La crise des trains transfrontaliers s’achève, entre Metz et Luxembourg, mais une question demeure : quels liens la SNCF et les CFL ont vraiment entretenus pour sauver les meubles ?
Depuis la terrible collision de trains à Dudelange le 14 février, les compagnies ferroviaires française et luxembourgeois ont semblé désemparées. Les CFL et la SNCF ont communiqué chacun de leur côté, de façon parfois hallucinante, comme lors de la reprise des cheminots français mercredi soir… après 22h30 !
Malgré tout, ne hurlons pas avec la meute : il faut rendre hommage à ceux qui, des deux côtés, ont tout fait pour sauver les meubles. Et qui nous dévoilent ici les coulisses du plan B après la catastrophe.
La SNCF et les CFL ont-ils vraiment des contacts ?
Oui, contre toute attente, les CFL et la SNCF ont même eu deux conférences téléphoniques collectives par jour depuis le 14 février. «Même au pire moment de la crise, quand la SNCF a annoncé son deuxième retrait du rail luxembourgeois, confie Mike Van Kauvenbergh, de la communication des CFL. Nous avons eu nos homologues français au bout du fil à chaque fois.» Pour se dire quoi ? «Les moyens que chacun était prêt à mettre en place, après discussion avec les syndicats et des chefs de groupe respectifs, jour après jour.» Bus de substitution, personnels d’aiguillage disponibles, possibilité de circuler du côté français, meilleures solutions pour assurer les correspondances TGV… Du côté de la SNCF, Didier Wallerich confirme : «Nous avons dialogué au maximum, nous avons facilité les solutions alternatives au maximum», dit celui qui a assuré une veille sur les réseaux sociaux jusqu’à pas d’heure certains soirs, dans une mentalité de service totale.
Pourquoi une communication en deux temps ?
Lors de la reprise, mercredi, les CFL ont annoncé leurs trains dès 16h, et la SNCF le soir à 22h30. «La règle, c’était de ne communiquer que sur nos certitudes, éclaire Didier Wallerich. Les CFL étaient certains de leurs horaires plus tôt que nous, voilà tout.» Mercredi, la SNCF avait en réalité bouclé les négociations avec les syndicats dès 14h30. Mais à une condition : permettre à chaque contrôleur et chaque conducteur de se faire accompagner par un supérieur pour le premier aller-retour vers le Luxembourg.
Clairement, la mort d’un cheminot a marqué les esprits. Il a donc fallu contacter un par un tous les conducteurs et tous les contrôleurs de la ligne Metz-Luxembourg. «Puis il a fallu prévoir les rames, puis il a fallu entrer cela dans le système informatique…» La mise en place s’est achevée autour de 22h, avant de communiquer sur les réseaux sociaux. Jeudi, sept trains supplémentaires étaient disponibles dans la journée : mission accomplie.
Pourquoi une reprise progressive ?
Pourquoi ne pas avoir annoncé la reprise d’un coup ? On retombe sur la fameuse promesse d’accompagnement du personnel pour le premier aller-retour. «C’est potentiellement deux fois plus d’agents mobilisés sur chaque train, détaille Didier Wallerich. Donc on ne peut pas assurer tous les trajets tant que tous les premiers voyages n’ont pas été faits.» Lundi, tout le personnel roulant aura eu l’opportunité de demander un accompagnement. La reprise pourra être complète.
Pas sûr que ces explications suffisent à calmer la colère des usagers qui ont passé plus de trois heures par jour dans les transports. «Est-ce que c’est normal que l’on ait communiqué comme ça avec le public ?, s’interroge Didier Wallerich. Non. Mais la situation de crise n’était pas une situation normale non plus.»
Hubert Gamelon
Ces « moments de tension » entre les deux pays…
François Bausch, le ministre des Infrastructures, revient sur la gestion de la crise du rail. Malgré des tensions réanimées entre la France et le Luxembourg, il veut regarder vers l’avenir.
