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Tirs mortels à Bonnevoie : on ne tire pas sur une voiture


Le policier n'a pas respecté les consignes et a tiré sur la Mercedes. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle ? Le tribunal doit trancher. (photo archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Quatre ans après les faits, les souvenirs s’évanouissent. Les témoins ont défilé à la barre, ainsi que des cadres de la police qui ont répété que l’arme est à utiliser en dernier recours.

Les témoins ont la mémoire qui flanche plus de quatre ans après les faits. «Je ne me souviens plus très bien», «cela fait longtemps», «cela s’est passé tellement vite »… La présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a essayé de leur rafraîchir la mémoire en leur lisant des extraits de leurs dépositions. Une jeune femme aux premières loges au moment des faits explique à la barre : «J’étais tellement près de l’action. Après le premier coup de feu, j’ai crié et je ne me souviens plus de rien. Je ne sais plus si je n’ai rien regardé ou si j’ai oublié.»

Les témoignages sont laborieux. Distance entre les deux voitures, moment où le prévenu a sorti son arme, intention de la victime au volant de la Mercedes, nombre de tirs, position du prévenu au moment du premier tir… les blancs sont nombreux. Sauf dans le récit du dernier témoin qui était installé à la terrasse d’un café avec vue sur le croisement entre les rues des Ardennes et Sigismond ce 11 avril 2018. Il raconte la manœuvre de la Mercedes pour contourner la voiture de police, les trois tirs, «le policier en position», entre autres. «J’ai vu le torse du policier qui dépassait du capot de la voiture de police. Il était de trois quarts et avait les bras tendus», se souvient-il. «J’ai entendu le premier coup de feu quand la Mercedes était en mouvement. Je me rappelle avoir vu ses roues tourner pour éviter la voiture de police.»

Ce jour-là, le prévenu, en service depuis huit mois, a tiré sur une Mercedes qui lui fonçait dessus à 30 km/h dans Bonnevoie pour tenter d’échapper à un contrôle. Le conducteur de la voiture a été touché à la poitrine et au bras droit. Des blessures qui lui ont été fatales. Le procès du jeune policier de 22 ans à l’époque des faits et inculpé d’homicide volontaire a débuté la semaine passée.

Un juste milieu à trouver

Marc Welter, directeur de l’école de police au moment où le prévenu a commencé sa formation, a détaillé les enseignements techniques et théoriques faisant partie de la formation de policier et plus particulièrement les cours de tir au pistolet intégrés à la formation de base. La présidente de la 13e chambre criminelle l’a questionné sur le contenu et le déroulement des entraînements pratiques. «On leur apprend à choisir le moyen le plus approprié pour résoudre différentes situations. L’arme est le dernier moyen à utiliser», note-t-il. Quand une voiture leur fonce dessus, les aspirants policiers apprennent qu’ils doivent se placer à couvert et ne pas rester sur la trajectoire de la voiture.

«Les moyens n’étaient-ils pas disproportionnés par rapport à la situation de départ ?», interroge la présidente. «Des témoins étaient dans la ligne de mire. Tout cela pour une voiture beugnée qui n’était pas recherchée.» Ce genre de situation n’est pas un cas d’école, mais des consignes sur l’usage des armes devraient permettre aux policiers sur le terrain de savoir comment réagir. Tirer n’en fait pas partie, selon l’ancien directeur.

On ne tire pas sur une voiture. Une phrase souvent entendue ces derniers jours de la bouche de policiers accumulant les années de service. Idem pour l’ancien directeur adjoint de l’unité spéciale de la police qui donne les cours d’usage des armes à l’école de police. «L’arme de service doit uniquement être utilisée si le policier a épuisé tous les autres moyens à sa disposition», confirme-t-il. «On dit aux apprentis policiers de ne pas rester sur la trajectoire de la voiture.» Mais aussi de veiller à leur intégrité physique ainsi qu’à leur sécurité sur le plan légal et à celle de l’environnement des faits pour éviter les dégâts collatéraux. Tout ce que n’aurait pas fait le prévenu.

Pourtant, rien ne serait évident dans ce genre de situations extrêmes, selon le commissaire divisionnaire. «On ne connaît sa réaction que quand on est confronté à une telle situation», ponctue-t-il. «C’est aux agents de trouver un juste milieu.» Chaque règle aurait, selon lui, des exceptions.

Ce jeudi après-midi, c’est au tour des anciens collègues du prévenu d’être entendus.