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Tirs mortels à Bonnevoie : dernière passe d’armes


Un Néerlandais de 51 ans était décédé après avoir été touché par une des balles du policier. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Dernier jour du procès de l’ancien policier accusé d’homicide, jeudi. La représentante du parquet et l’avocat de la défense ont fait s’affronter leurs points de vue sur l’affaire.

L’ancien policier sera fixé sur son sort le 23 novembre. Hier après-midi, le parquet et la défense se sont livré une dernière fois à un duel de jurisprudences et d’articles de loi pour tenter de faire pencher la balance de la justice, empêchant le prévenu de prendre une dernière fois la parole avant que la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg n’entre en phase de délibération.

Le 11 avril 2018 à Bonnevoie, l’ancien policier a tué un automobiliste qui avait refusé d’obtempérer en tirant à trois reprises sur la voiture de marque Mercedes qui avançait vers lui. Aujourd’hui âgé de 26 ans, le prévenu explique son geste par de la légitime défense. Le parquet n’y croit pas et a requis mercredi une peine de 30 ans de réclusion à son encontre. Pour la substitut du procureur, l’ancien policier aurait attendu une situation pour pouvoir faire usage de son arme de service.

« Le mobile est clair »

Deux avis s’affrontent. Au fil de onze audiences, de nombreux témoins, experts, enquêteurs et policiers se sont succédé à la barre afin d’aider les juges à trancher. Les uns ont décrypté et analysés la scène de crime, les tirs et les enseignements prodigués à l’école de police, les autres la psyché du prévenu. Une psyché sur laquelle repose presque entièrement le réquisitoire du parquet pour qui «le mobile est clair». «La défense a reconnu l’homicide volontaire», rappelle la parquetière qui cite Me Penning qui avait affirmé la veille que «c’était sa vie ou celle de l’automobiliste».

Elle aurait pris en compte le résultat des rapports d’experts sur la position de tir ou le temps, si le mobile du prévenu avait été de sauver sa peau, mais affirme-t-elle à nouveau hier, son mobile était de pouvoir tuer quelqu’un un jour. «C’est un projet qu’il a nourri pendant toute sa carrière de policier et qui lui a été servi sur un plateau ce jour-là», reformule la magistrate qui pense le prévenu capable d’avoir manipulé tout le commissariat pour servir sa cause.

«Stressé, mais pas paniqué»

«La seule chose dont on est certain dans ce dossier, c’est que le prévenu sait tirer. Il était peut-être stressé, mais pas paniqué.» Et, après les faits, le jeune homme se serait vanté auprès de son coéquipier. Accusée par la défense de faire un procès d’intention, elle a continué d’enfoncer le clou en sous-entendant que le prévenu a maquillé la scène de crime avant l’arrivée de la police.

Me Penning a tenté de rendre les coups. La voiture de patrouille n’a pas bougé – il a calé en essayant de la redémarrer –, ses anciens collègues policiers ont minimisé son attirance pour les armes à feu «sous serment», les experts psychiatres n’ont pas décelé de «fantasme de tuer», tout a été trop vite pour que le prévenu ait pu développer une intention de tuer… «C’est tordu!», s’offusque l’avocat. «C’est tordu d’affirmer que mon client a changé le fonctionnement de tout un commissariat de police» pour se créer une situation qui se prête au tir.

Erreur professionnelle, légitime défense ou tendance perverse?

Pour expliquer la présence sujette à interprétation d’images scabreuses sur l’ordinateur du prévenu, l’avocat a cité un article du Figaro intitulé «Pourquoi regardons-nous des images et vidéos morbides?». Une psychologue y explique à la suite des attentats du Baraclan : «Le sensationnel et l’impossible suscitent une curiosité morbide, nous avons tous ça en nous. De la même façon que certaines personnes veulent aller voir les traces de sang dans la rue ou que d’autres s’arrêtent pour observer quand il y a un accident de la route. À l’époque des exécutions publiques, l’assistance était fournie. D’une certaine façon, c’est un moyen de se protéger, comme pour se dire « je n’y étais pas« . Cela fait aussi partie de la première étape du deuil, qui est le déni. « Je le sais, mais je n’y crois pas« . Nous cherchons à voir par nos propres yeux, à créer un choc pour se convaincre de cette réalité.» Reste que le prévenu a refusé de s’exprimer à ce sujet.

Trente ans de réclusion ou acquittement? Erreur professionnelle, légitime défense ou tendance perverse? De nombreuses questions restent ouvertes à l’issue de ce procès. À la 13e chambre criminelle de forger son intime conviction.