Me Kreutz s’est livré à un tour de force pour innocenter les anciens restaurateurs accusés de traite humaine. Selon lui, le dossier répressif manque de preuves objectives et les victimes mentent.
«Je suis seul contre tous. Personne ne voit ma souffrance», se plaint Raju, sans un mot de regret à l’intention de ses victimes présumées. L’ancien restaurateur d’origine népalaise continue de camper sur ses positions au cinquième jour de son procès pour traite d’êtres humains. Six de ses anciens salariés l’accusent de comportements frisant la torture et la barbarie. Lui se plaint «de problèmes physiques, psychiques et sociaux» depuis la dénonciation des faits à la communauté népalaise d’abord et à la police ensuite.
Vendredi dernier, son épouse et lui ont poussé la mauvaise foi parfois jusqu’à l’absurde pour dévier les accusations. Une défense qui n’a cependant paru tromper personne et surtout pas le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, qui les a encouragés à plusieurs reprises à changer leurs dépositions. Les attestations médicales et le rapport d’un médecin légiste confirment les mauvais traitements physiques et les six victimes présumées sont unanimes sur la manière dont le couple a «piétiné leur dignité et leurs droits» pendant huit ans, a rappelé Me Sadler, leur avocate.
En fin d’audience hier après-midi, Me Kreutz, l’avocat de la défense, a annoncé son intention de déposer une plainte pour faux témoignages contre les victimes présumées après avoir été réprimandé par le président de la chambre criminelle. Ce dernier a regretté que l’avocat ait accusé les anciens employés de mensonge sans faire suivre ces accusations d’effets. «Je ne peux pas vous laisser dire cela sans cesse», l’a interrompu le juge. «Même s’il s’agit de votre unique ligne de défense, vous ne pouvez pas la maintenir sans déposer plainte.» Me Kreutz venait de les accuser de ne «pas avoir été honnêtes tout au long de l’instruction ainsi que sous serment à la barre».
Les cinq hommes et une femme accusent leur ancien employeur de les avoir assimilés à des esclaves modernes malléables et corvéables à merci. Raju et son épouse n’exploitent plus le restaurant aujourd’hui. Ils ont changé de profession. La liste des accusations cachées derrière l’infraction de traite des êtres humains est longue. Trop longue, comme on a pu le constater au fil des audiences. Les faits reprochés au couple paraissent tellement énormes qu’ils semblent inventés. C’est là que le bât blesse. Les prévenus l’ont bien compris. Ils profitent également du long silence des victimes présumées avant de dénoncer les faits et crient au complot ourdi par un restaurant concurrent pour débaucher le personnel.
Prison ferme pour Raju
Me Kreutz, l’avocat de la défense, a commencé sa plaidoirie qui tient sur 25 pages en demandant à la chambre criminelle de «distinguer le possible de l’impossible» et de ne pas se laisser abuser par «les incohérences et les mensonges». Point par point, accusation après accusation, circonstance aggravante après circonstance aggravante, l’avocat a essayé de rétablir la vérité de ses clients. Il regrette qu’ils «soient obligés de trouver des preuves qu’ils ne peuvent tout simplement pas apporter» pour convaincre les juges de leur bonne foi. Il accuse le parquet de malmener la présomption d’innocence et d’inverser la charge de la preuve qui lui incombe normalement. «Il n’y a aucune preuve qu’ils aient transgressé la loi.»
«Ce n’était pas une ambiance d’horreur», lance-t-il. Les victimes présumées auraient exagéré leur situation et le dossier manquerait d’éléments objectifs pour accuser ses clients. Il énumère les séjours à l’étranger, des fêtes, des smartphones coûteux… «Rien n’appuie les allégations des anciens employés», notamment en ce qui concerne le temps de travail ou leur hygiène. «Le corps humain ne peut supporter une telle charge de travail sur une telle durée», surtout en l’absence d’hygiène, de soins médicaux et de nourriture appropriée, affirme l’avocat, études médicales à l’appui. «Aucune séquelle physique en découlant n’a été constatée, à part des cicatrices et des brûlures.» Il a également lu des extraits de rapports des autorités sanitaires qui attestent «d’une baisse de la propreté du restaurant depuis l’arrivée des anciens employés».
Il fallait s’en douter, le parquet est d’un avis contraire. Les éléments du dossier et les témoignages des six anciens employés sont des preuves suffisantes pour incriminer le couple à des degrés différents. S’y ajoutent les aveux de Raju enregistrés à son insu lors d’un conseil de la communauté népalaise. Communauté dont aucun membre n’est venu soutenir le couple lors du procès ou témoigner en sa faveur, souligne le magistrat.
Il réclame une peine de réclusion criminelle de dix ans ferme ainsi qu’une amende située entre 100 000 et 150 000 euros à l’encontre de Raju et une peine de réclusion criminelle de cinq ans à l’encontre de son épouse. Il se rapporte à prudence du tribunal en ce qui concerne un sursis éventuel. Le procureur estime que si l’épouse a profité de «l’exploitation» des victimes présumées et a couvert son époux, elle s’est montrée moins radicale et n’a pas exercé de violences physiques.
Le procès se poursuit cet après-midi.
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