Les usagers ont le sentiment d’une crise qui a été gérée sans réelle communication entre la France et le Luxembourg.
François Bausch : Ce n’est pas vrai. Il y a eu des moments de tension. J’ai, par exemple, dit ce que je pensais de l’attitude de la SNCF lors du refus de franchir la frontière luxembourgeoise. Mais globalement, nous entretenons de très bonnes relations avec les élus français, que ce soit avec le secrétaire d’État au Budget du gouvernement, comme au niveau local, avec les maires de Thionville ou de Longwy.
André Rossinot, cador de la politique en Lorraine, a soudainement réclamé la construction cofinancée d’une voie ferrée supplémentaire entre Thionville et Luxembourg. Mais il y a déjà un projet du côté luxembourgeois ! (NDLR : doublement des voies entre Bettembourg et Luxembourg).
Il voulait probablement parler du tronçon Thionville-Bettembourg… Je ne sais pas s’il faut le dédoubler aussi. En revanche, nous sommes ouverts au cofinancement, comme nous l’avons déjà fait avec le TGV vers Luxembourg. Et la priorité pourrait être la mise en place du système européen de contrôle des trains (ETCS) jusqu’à Thionville.
Cette crise a révélé la défiance qui existe parfois du côté français. Tout d’un coup, le voisin a estimé que le Luxembourg n’était pas capable de gérer un réseau de trains, que le fonctionnement de l’instruction était opaque… Vous vous êtes retrouvé à justifier la séparation des pouvoirs politique et judiciaire dans votre pays !
Des propos ont été blessants, mais ils n’ont pas été tenus par des autorités officielles. J’ai en revanche noté que, quelques jours après l’accident de Dudelange, un accident a eu lieu sur le rail à Louvain, sur la ligne du Paris-Bruxelles. Là, personne n’aurait eu l’idée de stopper les trains. Ce n’était pas le rail d’un petit pays.
Et le maire de Metz, qui voit le développement du Luxembourg « comme Dubai » à ses portes, ce sont des propos officiels pour le coup…
Ce n’est absolument pas constructif. Est-ce qu’on pourrait regarder l’Europe avec un peu de hauteur ? Le Luxembourg connaît un développement puissant, c’est certain. Mais notre point d’honneur est de permettre à un maximum d’habitants de la Grande Région de profiter d’un rôle moteur. France, Belgique, Allemagne, Luxembourg : nous sommes liés. Cela pose des problèmes concrets, comme la mobilité, mais le Luxembourg consacre beaucoup d’efforts (deux milliards d’euros sur les projets route-train-tram-bus-vélo !) et nous sommes ouverts.
Quelle vision avez-vous des frontaliers français ? Ils en ont bavé avec cette crise, et on vous a senti concerné quand vous leur avez parlé.
Comme tous les Luxembourgeois (sic), ils ont leurs idées et leurs coups de gueule. Moi non plus je ne suis pas toujours content ! (Il rit) Plus sérieusement, je pense que les frontaliers français apportent beaucoup à l’économie, qu’ils sont dynamiques et qu’ils sont les meilleurs ambassadeurs du Luxembourg dans leur pays. Voilà quelque chose de résolument positif.
Recueilli par Hubert Gamelon
Il est bien certain que les competences ferroviaires de Jeannot Waringo, pdt des CFL, ont ete utilisees a plein pour resoudre la crise.
Il serait tellement plus simple de confier l’intégralité du trafic en provenance et à destination du Luxembourg à la CFL.
Cela nous éviterait tous les problèmes avec la SNCF (annulation de train, retard, grève, droit de retrait)
J’espère que la fin du monopole de la SNCF permettra de confier un minimum de 50% des trains à d’autres sociétés.
La SNCF appartient à un autre siècle. Il est temps de changer.
Se faire accompagner par un supérieur change quoi ? Quand je pense que tous ces contrôleurs prennent leur voiture sans se poser de questions alors que le risque est bien plus élevé qu’en train. Les contrôleurs de la SNCF ont perdu toute notion de service public