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Tirs mortels à Bonnevoie : «Ce ne sont pas des tirs de panique»


La Mercedes a terminé sa course contre un arbre sur la place Léon-XIII.

Dans son analyse balistique, l’expert de la police technique a retenu la qualité des tirs, le sang-froid du tireur et le fait qu’il n’aurait rien fait de ce qui lui a été enseigné.

On patrouillait dans Bonnevoie quand on a entendu un appel à la radio. On a foncé place Léon-XIII. On a trouvé une voiture accidentée et le prévenu à côté. Il était livide», se souvient le premier policier arrivé sur les lieux, à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, hier matin. «Il m’a dit avoir tiré trois fois. C’est une situation qu’on n’a pas envie de vivre en tant que policier. Le prévenu avait l’air perdu, sous le choc.»

Le 11 avril 2018, un jeune policier, en service depuis huit mois, a tiré sur une Mercedes qui lui fonçait dessus à Bonnevoie pour tenter d’échapper à un contrôle de police. Le conducteur de la voiture a été touché à la poitrine et au bras droit. Des blessures qui lui ont été fatales. Le procès du jeune policier de 22 ans à l’époque des faits et inculpé d’homicide volontaire a débuté la semaine passée. De nombreux témoins et experts ont défilé à la barre et sont encore attendus dans les jours à venir. Le prévenu prétend avoir agi en état de légitime défense. Ses fanfaronnades sur le terrain et au commissariat, qui le font passer pour une tête brûlée, ne plaident pas en sa faveur.

«C’étaient de très bons tirs»

Un expert de la police technique a expliqué comment il a calculé les angles des tirs à l’aide des impacts de balles, des blessures de la victime et de la position du tireur. Il a trouvé une distance maximale de 3,7 mètres entre le prévenu et le pare-brise de la Mercedes au moment du premier tir et de 1,91 mètre pour le deuxième tir. «Des distances très courtes qui ont aidé à la précision des tirs. Je n’imagine pas que le prévenu ait eu de la chance trois fois de suite», indique l’expert en balistique qui estime que «c’étaient de très bons tirs». «Le prévenu devait avoir un bon contrôle de son arme, l’avoir bien en main. Ce ne sont pas des tirs de panique, sinon il n’aurait pas atteint cette précision.» Le prévenu avait pourtant été mal noté en tir à l’école de police.

L’angle du troisième tir qui a traversé le montant arrière de la Mercedes et a percuté le volant et l’épaule de la victime démontre que cette dernière a braqué le volant à gauche pour tenter d’éviter la voiture de police. Ce qu’une expertise réalisée par un accidentologue avait également démontré. Le médecin légiste a expliqué qu’après le premier tir dans la poitrine, la victime disposait de 5 secondes à une minute pour réagir avant de perdre connaissance. La Mercedes a terminé sa course contre un arbre sur la place Léon-XIII.

Un acte bien controlé

Les tirs étaient bons, mais «totalement inefficaces pour limiter le danger», selon l’expert de la police technique qui indique que le prévenu aurait pu être coincé entre la Mercedes et la voiture de patrouille. «Il aurait dû sauter sur le côté» au lieu de faire usage de son arme. «Nos armes ne sont pas là pour faire peur ou menacer. Tout notre équipement et nos entraînements sont pensés en ce sens», précise le policier qui ajoute que «les policiers sont entraînés à tirer à deux mains avec la menace en face». Le prévenu a fait feu à une main. L’autre était posée sur la radio fixée du côté droit de son torse. L’expert de la police technique a conclu son rapport en indiquant qu’ «au moment calculé de l’impact, le prévenu était à côté de la voiture et plus dans la zone de danger».

«La séquence de la Mercedes qui fait marche arrière avant de foncer droit sur mon client ne dure que trois ou quatre secondes. Pendant 0,7 seconde, sa trajectoire est droite. C’est à ce moment qu’il prend la décision de tirer. Pendant les quelques secondes entre cette prise de décision et le tir, la voiture dévie légèrement de sa trajectoire initiale. Il ne pouvait pas l’anticiper. Il a pris la décision à une demi-seconde du moment où la Mercedes aurait pu le percuter», avait récapitulé Me Penning, l’avocat du prévenu, vendredi après le visionnage du film de la reconstitution.

Pour les experts de la police, le prévenu n’a pas réagi comme il aurait dû ou comme il l’a appris à l’école de police. «Ne peut-il pas avoir utilisé sa dernière chance?», a lancé l’avocat. L’expert répète que son tir ne fait pas penser à un tir de panique, mais à un acte bien contrôlé.

Cet après-midi, les témoins de la scène seront entendus ainsi que des instructeurs de l’école de police. Les deux policiers en patrouille avec le prévenu au moment des faits, qui devaient témoigner hier, seront entendus par le tribunal vendredi matin.