Khadija a amené Sheiar à tenter de la tuer, affirme Me El Handouz. Le procureur a du mal à trouver des circonstances atténuantes face «à la gravité évidente» des faits commis.
Parce que son ex-épouse a voulu voler de ses propres ailes et quitter un mari présenté comme violent et autoritaire, Sheiar l’a rouée de coups devant le foyer pour femmes à Luxembourg-Ville dans lequel elle s’était réfugiée avec leurs trois enfants après avoir demandé le divorce. L’affaire a repris hier après-midi face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Les faits remontent au soir du 30 décembre 2021. Ils ont été enregistrés par les caméras de vidéosurveillance et ne laissent pas de place au doute. «Une chance exceptionnelle», a noté le procureur en préambule de son réquisitoire.
Sheiar apparaît comme son mari et son maître. Même après leur séparation et depuis la prison, le jeune Syrien d’origine kurde estimait avoir toute autorité sur sa victime présumée et la croyait incapable de se débrouiller sans lui, au point de la harceler depuis sa cellule de prison, selon le représentant du parquet qui note «un acharnement assez rare» de la part du prévenu. Ce dernier l’aurait notamment menacée d’envoyer ses frères pour la tuer et qu’ils emmèneraient leurs enfants en Turquie ou «qu’il allait faire du mal à son nouveau compagnon», «qu’il la découperait en petits morceaux avec un couteau» et que «dans son esprit, il était autorisé à l’éliminer».
«Le prévenu a bien visé la tête avec ses poings et ses pieds»
L’éliminer, c’était bien le dessein de Sheiar le jour des faits, a avancé le procureur. «Le prévenu a bien visé la tête avec ses poings et ses pieds. Il ne s’est arrêté que quand il a cru qu’elle était morte parce qu’elle ne bougeait plus.» Le jeune homme de 34 ans a, selon lui, agi sur le vif et n’aurait pas prémédité son geste. Le magistrat ne retient pas la tentative d’assassinat à son encontre et réclame une peine de 20 ans de réclusion pour tentative de meurtre. Des circonstances atténuantes, il n’en a pas trouvé et se dit «sceptique» quant à «l’efficacité d’un sursis probatoire pour limiter un risque de récidive». Sheiar n’aurait pas eu de prise de conscience, mais aurait dénigré sa victime présumée, eu une amnésie sélective et se déresponsabiliserait jusque dans la plaidoirie de son avocat.
La présidente reprend l’avocate de la défense
Les images parlent d’elles-mêmes et les faits paraissent évidents. Pourtant, Me El Handouz dénonce une instruction à charge. Son client ne serait pas l’homme décrit depuis le début du procès. Il serait victime d’une machination imaginée par Khadija, sa sœur et sa mère «pour le faire tomber», dans le but «peut-être de l’éloigner ou d’obtenir la garde exclusive des enfants», selon l’avocate. Cette piste n’aurait pas été exploitée par l’enquêteur, dénonce-t-elle, rappelant que «Khadija a porté le premier coup» et que «nous n’avons pas de preuves que les coups et blessures volontaires et les menaces dont mon client est accusé sont bien réelles».
Me El Handouz charge la victime présumée et met en doute son honnêteté, insinuant qu’elle n’était peut-être pas celle pour laquelle elle veut se faire passer : une femme abusée, battue et harcelée par un mari toujours amoureux. «Ses messages à Sheiar sont provocants, moqueurs et rabaissants.» «Sheiar est le prévenu, pas Madame!», a rectifié la présidente de la 13e chambre criminelle qui, une nouvelle fois cette semaine, s’est demandé «si la défense a vu les mêmes images que le tribunal». «Je suis plus que mal à l’aise. D’un côté, nous avons les faits du 30 décembre 2021 et de l’autre, plein de petits mensonges», poursuit l’avocate qui a demandé l’acquittement de son client sur les faits de menaces, de coups et blessures volontaires et de harcèlement.
La victime réclame 420 000 euros d’indemnisation
L’avocate est allée très loin dans sa plaidoirie de défense qui a duré près de 2 heures, estimant que la victime présumée ne se serait pas donné les moyens de se protéger d’un mari violent et «a eu un comportement ambigu avec son ex-époux», lui donnant «l’espoir de la reconquérir». Devant le foyer, Sheiar n’aurait pas voulu la tuer, mais lui faire du mal alors qu’il se sentait «à nouveau éconduit». Me El Handouz plaide la légitime défense et l’excuse de provocation en faveur de son client. «L’attitude de Khadija a pu contribuer aux faits. Elle a joué avec lui» et «le qualifiait de perdant» auprès de sa famille, informe l’avocate qui tente de dégager des circonstances atténuantes en sa faveur pour réduire le quantum de la peine requise.
Comme le grand amour. «Il s’est lacéré le corps pour obtenir sa main, menaçant de se tuer, s’il ne pouvait l’épouser.» Aujourd’hui, il serait passé à autre chose et souhaiterait renouer les liens avec ses enfants. Khadija réclame 420 000 euros d’indemnisation pour eux quatre.
Le prononcé est fixé au 22 février.