Pas simple de savoir à l’avance ce que le champion national va proposer ces trois prochaines semaines sur la plus grande course du monde. Bob Jungels, vainqueur au printemps de la Doyenne des classiques, a bien préparé son affaire.
On l’a senti concentré comme jamais. Tendu comme un arc. Il l’a confessé sans tarder, jeudi, en marge de la conférence de presse de son équipe Quick-Step Floors, au beau milieu des rayons du Lidl de la Roche-sur-Yon. « C’est la pression du Tour, un grand tour pas comme les autres… » Visiblement, il était impressionné.
Bob Jungels a pourtant bien découvert le Tour de France voici déjà trois ans. Et il avait eu alors assez de latitude dans son équipe, et de cran pour se lancer en dernière semaine dans des échappées d’envergure. Classé 27e du classement général final, le Luxembourgeois s’était ainsi distingué en prenant des places d’honneur (8e à Mende, 5e à Cap et 4e à Saint-Jean-de-Maurienne). Son esprit d’initiative avait fait merveille. Il se savait alors en fin de course avec l’équipe Trek-Segafredo où Luca Guercilena, le manager italien, se disait prêt à le prolonger, mais sans lui apporter des garanties solides quant à son futur statut.
Bref, la décision de filer vers l’équipe Quick-Step était actée : « Nous le suivions depuis qu’il était jeune et il venait régulièrement au centre Bakala passer des tests. Mais Bob avait choisi de passer par l’équipe Leopard. Nous avions remarqué que chez Trek, son programme n’était pas en osmose avec ses qualités et, ainsi, son arrivée chez nous s’est faite dans une certaine logique », pouvait résumer Patrick Lefevere lorsqu’en 2016, Bob Jungels arrivait dans la formation belge.
Des doutes, puis les résultats
Le madré manager flamand qui a toujours eu de la suite dans les idées a tenu à procéder par étapes. Ce serait le Giro et non plus le Tour de France qui serait le fil rouge de sa saison. Deux fois, Bob Jungels y ramena le maillot blanc de meilleur jeune. Deux fois, il signera un top 10 (6e en 2016, 8e l’an passé, un succès d’étape en prime). Bref, le natif de Rollingen a trouvé chez Quick-Step Floors les moyens de poursuivre une progression linéaire.
Et lorsque, en début de saison, ses résultats se faisaient un peu attendre, Lefevere a su mettre suffisamment de pression sur ses épaules pour le relancer sans pourtant le démotiver : « Dans sa jeunesse, Bob était un des meilleurs talents dans les courses d’un jour. Il a perdu un peu en passant pro chez Trek, mais avec nous, il revient à la surface. Il rêve des courses wallonnes mais deux semaines avant Liège-Bastogne-Liège, j’ai commencé à douter car il était mauvais dans la Flèche Brabançonne. Cela lui a été pardonné… », rappelait le boss dans la foulée du succès du jeune Luxembourgeois (25 ans) dans la Doyenne des classiques.
Depuis ce 22 avril et ce fabuleux succès à Liège, les choses se sont étirées sereinement.
Après un long stage de trois semaines en Sierra Nevada avec son alter ego français Julian Alaphilippe, avec qui il fait chambre commune sur ce Tour de France, Bob Jungels, n’a eu que quelques jours pour passer dans sa résidence suisse. Il était vite de retour en France pour un stage de reconnaissance des principales étapes de montagne et du dernier chrono d’Espelette à la veille de l’arrivée.
«Prouver qu’il est un coureur de grand tour»
Henri Jungels, son père, était également de l’expédition. Il raconte : « Bob était fier que je puisse le suivre de près pendant cette préparation. Il tient à prouver qu’il est un coureur de grand tour. Son succès à Liège l’a rassuré et j’ai compris qu’il avait pris de l’assurance. Ces dernières années, il a beaucoup travaillé. Tu t’entraînes, tu t’entraînes, et ça finit par payer. Alors, oui, ça l’a libéré et rassuré sur son avenir… »
Car l’avenir de Bob Jungels va continuer à s’écrire d’une manière ou une autre. Coureur de classiques ou coureur de grand tour, voire les deux ? La question n’est pas encore définitivement tranchée. Son succès dans le monument qu’est Liège-Bastogne-Liège a pu conforter les observateurs qu’il avait plus de chances de briller dans les courses d’un jour. « Je lui ai suggéré après Liège qu’il pouvait se mettre en tête de se lancer à la conquête des cinq monuments, il a juste souri en glissant qu’il le savait depuis longtemps », raconte Henri Jungels.
Pour l’heure, ce n’est pas la question. Pas encore tout à fait la question. « Je pense aussi que son succès lui a apporté beaucoup de confiance. Il s’est imposé d’une belle manière et il est vraiment relax pour le Tour. Je pense qu’il peut viser à l’avenir les deux choses à la fois. Je sais qu’il est capable de faire un bon classement comme il l’a déjà fait sur le Giro où l’an passé il a en plus remporté une étape. C’est un grand coureur », nous disait justement jeudi Julian Alaphilippe.
Denis Bastien, à Mouilleron-le-Captif