Jeanne Lehair a remporté à Madrid le tout premier titre d’une Luxembourgeoise à des championnats d’Europe. Même si le triathlon s’est transformé en duathlon.
Jeanne Lehair est en pleine forme actuellement. Après avoir pris une très belle 12e place à Yokohama il y a quelques semaines, la Luxembourgeoise avait fait encore beaucoup mieux en se classant 5e de la WTCS de Cagliari, le 27 mai dernier. De quoi faire le plein de confiance avant d’aborder les championnats d’Europe de Madrid : «Forcément, je suis en confiance mais je suis également fatiguée. Il faudra voir comment les jambes répondent.»
Des jambes qui marchent très, très bien. En effet, sur ses deux dernières courses, face à certaines des meilleures spécialistes mondiales, elle a, à chaque fois, signé le deuxième meilleur temps sur la course à pied. De quoi donner des ambitions à celle qui s’était complètement loupée l’an passé pour sa grande première chez les seniors, avec une 40e place : «J’étais nulle», confie-t-elle avec son franc-parler habituel. Et quand on lui demandait quelle place elle visait, elle se laissait aller à une petite envie : «Faire mieux que mon numéro de dossard, ce serait génial.»
En clair, faire un top 5 pour celle qui s’élançait dimanche avec le dossard n° 6 sur les épaules. Un vrai défi avec de redoutables adversaires même si toutes les meilleures n’étaient pas présentes en Espagne.
Mais dimanche matin, avant le départ, une nouvelle a changé la donne, comme l’explique Thomas Andreos, l’entraîneur national : «La course s’est transformée en duathlon. En raison de la mauvaise qualité de l’eau à la suite des pluies des derniers jours, il n’y a plus de natation.» Pas forcément une mauvaise chose pour Jeanne Lehair, qui a parfois souffert dans l’eau : «C’est un moindre mal pour elle effectivement. Elle devrait quasi certainement se retrouver en tête», prédisait le technicien.
Au lieu des 1,5 km de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied, on se retrouvait en effet avec 5 km de course à pied, 40 de vélo avant de terminer par 10 bornes en courant. Un programme forcément à l’avantage de la triathlète grand-ducale. Sur le papier en tout cas. Même si la principale intéressée n’avait pas pris la nouvelle avec le sourire : «Je sais que tout le monde peut se dire que ça m’arrangeait, mais je préfère le tri. J’étais un peu blasée.»
Jeanne Lehair, qui a eu un programme très chargé ces dernières semaines, se méfiait particulièrement d’adversaires qui n’étaient pas à Yokohama ou Cagliari. À tel point qu’elle disait même «ne pas être ultraconfiante dans (sa) course à pied». Malgré tout, elle fait le nécessaire dans la première partie du duathlon. Et à vélo, avec les meilleures, elle préfère ne pas prendre trop de risques : «Il y avait un parcours assez technique avec des parties assez dangereuses. Je préférais perdre quelques secondes plutôt que de me casser la figure.» Même chose à la transition vélo-course à pied : «Certaines allaient à fond, mais je me suis dit que je n’allais pas gaspiller de l’énergie inutilement pour gratter trois secondes et risquer de le payer par la suite.»
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Paris se rapproche
à grands pas
Malgré une confiance toute relative en ses capacités en course à pied, c’est pourtant bien elle qui prend résolument les commandes de la course, flanquée de l’Allemande Lisa Tertsch : «J’étais rassurée, car elle a fait les mêmes courses que moi. Elle avait donc la même fatigue que moi.» Ce qui ne l’empêchera pas de se faire bouger par une adversaire qui était «soit à côté, soit derrière. Elle ne voulait pas prendre un seul relais». Jeanne Lehair se retrouvera malgré tout un moment avec quelques mètres de retard sur son adversaire. Mais elle parviendra à recoller. Le tout, avec le sentiment étrange «de ne pas avancer».
Mais alors qu’elle sentait le scénario de son adversaire qui lui colle au train et la dépose au sprint, elle se fait violence : «On était en mode survie. Sur le dernier tour, je me suis dit que même si mes jambes ne me permettaient pas d’aller plus vite, je savais que j’avais les capacités de le faire. J’ai essayé de remettre du rythme dans la dernière montée et finalement, j’ai pris quatre ou cinq mètres d’avance. J’étais encouragée pour tous les francophones, j’avais beaucoup d’amis présents aussi, c’était génial. Et au dernier demi-tour, ils m’ont dit qu’elle était un peu décrochée. Effectivement, ce n’est que cinq mètres mais j’ai encore relancé. Et j’ai pu savourer sur le tapis bleu !»
Elle devient donc la toute première Luxembourgeoise médaillée en or sur des championnats d’Europe : «On m’avait dit qu’une seule (NDLR : Liz May) avait fait deuxième en 2009 derrière Nicola Spirig. Pendant la course à pied, je me suis dit que j’allais faire au pire aussi bien. Mais que si je pouvais marquer l’histoire, ce serait encore mieux !» Non seulement, elle marque l’histoire. Mais en plus, cette superbe performance lui permet de prendre encore beaucoup de points pour le ranking olympique et le classement mondial : «En deux courses, j’ai pris énormément de points. Ça devrait me permettre de ne pas participer à des Coupes d’Europe et de m’aligner sur des courses de D1 française.»
Elle va désormais prendre quelques jours de repos. Dans deux semaines, elle sera au départ d’une course de D1 française à Bordeaux puis s’envolera à destination de Montréal pour la prochaine étape de la WTCS. Ensuite, elle reprend l’avion pour participer au relais des Jeux européens, en Pologne.
Le classement dames : 1. Jeanne Lehair (Lux) 1 h 59’52« ; 2. Lisa Tertsch (All) à 7″; 3. Cathia Schär (Sui) 18« ; 4. Tanja Neubert (All) 4″; 5. Miriam Casillas (Esp) 1’01″…
Le classement messieurs : 1. David Castro (Esp) 1 h 48’13″; 2. Jonathan Brownlee (Gbr) à 4″; 3. Adrien Briffod (Sui) 14″… lap : Lucas Cambresy (Lux)…