Le prévenu était très exigeant sur la qualité de l’héroïne qu’il vendait à ses clients. Il se fournissait entre autres auprès de Pedro, son co-prévenu. Ils risquent 4 ans de prison ferme.
Docteur Mike», ainsi surnommé par le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg parce qu’il prétend avoir proposé de la méthadone à ses clients quand il ne pouvait leur vendre de l’héroïne, «ne voulait pas avoir de mort sur la conscience», selon son avocate Me Guetti. Il s’employait donc à acheter de la drogue de haute qualité qu’il coupait avec du paracétamol et d’autres substances «moins nocives» que les substances utilisées habituellement. «Mon client avait une certaine éthique.»
«Docteur Mike» était malade hier et n’a pas pu se présenter à son propre procès. Il lui est reproché d’avoir importé, détenu et vendu des stupéfiants principalement dans le sud du Grand-Duché et à Luxembourg-ville pendant deux ans au moins. De juin 2020 au 20 avril 2022, date de son arrestation. Des policiers avaient observé une intera,ction qui avait tout d’un deal, entre le prévenu et une dame de la main de laquelle dépassait un billet de 50 euros, a précisé un commissaire de la section stupéfiants de la police judiciaire. Quarante boules d’héroïne sont retrouvées sur lui et 835 grammes à son domicile ainsi que 112 flacons de méthadone, des pilules d’extasy, 262,8 grammes de marijuana et 56 grammes de haschisch. Des produits stupéfiants dont il conteste avoir fait commerce.
«Était-ce pour sa consommation personnelle? Si 10 grammes avaient été retrouvés, je l’aurais volontiers cru. Vous plaidez ce que votre client vous demande, c’est de bonne guerre. De toute façon, avec l’héroïne, le tribunal a assez pour le condamner», commente le juge, incrédule. L’enquête a révélé que pendant ces deux années d’activité, «Docteur Mike» aurait au minimum vendu 6,8 kilogrammes d’héroïne (au maximum près de 10 kilogrammes) et réalisé un chiffre d’affaires minimum de 233 000 euros. Un chiffre qu’il conteste également par le biais de son avocate : «Il était lui-même toxicomane et son trafic lui servait à financer sa propre consommation.»
«Il y a des moments dans la vie où on fait des bêtises»
Un trafic bien organisé comme l’a relevé l’enquêteur des stups. «Docteur Mike» louait des voitures aux CFL pour aller acheter la drogue et pour se rendre aux rendez-vous avec ses clients quand il ne vendait pas carrément à la sortie du service d’aide aux toxicomanes à Esch-sur-Alzette. «Entre juin 2021 et le jour de son arrestation, il avait loué 196 voitures pour plus de six mille euros», selon les résultats de l’enquête qui a permis de retrouver des clients et de comprendre qui étaient ses fournisseurs grâce à l’analyse de sa téléphonie. Il se fournissait majoritaire à Stockem et à Arlon après avoir contacté deux personnes aux Pays-Bas, mais aussi auprès de Pedro, son co-prévenu. «Ils se rencontraient deux à trois fois par semaine», précise le policier. «Il lui aurait vendu entre 10 et 15 grammes d’héroïne à chaque fois, soit entre 1,4 et 4,8 kilogrammes selon nos estimations.»
«Il y a des moments dans la vie où on fait des bêtises. Je souffre d’une addiction aux jeux et il fallait que je survive», a tenté de se justifier ce Portugais de 45 ans, lui aussi toxicomane, à la barre lundi. Il reconnait les faits qui lui sont reprochés. En deux ans, jusqu’à son arrestation le 4 juillet 2022, il aurait écoulé entre 3,7 et 8,8 kilogrammes d’héroïne, selon les résultats de l’enquête menée par les stups. Principalement à Esch-sur-Alzette. «Nous avons observé 81 rencontres avec 18 personnes différentes en un mois d’observation et d’écoutes téléphoniques», a précisé le policier.
De l’héroïne pure à 40 %
La représentante du parquet a requis une peine de 4 ans de prison ferme et une amende appropriée à l’encontre des deux hommes. Tous deux déjà condamnés par le passé, ils n’ont plus droit à un sursis. Me Guetti et Me Donven, les avocates des deux prévenus, ont soulevé deux jurisprudences qui, si le tribunal décidait de les suivre, pourraient leur donner droit à un sursis. Me Donven a également prié la 7e chambre correctionnelle d’appliquer l’article 78 du code pénal et d’exempter son client d’une peine de prison et, plus subsidiairement, de la réduire à portion congrue pour qu’il puisse bénéficier d’un aménagement de peine. «Mon client a une situation stable aujourd’hui avec un travail. L’envoyer en prison lui ferait perdre tout cela et le renverrait au trafic de stupéfiants dès sa sortie de détention», a-t-elle argumenté.
Me Guetti a, quant à elle, insisté sur «l’éthique» de «Docteur Mike» qui envoyait des échantillons de l’héroïne au Laboratoire national de santé pour faire tester sa qualité. «La qualité de l’héroïne saisie est supérieure à la moyenne. Normalement, l’héroïne mise sur le marché est pure à 13 %. Celle qu’il vendait l’était à 20 ou 24 % et celle que nous avons retrouvée à son domicile était pure à 40 %», a confirmé l’enquêteur.
Les deux prévenus seront fixés sur leur sort le 22 février prochain.