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Impôt sur les ultrariches, un flop pour Tanson


La députée déi gréng Sam Tanson voulait faire prendre conscience d’une réalité que peu de ses pairs partage avec elle.

La motion de Sam Tanson invitant le gouvernement à défendre l’idée d’un impôt minimal mondial sur les ultrariches a fait un flop. Sans grande surprise. Personne ne connaît de milliardaire.

Ils sont peu nombreux à vouloir entendre parler d’une taxe sur les ultrariches à la Chambre des députés. La députée Sam Tanson (déi gréng) a du mal à se faire comprendre. Son objectif, en introduisant ce sujet sensible pour le Luxembourg et sa place financière, est de plaider en faveur d’un impôt minimal mondial sur la fortune des milliardaires, voire des millionnaires détenant une fortune supérieure à 100 millions de dollars.

Elle s’appuie sur le rapport rendu en juin dernier par l’économiste français Gabriel Zucman au G20, qui indique qu’une taxation de 2 % des ultrariches permettrait de rapporter jusqu’à 250 milliards de dollars par an. Aussitôt, la majorité a vu s’agiter le spectre d’un impôt sur la fortune dont elle ne veut pas, en rappelant que l’accord de coalition avait été très clair sur cette éventualité.

La députée écolo répète qu’elle attend du gouvernement qu’il s’engage de manière proactive au niveau de l’OCDE ou de l’UE pour l’introduction d’un tel impôt minimal mondial afin de réduire les inégalités de patrimoine. Celui des milliardaires et des millionnaires correspond à 14 % des richesses produites sur terre, comme le constate également une étude publiée par le cabinet Capgemini. Les riches n’ont jamais été aussi nombreux, et leur patrimoine jamais aussi important.

En ajoutant les millionnaires, cette imposition minimale pourrait rapporter jusqu’à 400 milliards de dollars par an, comme le renseigne Sam Tanson dans la motion qu’elle dépose. «Je n’ai jamais croisé un seul milliardaire, je n’en connais pas au Luxembourg», argue Diane Adehm, pour le CSV. Elle s’accroche à l’accord de coalition qui ne prévoit pas l’introduction d’un impôt sur la fortune. «Trop d’impôt tue l’impôt», dit-elle en référence à cet ancien concept libéral, devenu une formule célèbre.

«Ma grand-mère disait que les proverbes, c’est pour les cons», lui répond le député déi Lénk David Wagner. «Celui qui ne voit pas le problème a une drôle de lecture de la réalité», juge-t-il. Le député de la Gauche n’était pas le seul allié de Sam Tanson.

Prenant la parole pour le LSAP, Franz Fayot a abondé dans le même sens, soulignant la toute fraîche nomination par Donald Trump du multimilliardaire Elon Musk à la tête d’un nouveau ministère de «l’efficacité gouvernementale», ce qui augure une politique faite sur mesure pour les riches. «Le débat doit avoir lieu, car le travail reste le plus imposé», rappelle le député socialiste.

Pour Patrick Goldschmit (DP), qui ne connaît pas non plus de milliardaire au Luxembourg, c’est un non tout aussi catégorique que celui de Diane Adehm quelques minutes plus tôt. De son côté, Fred Keup (ADR) estime qu’imposer les riches ne servira pas les pauvres. Il rejette toute référence à Gabriel Zucman, un économiste qui «a diffamé le Luxembourg», sans reprendre ses propos.

Dans une interview parue dans le quotidien belge Le Soir, l’économiste français avait déclaré : «Le total de la valeur des fonds luxembourgeois répartis dans le monde est de 2 200 milliards d’euros, mais le total des parts de fonds luxembourgeois répertoriés dans les divers pays du monde ne s’élève qu’à 1 200 milliards. II y a 1 000 milliards sans propriétaires identifiables. Ça s’explique par les comptes offshore non déclarés.»

Les riches paient assez

Le député pirate Sven Clement est bien d’accord sur le fond avec Sam Tanson et s’est prononcé en faveur de la motion, rappelant une citation de Zucman : «Trouvez-vous normal que les milliardaires paient moins d’impôts que leurs chauffeurs.» Il est, comme Franz Fayot, favorable à une discussion sur le sujet.

Le ministre des Finances, Gilles Roth, prend un malin plaisir à rappeler que l’impôt sur la fortune a été aboli au Luxembourg par une coalition CSV-LSAP et qu’il est hors de question d’abandonner le secret bancaire pour les résidents. Selon lui, il n’y a pas de milliardaires qui résident au Luxembourg et les plus riches paient déjà plus d’impôts.

«Peu de pays appliquent cet impôt sur la fortune au niveau national et il doit bien y avoir une raison pour cela», dit le ministre, en ajoutant «qu’il n’y a pas plus mobile qu’un milliardaire qui dispose des meilleurs fiscalistes». De plus, toujours selon Gilles Roth, il est difficile d’évaluer un patrimoine. «Combien coûte tel tableau, que contient la boîte à bijoux?», interroge-t-il en guise d’illustration.

Sans grande surprise, la motion déposée par Sam Tanson au nom de la sensibilité politique verte a été rejetée par 40 voix, soit celles de la majorité soutenue par l’ADR.