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Traite humaine à Rodange : les restaurateurs ont atteint des sommets en matière d’absurdité


Faire bouger Raju de ses positions paraît, pour le juge, être une tâche aussi ardue que de dompter l’Everest. (photo : archiveslq)

Un couple de restaurateurs prétendent être victimes d’un complot visant à ruiner leur réputation. Leurs explications parfois absurdes permettent d’en douter, autant que de l’existence du Yéti.

Son époux n’a jamais mis les pieds en cuisine. Il travaillait en salle », assure Rekah au président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Ce qui nous est reproché n’est jamais arrivé. Ce sont des mensonges. Toutes Ces accusations sont fausses. Je sais ce que j’ai vu.» L’ancienne restauratrice continue de nier les accusations de six anciens employés. Ils auraient été «maltraités et torturés» par son époux et elle entre 2013 et 2021 à Rodange. Le juge n’en tirera pas grand chose sinon des contradictions supplémentaires.

«N’avez-vous pas compris que votre intérêt est différent de celui de votre époux? Tous les témoins ont déposé avoir été maltraités par votre mari, mais pas par vous. Vous avez une autre position. Les victimes présumées ont déposé sous serment et ne peuvent pas mentir », l’encourage le juge. Rekah a réponse à tout, mais pas les réponses que le juge aimerait entendre.

En guise de défense, elle préfère se placer en victime d’un complot qu’elle ne peut expliquer et pleure sa «réputation perdue». « Nous ne pouvons continuer à vivre comme ça. C’est une pression énorme. il faut une justice», lance-t-elle en larmes. «Si nous gagnons ce procès, nous traverserons la ville pour le dire à tout le monde.» Elle se retourne vers ses anciens collaborateurs et les implore d’arrêter de leur nuire. «Le fait que nous ayons été les patrons et eux les employés ne signifie pas que nous soyons coupables. Cela peut également être l’inverse.»

«S’il s’agit d’un complot, pourquoi n’y a-t-il pas un seul témoin pour vous défendre? », lui demandent le procureur et le président à plusieurs reprises. Encore une question sans réponse. La jeune femme s’entête. Les aveux et les propositions d’indemnisation leur auraient été arrachés par le conseil de la communauté népalaise. «Le comité nous a mis sous pression. Il était du côté de nos employés. Mous avons été forcés de le reconnaître. (…) Les employés ont ruiné notre réputation. Depuis 2020, nous n’avons pas eu une minute de paix.»

«Pourquoi défendez-vous votre mari? Vous êtes son deuxième avocat», cherche à comprendre le juge qui la prévient qu’elle risque entre 10 et 15 ans de prison. «Pourquoi ne vous défendez-vous pas vous-même? » Elle campe sur ses positions et préfère courir le risque de tomber avec lui.

«Il ne peut y avoir qu’une vérité»

Raju est, lui aussi, inflexible. «Si ce que mes anciens employés prétendent était vrai, comment auraient-ils pu tenir aussi longtemps?», demande-t-il au juge qui le met face à une des nombreuses contradictions du dossier, pensant obtenir des explications. Raju prétend à présent avoir payé la moitié des billets d’avion de ses employés vers Luxembourg. Son épouse a témoigné à l’instant que son père avait tout payé. Face au juge d’instruction, le prévenu avait dit que les employés les avaient payés. «Il ne peut y avoir qu’une vérité», note le juge. Le restaurateur se bat pour que ce soit la sienne avec de nouvelles versions, des arguments absurdes et une pincée de mauvaise foi.

Interrogé sur les actes de torture et les blessures infligées à ses anciens employés, il prétend : «Je n’ai jamais vu de blessures. Ils peuvent s’être blessés au Népal. Il y a beaucoup de montagnes et de ronces.» Il nie les avoir frappés. «Pourquoi alors l’avoir reconnu face au conseil népalais ?», veut savoir le juge. «Nous avons été forcés. J’espérais pouvoir rouvrir mon restaurant.» «Pourquoi n’y a-t-il pas un seul témoin en votre faveur? » «Peut être que mon avocat vous répondra.» «Votre beau-père a indiqué aux enquêteurs qu’il vous trouvait trop dur avec vos employés.» «Peut-être que mon beau-père trouve que j’ai une voix sévère.» Et ainsi de suite.

Le juge et le parquet arrêtent de s’échiner. «Mes employés sont venus au Luxembourg parce qu’ils le voulaient. Si je répondais à toutes les demandes, j’aurais mille candidats devant ma porte. Je les ai engagés pour qu’ils aient une meilleure vie.» Raju élève la voix. «Nous nous sommes occupés de la scolarisation de leurs enfants, de leurs vaccins… Mon épouse était présente à toutes les réunions parentales et les a aidés dans leurs démarches administratives.» Il crie à nouveau au complot de la concurrence. «Pourquoi les autorités sanitaires n’ont jamais rien constaté? Elles ne sont pas mon père ou des proches. Elles sont neutres. Mon devoir était de donner un logement à mes employés et pas de m’occuper de l’humidité.» «C’est tout?», conclut le président, un brin agacé.

Raju aura l’occasion de continuer à se défendre la semaine prochaine.

 

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