La Mercedes n’est pas passée loin du prévenu. On le voit clairement sur les images de la reconstitution des faits projetées au quatrième jour d’audience de ce procès pour homicide.
Le 11 avril 2018, un policier en service depuis huit mois tuait un automobiliste récalcitrant en tirant avec son arme sur la Mercedes qui fonçait sur sa voiture de patrouille. Le policier, inculpé d’homicide volontaire, dit avoir agi en état de légitime défense. Les experts et les enquêteurs se sont succédé à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg depuis mardi pour tenter d’éclairer les juges sur les circonstances qui ont pu entraîner cette réaction fatale.
Si le rapport d’un expert en accidentologie tend à confirmer la thèse du prévenu, les rapports des experts psychiatres et de l’enquêteur de l’inspection générale de la police (IGP) sont moins favorables. Ces derniers ne remettent pas en cause la légitimité du jeune homme en tant que policier, mais le décrivent comme «voulant jouer au shérif» ayant un grand désir d’action et jouant souvent avec son arme de service. Au point de mettre ses anciens collègues mal à l’aise. Certains n’auraient plus voulu patrouiller avec lui parce qu’ «il prenait des risques inconsidérés».
Tirer pour arrêter une voiture : inutile et dangereux
Ces propos noircissent le caractère du prévenu, mais ne remettent pas en cause le fait qu’il a bel et bien pu se sentir en danger au moment où la Mercedes a accéléré en sa direction, selon la présidente de la chambre criminelle. Reste à savoir si faire usage de son arme de service était une réponse adaptée à la situation. Le prévenu en est persuadé. L’enquêteur de l’IGP a estimé jeudi que tirer pour arrêter une voiture était inutile et dangereux. Le prévenu aurait dû le savoir. Le jeune homme affirme pourtant ne pas avoir eu d’autre choix étant donné la vitesse à laquelle les faits se sont produits. Il n’aurait pas non plus eu le temps de se mettre à l’abri.
Chaque détail compte pour comprendre ce qui s’est vraiment passé à l’angle de la rue des Ardennes et de la rue Sigismond à Bonnevoie, ainsi que dans l’esprit du prévenu. Un film de près de trois heures a été projeté lors de l’audience de vendredi matin illustrant la reconstitution des faits effectuée un an et demi plus tard en présence de la juge d’instruction, des enquêteurs et des experts.
La scène de tir a été jouée encore et encore sous les indications des témoins et du prévenu. La voiture de police et la Mercedes ont été déplacées mille fois au centimètre près. Un pilote a recréé à différentes vitesses, la course de la voiture du fuyard dans les rues fermées à la circulation ce 20 septembre 2019. Les enquêteurs et la juge d’instruction ont entre autres essayé d’établir la position exacte du prévenu près de la voiture de patrouille au moment où la Mercedes a accéléré, avant qu’il ne tire, pour déterminer la menace qu’elle représentait.
« J’ai fait un ou deux pas »
«La Mercedes a dévié sur la gauche comme si le chauffeur avait tiré sur le volant pour éviter la voiture de police», a indiqué un témoin qui a observé la scène depuis la terrasse d’un café. «Je n’ai pas eu l’impression que le conducteur de la Mercedes cherchait à percuter la voiture de patrouille.» Le prévenu a expliqué ne pas être sorti tout de suite de la voiture de police par peur que la Mercedes ne la percute. Il décrit comment elle s’est arrêtée à quelques mètres avant de repartir en marche arrière dans un crissement de pneus.
«J’ai fait un ou deux pas pour avancer à sa hauteur. J’ai donné un coup sur le capot et demandé au conducteur de s’arrêter. J’ai voulu contourner la voiture pour lui demander de sortir du véhicule», raconte le prévenu à l’époque. C’est à ce moment-là que la Mercedes a fait marche-arrière sur une quinzaine de mètres avant de mettre la gomme en direction du jeune homme.
L’ancien policier dit avoir voulu prévenir des renforts avant de finalement décider de tirer le premier coup de feu. Les images montrent que dans sa version des faits, la Mercedes est passée à quelques centimètres de lui et de l’avant de la voiture de police. Le jeune homme de 26 ans se souvient avoir tiré les trois coups d’une traite en accompagnant du haut du corps la Mercedes qui le frôlait.
Les images de la Mercedes, pilotée par un instructeur de conduite de la police, sont impressionnantes. Même si elle circulait à «seulement» 30 km/h. Originellement effectuée par un conducteur présentant un taux d’alcool de 1,8 milligramme par litre de sang, «la manœuvre était sur mesure», a estimé un expert.
À une vitesse légèrement plus élevée, l’instructeur percute le cône représentant l’avant de la voiture de police. Ces images n’éclairent pas sur la légitimité de la réaction du policier, ni même sur sa position réelle au moment des faits, mais elles montrent que la Mercedes, peu importe son intention, n’est pas passée loin.
Reprise des débats mardi matin avec les témoins, notamment pour déterminer la position exacte du prévenu et ses gestes face à la Mercedes.
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