Devant plus de 700 délégués, l’OGBL et le LCGB ont lancé une nouvelle attaque frontale contre le gouvernement et le patronat. Le message est clair : toute casse sociale entraînera une riposte massive.
Le 3 décembre 2024, les deux syndicats majeurs du secteur privé avaient réuni leurs militants pour fustiger les plans du gouvernement CSV-DP, qui tenterait avec tous les moyens de dénigrer, voire de détruire le modèle social.
Au bout de consultations bilatérales avec le Premier ministre et les ministres de tutelle, trois rondes sociales, deux premières bipartites et surtout la manifestation nationale ayant réuni, selon les syndicats, 25 000 personnes le 28 juin dernier, le constat est clair : retour à la case départ.
Car, quasiment pile un an plus tard après la première manifestation, l’Union des syndicats OGBL-LCGB – qui a vu le jour pour faire face aux «attaques» – a en effet encore une fois mobilisé plus de 700 personnes, massées dans la salle des fêtes d’un grand hôtel de la périphérie de Luxembourg.
«Ça suffit une bonne fois pour toutes»
Le message adressé au gouvernement Frieden-Bettel et au camp patronal, réunis sous le toit de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), est sans équivoque : «Ça suffit une bonne fois pour toutes. Lors de la manifestation du 28 juin, nous avons envoyé un signal clair : nous n’acceptons pas de casse sociale, pas de flexibilisation unilatérale du temps de travail, qui se fera sur le dos des personnes qui font tourner l’économie du pays». Les mots sont signés de Patrick Dury, le président du LCGB.
Cette nouvelle attaque frontale ne risque-t-elle cependant pas de faire capoter les tractations bipartites, engagées cet automne? «Il n’y a pas encore eu de dialogue constructif dans la mesure où nous ne savons toujours pas dans quelle direction compte aller le gouvernement. On sait uniquement ce qui est inscrit dans l’accord de coalition et ce que l’UEL clame haut et fort. On est obligé de se défendre, car nous savons que cela va mal se terminer sans notre engagement et la pression que nous exerçons», répond la présidente de l’OGBL, Nora Back.
Au cœur de la «Conférence des délégués» figurait la présentation d’un catalogue de revendications concernant l’organisation future du temps de travail.
On y retrouve des éléments majeurs tels que la réduction du temps de travail, une 6e semaine de congé légal ou une augmentation du temps de repos hebdomadaire de 44 à 48 heures. Des points qui vont à l’encontre des positions défendues par le gouvernement et le patronat.
Le patronat reproche notamment aux syndicats de refuser toute réforme cherchant à moderniser le droit du travail. «Nos propositions sont empreintes de bon sens», clamait le président de l’UEL, Michel Reckinger, à la sortie de la seconde réunion bipartite, le 19 novembre dernier.
«Ce sont Luc Frieden et Michel Reckinger qui veulent revenir 100 ans en arrière. La modernité, c’est moins travailler, et pas plus. C’est d’avoir un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle. De pouvoir disposer d’une bonne prévisibilité sur ses jours et heures de travail. De pouvoir négocier des conventions collectives de travail entre partenaires sociaux, aussi pour éviter que le travail ne rende malade», riposte Nora Back.
La pression syndicale exercée tout au long de cette année aurait permis d’éviter le pire. Lâcher prise ne serait pas une option, renchérit la coprésidente de l’Union des syndicats : «On n’est pas écouté, sauf si on met la pression. Le Premier ministre l’a confirmé lors des rondes sociales. Il a affirmé que sans le 28 juin, les choses auraient pris une autre tournure. Le seul moyen est d’organiser des démonstrations, manifestations ou conférences de délégués, comme celle de ce soir».
Vers une nouvelle manifestation nationale?
Patrick Dury ajoute que l’UEL a aussi intérêt à accepter les propositions et revendications ficelées par les syndicats. «Le patronat a parfois tendance à oublier que des bonnes conditions de travail profitent aussi aux entreprises. Ce ne sont pas les machines, logiciels ou structures d’organisation qui sont les éléments les plus importants», souligne le président du syndicat chrétien.
En l’état actuel des choses, les salariés resteraient toutefois «le maillon le plus faible».
«Nous sommes les seuls dans ce pays qui représentent tous ces gens, et personne d’autre !», lance Patrick Dury, avant d’ajouter qu’«aucun délégué du personnel neutre, aucun club corporatiste, aucun ministre du Travail et certainement aucun président de l’UEL ou directeur général de la Chambre de commerce le font. Leurs prises de position reflètent leur opposition totale aux acquis sociaux».
Quelle sera la suite, aussi en prévision de la prochaine réunion bipartite, fixée au 21 janvier ? «Nous n’acceptons pas de politique qui se fait au détriment des travailleurs. Et nous devons, donc, si cela s’avère nécessaire, nous défendre avec tous les moyens qui sont à notre disposition», met en garde Patrick Dury.
«La manifestation du 28 juin a connu un succès massif. Elle a permis de limiter la casse. La prochaine fois, il sera temps de revendiquer des améliorations au bénéfice des salariés», complète Nora Back.