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Transport routier et chauffeurs détachés : Bruxelles dévoile ses réformes


L'une des mesures les plus attendues concerne les conditions d'application du statut de "travailleur détaché" pour un chauffeur routier en provenance d'un autre État membre. (illustration AFP)

Salaires, temps de travail, contrôles : la Commission européenne a proposé mercredi une série de réformes dans le secteur du transport routier, où deux blocs de pays s’accusent de protectionnisme d’un côté, et de dumping social de l’autre.

L’une des mesures les plus attendues concerne les conditions d’application du statut de « travailleur détaché » pour un chauffeur routier en provenance d’un autre État membre. Des pays comme la France et l’Allemagne veulent que ce statut s’applique dès le premier jour de travail sur leur territoire pour un conducteur venant d’un autre pays, ce qui implique notamment le versement du salaire minimum national. Dans un secteur où la concurrence fait rage et qui représente 5 millions d’emplois directs en Europe, il s’agit d’un moyen pour ces pays de protéger leurs entreprises face à un coût du travail largement supérieur à celui des pays de l’Est. Mais d’autres, menés par la Pologne, estiment que la mesure génère des coûts administratifs trop élevés pour leurs entreprises, perçus comme des mesures protectionnistes.

A partir de trois jours sur place

Dans un texte publié mercredi, la Commission tranche en proposant que les routiers soient considérés comme des « travailleurs détachés » à partir de trois jours passés sur le territoire d’un autre État membre, « au cours d’un mois calendaire donné ». Ce seuil a fait l’objet d’intenses tractations avant la publication du texte de la Commission, qui doit encore être discutée par les États membres et les eurodéputés. Des versions précédentes mentionnaient des seuils plus élevés de jusqu’à neuf jours, mais celui de trois jours a finalement été retenu sous la pression notamment de Paris, selon des sources européennes.

La France fait justement l’objet, comme l’Allemagne, d’une procédure d’infraction de la Commission pour une application jugée trop « systématique » du salaire minimum aux routiers venant de l’étranger. La Commission a cependant proposé mercredi qu’un chauffeur soit considéré comme un « travailleur détaché » dès le premier jour lorsqu’il s’agit d’opérations dites de cabotage. « Si un chauffeur slovène décharge sa livraison à Milan, puis recharge à Milan pour décharger à Rome, alors il relève des règles salariales italiennes pour le temps de cette opération de cabotage entre Milan et Rome », a expliqué la commissaire Marianne Thyssen, chargée de l’Emploi. Les nouvelles règles permettraient en outre un nombre illimité de cabotages dans « un délai de cinq jours à compter de la livraison internationale », alors que les règles actuelles n’en autorisent que trois en sept jours.

« A travail égal, salaire égal »

Ces propositions, qui doivent être désormais discutées par les États membres et les eurodéputés, « défendent le principe à travail égal, salaire égal tout en étant proportionnées » pour les opérateurs, a plaidé la Commission. Elle a également proposé des critères restrictifs et des contrôles renforcés pour lutter contre les « sociétés boîtes aux lettres ». L’expression désigne les transporteurs installées dans certains pays dans le seul but de contourner des normes fiscales ou sociales ailleurs. La Commission a également mis sur la table une clarification des règles sociales dans le transport, où la concurrence a conduit à une dégradation des conditions de travail. Son texte précise ainsi explicitement l’interdiction de prendre le temps de repos dit « normal » (d’au moins 45 heures après 6 jours de travail) dans la cabine du véhicule.

La fin des vignettes

Dans le domaine de la « tarification routière », marqué par une controverse ces derniers mois entre l’Allemagne et ses voisins, la Commission veut laisser la main aux États membres, mais fixe des critères d’harmonisation. Elle propose « d’abandonner progressivement les systèmes de tarification fondés sur la durée », sous forme de vignette, pour leur préférer des systèmes basés sur les distances parcourues (péages), d’ici 2023 pour les véhicules utilitaires lourds et 2027 pour les autres.

Le « paquet routier » de la Commission intervient dans un climat tendu. Les ministres des Transports de neuf pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, France, Italie, Luxembourg, Norvège et Suède) avaient lancé fin janvier une « alliance du routier », pour combattre la concurrence déloyale d’autres pays et protéger des chauffeurs « devenus des forçats de la route ». Leur initiative apparaissait comme une riposte à la fronde déclenchée plusieurs mois plus tôt par la Pologne, contre les « règles disproportionnées » imposées par la France et l’Allemagne. Varsovie avait notamment été suivie par dix pays européens (Hongrie, République Tchèque, Lituanie, Lettonie, Estonie, Bulgarie, Roumanie, Espagne, Portugal et Irlande).

Le Quotidien/AFP