleurs sont souvent soumis à la subordination d’un employeur qui contourne le droit du travail pour tirer profit d’une main-d’œuvre fragile et corvéable, comme l’ont estimé, à de multiples reprises, des tribunaux européens.

«Nous observons dans la grande majorité des cas des relations triangulaires où la qualification des parties est nébuleuse. En effet, la plateforme intervient comme « organisatrice » des services, fait l’intermédiaire en mettant en relation la personne qui va prester le service et le bénéficiaire du service. Comment qualifier du point de vue juridique les parties?», interroge la sensibilité politique de gauche dans son exposé des motifs.

La présomption de légalité a été retirée de la directive sous la pression du lobby Delivery Platforms Europe qui craint «une augmentation des procédures judiciaires avec des conséquences désastreuses pour les emplois, les restaurants et l’économie», selon les syndicats européens. Pour ces employeurs particuliers, la présomption d’une relation de travail ne respecterait pas le travail des indépendants.

«Finalement, chaque pays pourra décider à partir de quel moment ils sont salariés ou pas», explique Marc Baum. En effet, la directive européenne, qui doit encore être entérinée par le Conseil, n’entre plus dans le détail du fonctionnement de la présomption légale de salariat et il revient aux États membres d’en créer une dans leur législation nationale.

La proposition de loi de déi Lénk va suivre son chemin. Mardi, le député Marc Baum en a été nommé rapporteur, une satisfaction pour la sensibilité politique qui a indiqué vouloir adapter le texte, mais d’un point de vue technique, seulement, au regard de la directive. Le Conseil d’État devra livrer son avis sur la proposition de loi. Quant à la directive, une fois adoptée, les pays disposeront de deux ans pour la transposer.

Pour déi Lénk, «le gouvernement peut agir en pionnier en matière de régularisation du travail fourni par l’intermédiaire d’une plateforme», toujours selon l’exposé des motifs.

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