Accueil | A la Une | Thérapies de conversion : le Luxembourg toujours à la peine

Thérapies de conversion : le Luxembourg toujours à la peine


Au Luxembourg, les thérapies de conversion restent légales. Et bien qu’ils n’existent pas de données sur le sujet, le centre Cigale recueille des témoignages sur le terrain.

À deux jours de la fermeture de l’initiative citoyenne européenne pour l’interdiction des «thérapies de conversion» au niveau européen, le Luxembourg, où elles sont toujours autorisées, peine à atteindre son objectif de signatures.

Modifier ou même annuler la sexualité ou l’identité de genre d’une personne, voilà l’objectif des «thérapies de conversion». Ces pratiques viennent tout droit de l’époque où les identités queer étaient perçues comme des pathologies. «Aujourd’hui, le qualificatif de «thérapie» permet aussi de se donner une bonne image», souligne Didier Schneider, directeur du centre LGBTIQ+ Cigale.

Sous la forme de pratiques religieuses et sectaires, de thérapies médicamenteuses, de viol et agressions sexuelles correctifs ou encore de pseudo-psychothérapies, ces «violences» ont de lourdes conséquences pour les personnes qui les subissent. «Les victimes sont des personnes déjà vulnérables, les pratiques de conversion s’additionnent à cet état de fragilité et renforcent d’autant plus leur sentiment de honte, ce qui peut mener à la dépression, l’anxiété et dans les pires des cas, au suicide», rappelle Didier Schneider..

C’est pour lutter contre ce phénomène qu’une initiative citoyenne européenne a été lancée en début d’année. Elle invite la Commission européenne à proposer une interdiction légale contraignante des pratiques de conversion ciblant les citoyens LGBTIQ+ dans l’Union européenne. Pour que l’initiative soit discutée avec la Commission européenne et présentée au Parlement européen, un million de signatures sont demandées. À deux jours de sa fermeture, la campagne a récolté 600 000 signatures à travers l’Union européenne. Il en manque donc encore.

Toujours pas d’interdiction légale au Luxembourg

Le Luxembourg, de son côté, n’en a récolté qu’un petit millier. Avec son seuil de signatures à 4  230, le pays est donc loin du compte. «C’est décevant, mais je ne perds pas espoir, il reste encore quelques jours», souffle Juliette Tirabasso du centre Cigale, qui soutient et relaye la pétition «au maximum» depuis son lancement. Pourtant, une interdiction au niveau européen bénéficierait au Grand-Duché, puisqu’il n’y a toujours pas d’interdiction légale. Si l’idée de le faire est inscrite dans l’accord de coalition, le sujet reste toujours en suspens. «C’est urgent que les lois soient unifiées au niveau européen.»

Et si aucune donnée sur le sujet n’existe au Luxembourg, cela ne veut pas dire que des formes de «thérapies» n’y sont pas effectuées. «Beaucoup de personnes de la communauté nous parlent de professionnels de santé qui remettent en question la sexualité ou l’identité de genre de leurs patients ou qui essayent de chercher une cause dans l’enfance», explique Didier Schneider. «D’autres jeunes nous racontent aussi comment leurs familles les forcent à consommer des contenus hétérosexuels pour leur faire changer d’avis… Cela s’apparente aux pratiques de conversion.»

Punir les auteurs et soutenir les victimes

Le sujet n’est pas assez connu du grand public, selon Juliette Tirabasso : «Il y a un grand travail de sensibilisation à faire… Mais sans des campagnes nationales et des débats politiques, cela stagnera. Idéalement, il faudrait que la loi évolue et interdise les thérapies de conversion en imposant des punitions lourdes non seulement aux acteurs de ces pratiques, mais aussi aux personnes qui y incitent et en font la publicité. Ce sont des violations de droits fondamentaux.»

D’autant plus que, qui dit absence d’interdiction légale, dit également absence de soutien aux victimes. Actuellement, le centre Cigale est le seul au Luxembourg à recevoir les personnes LGBTIQ+ pour les aider dans leur quotidien et à faire valoir leurs droits. «Une interdiction légale est importante pour que les auteurs soient punis et pour que les victimes obtiennent réparation», appuie Juliette Tirabasso. «Ce serait aussi un signal symbolique fort à la société : non, vous ne changerez pas vos proches, et si vous essayez de le faire quand même, vous tomberez sous la loi», complète Didier Schneider.