Patrick Wengler n’a pas réalisé la gravité de la situation quand son médecin lui a appris sa séropositivité. Après une longue période dépressive, il a décidé de se battre et de reconstruire sa vie. Témoignage.
Comment avez-vous appris votre séropositivité ?
Patrick Wengler : Au cours de l’année 2007, j’étais régulièrement malade et je me suis rendu chez mon médecin traitant dans l’idée de faire une prise de sang et également un test de dépistage du sida. Malheureusement, ce dernier s’est révélé positif. Je n’ai pas vraiment réalisé la gravité de la situation sur le coup. Quelques mois plus tard, mon médecin m’avertit que si je ne suis pas de traitement, mon espérance de vie sera limitée à trois ans. J’avais 25 ans, j’ai sombré dans une dépression.
Quelle était votre vie professionnelle à cette époque ?
Je travaillais dans une grande imprimerie et j’avais changé d’employeur en 2008. Un mois plus tard, je découvrais le résultat. C’était tout nouveau et en plus chez un nouveau patron. Dès que j’ai eu le résultat, je le lui ai annoncé. Mais après quelques mois, la dépression s’est aggravée et j’avais des arrêts maladie à répétition, si bien qu’après six mois, mon patron m’a licencié. Un an après le diagnostic de février 2008, j’étais malade du sida. Je devais alors lutter pour survivre. En 2009, j’ai commencé la trithérapie et je suis resté en arrêt maladie pendant presque deux ans.
Vous êtes-vous retrouvé seul à ce moment-là ?
En fait, mon médecin traitant m’avait donné tout de suite les adresses utiles, celle du CHL et des spécialistes en maladies infectieuses et celle de la Croix-Rouge et de son service Aidsberodung avant qu’il ne s’appelle HIV Berodung. J’avais essayé de prendre contact dès le début, mais j’étais mal à l’aise. Je n’avais pas envie de parler de ma vie et de déballer mes sentiments à quelqu’un en plein après-midi dans un bureau. Mais dès que mon médecin m’a dit que j’avais encore trois ans à vivre si je ne faisais rien, alors j’ai couru au CHL pour avoir de l’aide. Et j’ai vu aussi beaucoup les psychologues d’Aidsberodung. Ils m’ont aidé quand j’avais tout perdu.
Vous aviez tout perdu ?
Oui, mon boulot à cause de la dépression et mon appartement à cause du prêt que je ne pouvais plus rembourser. Je ne touchais même plus le chômage, puisque je n’allais pas aux rendez-vous que l’Adem me fixait. C’est Aidsberodung qui m’a soutenu à l’époque, j’ai pu loger dans un foyer de la Croix-Rouge et, à partir de là, j’ai recommencé à programmer ma vie comme il faut. Grâce à l’Adem, j’ai pu retrouver un travail.
Vous avez perdu vos amis aussi ?
Les uns après les autres. Ils sont partis. Je ne sais pas pourquoi. Le sida, c’est toujours un tabou, les gens ont peur.
Quel est votre état de santé aujourd’hui ?
Je suis une trithérapie depuis 2009. Je suis indétectable, le virus n’est plus actif et c’est le meilleur résultat qu’on puisse obtenir en séropositivité. Je prends une pilule par jour et ça va.
Avez-vous informé d’emblée votre nouvel employeur de votre séropositivité ? Avez-vous bien été intégré ?
Oui, j’en ai parlé dès le début au cours de l’entretien d’embauche. Je trouve nécessaire d’être honnête par rapport à ma situation. Je n’ai pas envie de le cacher, d’autant que je préside une association en rapport avec le sujet et on me connaît bien. Cela n’avait pas de sens de me cacher. Quant à mes relations de travail avec mes collègues, elles sont nickel ! J’avais demandé à mon patron comment procéder et il m’avait donné carte blanche. Nous avons organisé une petite réunion avec les collègues et nous leur avons expliqué ma situation. J’avais ramené du matériel d’information et ils ont eu la possibilité de m’interroger par la suite. Tout s’est très bien passé.
Depuis 2010, vous vous occupez de sensibiliser le public au problème du sida via une méthode originale…
Oui, avec l’ASBL Paticka que j’ai fondée et que je préside, on essaye de toucher les gens de manière indirecte à travers l’art. Une pièce de théâtre, un spectacle de rue, une exposition, on peut dissimuler le message dans l’art. Paticka assure aussi un soutien à travers les visites que nous faisons à l’hôpital ou dans les foyers.
Entretien avec Geneviève Montaigu