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[Théâtre] Tiamat, une merveille luxembourgeoise


Un texte incroyablement riche et intelligent, superbement écrit et magnifiquement présenté par un Valéry Plancke à son meilleur qui accroche le spectateur dès la toute première seconde. (photos Bohumil Kostohryz)

C’est une pure merveille que propose en ce moment le Théâtre du Centaure ! Tiamat, création d’Ian de Toffoli mise en scène par Jean Boillot est un seul en scène typiquement luxembourgeois.

Dans un petit bar de quartier qui sent le vieux, avec ses tables et ses chaises sans charme, ses anciens trophées sportifs qui prennent la poussière sur une étagère juste à côté du portrait du couple grand-ducal, débarque, juste avant la clôture, un homme tiré à quatre épingles. Costume trois-pièces, cravate, chaussures cirées… Sacré contraste ! Il semble tout droit sorti d’un magazine de mode ou des hautes sphères d’une grande entreprise. Seule entrave à la « règle », l’homme a troqué son attaché-case contre un petit sac sportif.

Il ne se présente pas, mais entame, face à ce barman esseulé qu’il ne connaît en rien, un long monologue. Il commence par expliquer : « Je ne peux pas rentrer chez moi ce soir, alors autant que je reste ici ». Il commande alors une bière. Mais « pas locale », « belge » ; une manière à lui de rappeler que malgré ses années au Luxembourg, malgré sa réussite professionnelle, malgré la richesse qu’il a pu amasser et qu’il a permis de gagner aux Luxembourgeois et au Grand-Duché, il ne sera jamais considéré comme un autochtone ayant droit à la parole au moment des élections.

Et c’est parti pour une logorrhée d’une heure qui alterne sujets légers présentés avec sérieux et sujets on ne peut plus profonds abordés avec un humour noir pince sans rire surprenant. Tour à tour cet avocat d’affaires, certes hautain mais attachant, parlera de son passé à la barre lorsqu’il défendait d’indéfendables promoteurs immobiliers au travail bâclé, de sa petite ville lorraine on ne peut plus grise où ne se rendent que des travailleurs frontaliers prenant les emplois mal payés et dépréciés dont les nationaux ne veulent pas, de ses habitudes dans les bordels allemands, juste à côté de la frontière – « parce que les bordels dans le pays où on travaille ressemblent trop à une réunion de bureau ! », etc.

Bref de nombreuses circonvolutions avant d’arriver au sujet qui l’a fait, pour la première fois de sa vie, entrer dans ce bar à côté duquel il passe tous les jours. La première fois surtout où il a ressenti une sorte de « honte ». Il sera question de marché de l’art, de port franc, de trafics divers et de barbus armés au Moyen-Orient avec un cynisme hors pair.

Un texte incroyablement riche et intelligent, superbement écrit et magnifiquement présenté par un Valéry Plancke à son meilleur qui accroche le spectateur dès la toute première seconde en lui faisant face pour ne plus du tout le lâcher. Avec lui on s’insurge, on rit et on réfléchit. Et c’est déjà beaucoup. Une pièce à ne pas rater !

Pablo Chimienti

Théâtre du Centaure – Luxembourg
Ce samedi à 20h. Dimanche à 18h30

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