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Tour de contrôle virtuelle : les contrôleurs aériens mis devant le fait accompli


Les jours de la tour de contrôle du Findel sont comptés. (photo Hervé Montaigu)

Les contrôleurs aériens ont le projet de tour de contrôle virtuelle en travers de la gorge. Ils ne digèrent pas d’avoir été mis devant le fait accompli par la ministre de la Mobilité.

La guilde luxembourgeoise des contrôleurs aériens torpille l’idée du gouvernement de doter l’aéroport de Findel d’une tour de contrôle virtuelle. Dans un communiqué de presse relayé par l’OGBL, son président explique pourquoi c’est une mauvaise idée, contrairement à ce qu’affirme Yuriko Backes, la ministre de la Mobilité et des Travaux publics. Pour Christian Seidel, «la digitalisation de l’espace aérien envisagée par l’Union européenne et la mise en service d’une tour de contrôle virtuelle sont deux choses différentes».

Yuriko Backes et son ministère auraient donc mal compris les objectifs de la stratégie Digital European Sky visant à rendre le trafic aérien européen plus efficace, durable et sûr en modernisant les manières de travailler dans le domaine. Or, selon la guilde, un aéroport peut parfaitement fonctionner sans tour de contrôle virtuelle.

«L’interconnexion entre systèmes modernes et plateformes existantes reliant entre eux différents acteurs comme la sécurité aérienne, le service de météo et les aéroports est primordiale», affirme la guilde avant d’enfoncer le clou en précisant qu’aucun aéroport international important n’utilisait de tour de contrôle virtuelle.

Et pour cause : ces instruments ne seraient pas aussi efficaces que les tours de contrôle classiques avec leur vision à 360 degrés et que l’œil humain par mauvais temps ou en cas de défaillance technique ou de cyberattaques. «Dès que la visibilité tombe sous un certain seuil, les décollages et les atterrissages sont suspendus», indique Christian Seidel. «Et les positions et les mouvements des avions au sol sont de toute façon saisis par des radars au sol.»

Yuriko Backes aurait donc, selon la guilde, voulu aller plus vite que le Concorde au prix de la sécurité et n’a pas jugé utile de consulter les principaux intéressés, ceux dont c’est le métier de veiller à la sécurité aérienne, les contrôleurs aériens. «Il est impératif de les prendre au sérieux.

Le gouvernement prévoit des investissements de plus d’un milliard d’euros pour l’aéroport. La construction d’une nouvelle tour de contrôle serait en comparaison un investissement plus gérable qui garantira à long terme sécurité, stabilité et fiabilité», conclut le président de la guilde.

«Continuité réciproque»

La tour de contrôle actuelle a été mise en service en 1993 et certains de ses équipements nécessitent une rénovation rapide, argumente de son côté la ministre de la Mobilité et des Travaux publics qui a soumis en juillet au Conseil de gouvernement le projet de construction «d’un centre de contrôle aérien temporaire ayant recours aux technologies digitales» «complémentaire» dans un premier temps à la tour de contrôle. Projet validé par le Conseil de gouvernement.

La construction d’une nouvelle tour de contrôle, décidée en 2018, a donc été abandonnée. Le projet s’annonçait bancal dès le départ. Les autorités ont mis cinq ans pour trouver un site adéquat «à l’est du hangar Cargolux en zone rurale dans le POS aéroport et environs et en zone verte agricole dans le PAG de la commune de Sandweiler». Ensuite, le site se situe à «environ 15 mètres en dessous du niveau le plus élevé de la piste», rappelle la ministre dans sa réponse ministérielle. Enfin, cerise sur le gâteau, le projet n’a pas obtenu le feu vert de la commune de Sandweiler.

Implanter la nouvelle tour à cet endroit aurait pris des années, argumente Yuriko Backes pour appuyer sa décision. Le temps presse et la ministre ne cache pas son envie d’inclure le Luxembourg au «ciel unique européen» évoqué par la guilde des contrôleurs aériens. Un centre de contrôle aérien virtuel devrait donc être implanté «à l’intérieur de la zone aéroportuaire dans le POS et le PAG», a confirmé la ministre. Il assumera à terme les opérations de la tour classique, ainsi que celles du contrôle de l’approche.

La tour de contrôle actuelle «restera en fonction et sera aménagée sous forme hybride ou duale. Le nouveau centre et elle serviront mutuellement de solution de continuité réciproque», poursuit la ministre. Elle ajoute que «la gestion à distance de l’aéroport de Luxembourg par un opérateur tiers n’est pas une option». Il s’agit d’une question de souveraineté nationale réservée à la fonction publique. De quoi rassurer les contrôleurs aériens locaux.

Contrairement à eux, Yuriko Backes est convaincue des nombreux avantages d’une tour virtuelle : une visibilité plus précise, des coûts réduits, la flexibilité en matière d’interchangeabilité des équipements et de leur mise à jour et une sécurité accrue grâce notamment à des systèmes de communication fermés à l’abri des cyberattaques.

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