La proportion de mineurs hospitalisés pour troubles alimentaires est passée de 56 % à 77 % en huit ans, révèle la ministre de la Santé. Les moins de 18 ans représentent désormais plus des trois quarts des hospitalisations.
Les chiffres sont préoccupants. Selon les données révélées par la ministre de la Santé, Martine Deprez, en réponse à une question parlementaire de la députée CSV Nancy Arendt, la proportion de jeunes patients hospitalisés pour troubles alimentaires a explosé ces dernières années au Luxembourg.
Entre 2016 et 2024, la part des assurés de moins de 18 ans parmi les personnes hospitalisées pour anorexie, boulimie ou autres troubles alimentaires est passée de 56,3 % à 76,7 %.
Cette évolution confirme une tendance également observée en Allemagne, qui avait alerté sur l’augmentation du nombre de jeunes filles et femmes nécessitant un traitement hospitalier pour ces pathologies.
Les statistiques luxembourgeoises montrent, elles, que «sur l’ensemble de la période observée, ce sont généralement plus de femmes que d’hommes, avec 82,4 % en moyenne, et parmi elles surtout des jeunes femmes de moins de 18 ans» qui sont touchées, précise la ministre dans sa réponse.
Des données difficiles à interpréter
Martine Deprez a toutefois appelé à la prudence dans l’analyse de ces chiffres. En effet, depuis 2017, la source des données a changé avec la mise en place du système DCSH (Documentation et Classification des Séjours Hospitaliers), rendant les comparaisons directes avec les années antérieures délicates.
«Il faut être prudent avec les conclusions, étant donné que les données les plus récentes proviennent d’une source différente des anciens chiffres et ne sont pas directement comparables», souligne ainsi la ministre CSV.
De plus, l’Institut général de la Sécurité sociale (IGSS) ne dispose pas de données exhaustives pour la période 2017-2019, et l’année 2020 n’inclut que les données du second semestre en raison de la pandémie de Covid-19.
L’une des lacunes importantes révélées par cette réponse parlementaire concerne l’absence de données fiables sur les traitements ambulatoires. «Il n’est pas possible de donner des chiffres fiables dans le cadre des traitements ambulatoires, car aucune corrélation n’est possible entre les assurés souffrant de troubles alimentaires et les traitements qu’ils ont sollicités dans ce contexte», reconnaît la ministre.
Face à un manque de prise en charge au Luxembourg, certains patients doivent donc être traités à l’étranger. En 2023, la Caisse nationale de santé a accordé 20 autorisations pour des traitements de troubles alimentaires hors du pays.
La ministre Deprez a précisé que «la prise en charge de ces patients repose généralement sur une approche multidisciplinaire, qui englobe aussi bien la dimension médicale somatique, que psychiatrique et nutritionnelle.»
Les mesures thérapeutiques incluent le suivi ambulatoire, l’hospitalisation de jour et, selon la gravité, l’hospitalisation complète, notamment en cas de complications sévères.
«La durée du traitement varie selon le degré de gravité et l’évolution individuelle du patient (…) et peut aller de quelques semaines à plusieurs années», explique la ministre. Quant aux délais d’attente pour obtenir une place en thérapie, ils «dépendent du contexte clinique et du degré d’urgence de la situation».
Des actions déjà en place
Sur le plan préventif, plusieurs initiatives existent déjà. Le programme national «Gesond iessen – Méi beweegen» (Manger sainement – Bouger plus), lancé pour la période 2018-2025, constitue le socle des actions en faveur d’une alimentation saine et d’une activité physique régulière.
La médecine scolaire luxembourgeoise travaille «dans le cadre d’une approche globale de promotion de la santé en étroite collaboration avec le ministère de l’Éducation», organisant des ateliers sur l’alimentation saine, des formations pour le personnel éducatif et sanitaire et travaillant avec les cantines scolaires.
La Ligue médico-sociale propose également des ateliers adaptés à chaque cycle scolaire, incluant la découverte interactive de la pyramide alimentaire ou l’apprentissage de la lecture des étiquettes.
Certaines communes organisent par ailleurs des actions certifiées pour promouvoir une alimentation saine et l’activité physique, à l’image du projet «Moving Kids» de la Ville de Luxembourg par exemple.
Face à cette situation préoccupante, le ministère de la Santé assure qu’il développe actuellement une campagne de sensibilisation sur les troubles du comportement alimentaire. «Elle a pour objectif de mieux informer le grand public sur ces troubles et d’attirer l’attention sur ce thème», annonce la ministre Deprez.
Cette initiative intervient alors que les professionnels de santé alertent depuis plusieurs années sur l’impact des réseaux sociaux et des standards de beauté irréalistes sur la santé mentale des jeunes, particulièrement des adolescentes.