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Trois mules financières ont prêté leurs comptes bancaires à des escrocs


Quand les nouvelles technologies se mettent au service du crime organisé, qui les détourne.

Les trois prévenus ont participé au blanchiment de sommes issues d’activités illégales en prêtant leurs comptes bancaires ou ceux de leur entreprise à une organisation criminelle.

J’étais dans le besoin. Je ne savais pas que l’argent était issu d’activités illégales. J’ai pensé que Nicandro voulait m’aider», a témoigné Claudia, une Brésilienne de 48 ans, hier matin à la barre de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. En 2015, elle a servi de mule financière à un réseau de criminels actif dans toute l’Europe. Tout comme Nicandro, qui n’était pas présent au procès, et Marco.

Une mule financière participe au blanchiment de sommes d’argent liées au crime organisé en le réceptionnant sur son compte bancaire avant de le transférer ou de le remettre physiquement à une personne en échange d’une commission, explique la Spuerkeess sur son site internet. Et d’ajouter que ces «passeurs d’argent transfèrent par ce biais des fonds au niveau international tout en aidant les syndicats criminels à rester anonymes».

La plupart du temps, ces personnes sont dans des situations financières précaires. C’était le cas de Marco, 41 ans. Son entreprise de taxi était au bord de la faillite et il a accepté de mettre son terminal de paiement par carte bancaire à la disposition d’un escroc venu, selon lui, de région parisienne. Il lui suffisait d’introduire des numéros de cartes de crédit volées et de facturer des services qu’il n’avait pas rendus avant de remettre l’argent à l’escroc pour recevoir une juteuse commission.

Ces numéros volés s’achètent sur le dark web pour des sommes plus ou moins dérisoires en fonction de l’approvisionnement du compte qui y est lié. Les fraudeurs peuvent notamment les utiliser pour effectuer des achats en ligne en usurpant l’identité de quelqu’un d’autre. En l’occurrence, d’un retraité français dans cette affaire. Avec de faux papiers, Nicandro et un complice ont fait transférer 350 000 euros de son compte en banque à celui de Claudia. La prévenue a obtenu 50 000 euros. Nicandro, 175 000 et le reste a été réparti, a indiqué un enquêteur de la police.

«Le dindon de la farce»

«Nicandro nous a dit qu’il prenait l’argent à des personnes qui seraient de toute façon dédommagées par leurs assurances», a précisé le policier. Le prévenu semble vouloir se présenter tel un Robin des Bois du cybercrime.

Marco a également participé à une fraude dite au président par le biais de son entreprise de taxi. Cette fraude consiste à usurper l’identité d’un donneur d’ordre, président d’un groupe ou directeur d’une filiale, pour exiger d’un collaborateur un important virement d’argent, urgent et confidentiel, sur un compte. Ici, la somme était de 1,2 million d’euros. Les escrocs lui avaient même fourni de faux documents à présenter à sa banque en cas de doute de celle-ci. La parade n’a pas fonctionné et l’argent a été retourné à son expéditeur. Quant à Marco, il a dû se trouver une nouvelle banque, selon son avocat.

Le prévenu a également trempé dans une affaire liée à de la fausse monnaie. Il a effectué un virement en liquide de 4 600 euros à Western Union. Onze billets de 100 euros étaient des faux. Le quadragénaire prétend ne pas avoir eu connaissance de ce détail, tout comme Claudia qui, après une bagarre en Suisse, a réglé sa caution avec de faux billets. «Marco a été très naïf. Il traînait dans un milieu où on pense pouvoir gagner beaucoup d’argent en travaillant très peu», tente de le défendre Me Noël. «Il y a vu une opportunité d’apurer ses dettes professionnelles et personnelles.» Au final, son client n’aurait empoché que 4 000 euros et aurait été «la bonne poire».

Le parquet a estimé que Nicandro et Marco «étaient de mèche» et «faisaient partie du même réseau», même si leur implication était différente. D’abord mule, Nicandro a commencé à en recruter. Sa représentante a requis des peines de 4 ans de prison contre Marco, de 6 ans contre Nicandro et de 3 ans contre Claudia, qualifiée de «dindon de la farce», pour association de malfaiteurs, faux-monnayage, faux en écriture, escroquerie et blanchiment entre autres.

La forme et les méthodes du crime organisé ont évolué avec les nouvelles technologies, dont il use pour atteindre ses buts. Les services proposés en ligne aux utilisateurs lambda sont dévoyés pour servir les intérêts de ces groupes de criminels.

Le prononcé est fixé au 10 juillet.