L’emblématique œuvre photographique du Luxembourgeois Edward Steichen fête ses 70 ans cette année. L’occasion de rappeler son histoire et celle de son créateur.
Jamais une exposition n’aura autant voyagé à travers le monde. Cent cinquante musées, 37 pays, six continents et surtout plus de 10 millions de visiteurs en huit ans d’une tournée mondiale inédite. «The Family of Man» est l’une des expositions photographiques les plus vues de tous les temps. Des chiffres record que l’on doit à son créateur, Edward Steichen. Et pour ceux qui ne le savent pas encore, l’artiste est né au Luxembourg, plus précisément dans la commune de Bivange.
Au Grand-Duché, le photographe n’y vit pas pendant longtemps. Ses parents, Jean-Pierre et Marie Kemp Steichen, décident d’émigrer aux États-Unis en 1881. Edward Steichen n’a que deux ans. Le temps passant, le jeune Steichen commence à s’intéresser à l’art et à la photographie. À 15 ans à peine, le Luxembourgeois réalise ses premiers clichés. Ses modèles? Sa famille, ses amis, la campagne qui l’entoure. Son quotidien, en somme. Déjà, sa touche poétique et romantique se fait sentir. Durant l’année 1900, il décide de retourner en Europe et s’installe alors à Paris. Il arrête ses études de dessin pour se concentrer sur la photographie.
Dans la capitale française, il entame sa première série de portraits. Il capte alors le regard de «grands hommes» de son époque. Sous son objectif, on peut découvrir les portraits d’Anatole France ou d’Henri Matisse. Après deux ans en France, Steichen retourne aux États-Unis. En 1911, il réalise ce qui est considéré comme la première photographie de mode, qu’il publie dans la revue française Art et Décoration. Après la Première Guerre mondiale, il collabore avec plusieurs magazines, dont Vanity Fair ou Vogue.
Puis il devient, en 1947, le directeur du département de la photographie du MoMa, le musée d’art moderne de New York. C’est là qu’il entame son plus grand projet, l’exposition «The Family of Man». «Ses recherches avaient commencé des années auparavant. Avec son assistant Wayne Miller, ils ont cherché parmi plus de 4 000 photos (…). Ils sont allés visiter des studios d’artistes et ont voyagé en Europe pour justement regrouper tous ces clichés. Ils en ont choisi 533», explique Claire di Felice, chargée de mission pour les Steichen Collections.
Derrière ce travail titanesque, l’artiste souhaitait une seule chose : utiliser la photographie comme moyen de communication. «Il voulait y définir la notion d’humanité à travers les différentes étapes de notre vie. Cela commence par la naissance, la maternité, l’enfance. Il y a aussi les notions de transmission, mais aussi d’autres notions comme le droit de vote, la guerre froide», précise la chargée de mission des Steichen Collections.
«On se retrouve toujours dans ces photos»
Après ce travail colossal, l’œuvre du photographe luxembourgeois est présentée pour la première fois à New York, en 1955. Et le succès est vite au rendez-vous. Après les États-Unis, l’exposition de Steichen s’exporte dans le monde jusqu’en 1962. «Elle n’a pas été exposée uniquement dans des musées. Elle l’a été dans différents lieux, comme des foires», indique Claire di Felice. Depuis 1994, la dernière version complète de l’exposition est présente au château de Clervaux. «C’était un souhait de sa part que son œuvre soit exposée dans son pays d’origine. Pour l’anecdote, Steichen avait déjà présenté l’exposition au MNHA, sauf que le projet n’a pas abouti. En 1964, il est venu pour voir si le château pouvait lui correspondre», précise la chargée de mission. Mais Steichen ne verra jamais l’exposition de son vivant. «Il y avait seulement son assistant Wayne Miller lors de l’ouverture de l’exposition», ajoute-t-elle.
Aujourd’hui, 70 ans après, l’œuvre de Steichen continue d’inspirer les artistes du monde entier. «Dans la scénographie, on voit les noms des photographes, mais il n’y a pas de mention d’un titre, d’un lieu ou d’une année. Il y a vraiment ce côté intemporel (…). Beaucoup de choses ont changé depuis 70 ans, mais je pense que l’on se retrouve toujours dans ces photos. Car le message d’unité et de paix sera toujours d’actualité», conclut Claire di Felice.
Pour commémorer les 70 ans de cette exposition, le musée de Clervaux a lancé, au mois de mars, un audioguide destiné aux enfants. Il s’ajoute à celui disponible pour les adultes. Un livre célébrant cet anniversaire pourrait sortir d’ici à la fin de l’année.