Bob Jungels a vécu un week-end contrasté. Après une première journée où lui et son équipe ont limité les dégâts, dimanche, il a été la dernière rampe de lancement pour Julian Alaphilippe.
On peut dire que le week-end aura été riche en émotions pour Bob Jungels. Une première journée qui a tourné au véritable jeu de massacre avec d’innombrables chutes sur une route transformée en véritable patinoire : «Heureusement, personne de l’équipe n’a été sérieusement touché», expliquait-il, confiant avoir vécu une première en carrière : «Pour la première fois, j’ai vu des coureurs unis dans la même décision de neutraliser la descente, Tony Martin en tête. Mais même en descendant tranquille, on a vu des mecs tomber.»
Finalement, cette journée s’est achevée pour lui avec un retard de trois minutes sur le vainqueur Alexander Kristoff, dans un petit groupe en compagnie de son compère Julian Alaphilippe. Retardés par une chute survenue à moins de 3 km de l’arrivés, les deux hommes avaient finalement réussi à passer entre les gouttes : «Demain est un autre jour. On a plusieurs options pour l’étape de dimanche. Je sens que je suis en très bonne condition, les jambes tournent bien. Et Julian m’a dit qu’il se sentait également très bien.» Prémonitoire? En tout cas, tout le monde s’attendait à retrouver le grand animateur du dernier Tour de France aux avant-postes à l’occasion de cette première grosse étape. Et ça n’a pas manqué : «On avait dit qu’aujourd’hui serait un autre jour. Depuis plusieurs jours, Julian explique qu’il a envie de gagner cette étape. Et on le connaît. Quand il a de bonnes jambes et quelque chose derrière la tête…», résume son complice luxembourgeois.
Tout s’est donc déroulé comme l’avait prévu la formation belge : «On a basé notre plan sur les sensations de Julian. Heureusement, on avait Kasper (NDLR : Asgreen) dans l’échappée, ce qui nous a permis de rester tranquillement dans le peloton. Par la suite, l’idée était de profiter des deux ascensions du col d’Èze pour durcir la course.»
C’est ainsi qu’on a vu Dries Devenyns produire un gros effort lors de la première ascension, à un peu plus d’une trentaine de kilomètres de l’arrivée. Avant que Bob Jungels n’entre à son tour en action, lors de l’ultime difficulté de la journée. Au pied de la bosse, il a produit un effort d’une rare violence, qui a littéralement étiré un peloton, contrôlé quelques minutes auparavant par l’armada Jumbo-Visma. Emmenant un énorme braquet, il a délivré toute sa puissance pour emmener dans un fauteuil un Julian Alaphilippe qui le suivait comme son ombre, piaffant littéralement d’impatience : «C’était à mon tour de faire le travail pour préparer l’attaque de Julian. Normalement, c’était prévu que je roule encore quelques mètres de plus mais j’ai commencé à avoir des crampes. Maintenant, je pense que le moment était parfait pour que Julian puisse attaquer.»
«Boire une coupe de champagne bien méritée»
Et effectivement, quelques secondes après que son pote grand-ducal se soit relevé, c’est l’ancien numéro un mondial, l’homme aux 14 journées en jaune l’an passé, qui est entré en action. On connaît la suite. Julian Alaphilippe s’est enfui. Marc Hirschi l’a rapidement rejoint, suivi un peu plus tard par Adam Yates… mais rien ni personne ne pouvait empêcher le Français d’aller chercher un succès riche en émotions, quelques semaines après la disparition de son père : «Julian est passé par des moments compliqués. Le voir dédier sa victoire et son maillot jaune à son père, ça veut tout dire», résume Bob Jungels, qui a terminé l’étape tranquillement avec le sentiment du devoir accompli. Et visiblement avec de bonnes jambes.
Maintenant, se pose la question de la suite. En effet, avant le début de l’épreuve, les objectifs de l’équipe étaient clairs : les victoires d’étape. Mais maintenant que les hommes de Patrick Lefevere ont goûté au succès et qu’ils se sont emparés du maillot, quel sera le plan? «Je pense qu’on va essayer de garder le maillot, bien sûr. De toute façon, on connaît Julian, il n’est pas du genre à le donner comme cela. Maintenant, il faut qu’on regarde un peu la situation car si on se focalise trop sur le maillot, ça peut nous bloquer pour les victoires d’étape. Ce qui est sûr, c’est qu’on va bien profiter de cette victoire, boire une coupe de champagne bien méritée après un premier week-end difficile.»
Romain Haas