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Télétravail : les frontaliers serrent les dents


(Photo : pixabay)

Les résidents luxembourgeois sont 20 % à recourir au télétravail plusieurs fois par semaine. Chez les frontaliers ce chiffre baisse à 3 %.

Et revoilà une étude sur le télétravail. Cinq ans après l’épidémie de coronavirus et les différents confinements, la Fondation Idea, le laboratoire d’études économique créé à l’initiative de la Chambre de commerce en 2014, s’est penchée sur la question pour savoir comment les travailleurs du pays, résidents et frontaliers, utilisaient cette possibilité. Sans surprise, si la pandémie a entraîné une augmentation spectaculaire du télétravail au Luxembourg, notamment grâce à des accords exceptionnels, la levée de ces mesures a entraîné des disparités importantes de la pratique entre les travailleurs résidents et frontaliers. Alors que 20 % des résidents y ont toujours recours plusieurs fois par semaine, ils ne sont que 3 % parmi les frontaliers. Explications et analyse.

Ainsi, avant la pandémie de Covid-19, en moyenne, dans la zone euro, 6 % des actifs travaillaient habituellement à domicile et 9 % y recouraient de manière occasionnelle. Selon les données dévoilées par Idea, certains pays se démarquaient néanmoins avec des taux élevés, notamment les Pays-Bas (37 %), la Suède (37 %), la Suisse (32 %), la Finlande (32 %) et… le Luxembourg (33 %), à l’inverse des pays du Sud ou de l’Est. En 2020, le nombre total de télétravailleurs a doublé dans la plupart des pays européens, portant la moyenne de la zone euro à 25 %.

Le niveau de télétravail a ensuite lentement baissé. Selon une enquête annuelle de la CSL publiée dans le «Quality of Work Luxembourg» datant de 2024, environ un tiers des résidents pratiquent fréquemment le télétravail, contre seulement un cinquième des frontaliers. Cet écart pourrait s’expliquer en partie par la différence dans les secteurs d’activité et métiers occupés entre les deux groupes selon Idea, mais également par des freins administratifs et fiscaux qui ont été (ré)introduits avec la fin des accords exceptionnels passés pendant la pandémie et, notamment, la limite des 34 jours annuels pour les travailleurs du Grand-Duché vivant en France, Allemagne ou Belgique.

Des entreprises ont «perdu» des talents

Aujourd’hui, parmi les frontaliers, ce sont les résidents vivant en France (plus de 121 000) qui télétravaillent le plus, avec un quart d’entre eux le faisant régulièrement, suivis des Belges (plus de 51 000 frontaliers), dont un cinquième adopte cette pratique, tandis que seulement un septième des Allemands (sur un total de plus de 52 000 frontaliers) y ont recours fréquemment. Malgré la diminution depuis la pandémie, la pratique s’est tout de même installée et n’est plus anecdotique, estime Idea, mais le télétravail a sensiblement plus baissé chez les frontaliers que chez les résidents depuis 2021. Ils sont 22 % à pratiquer le télétravail contre 40 % des résidents au Luxembourg.

Les chiffres sont plus flagrants quand on se penche sur la part des salariés qui télétravaillent plusieurs fois par semaine. Elle chute drastiquement chez les frontaliers : elle atteint 3 % chez les résidents français, 4 % pour les salariés vivant en Allemagne et 2 % pour les navetteurs belges. La part des résidents luxembourgeois faisant du télétravail plusieurs fois par semaine s’élève à 20 %. La faute aux restrictions fiscales et sociales mises en place concernant les frontaliers.

Et cette inégalité a des conséquences, le télétravail étant devenu un critère clé de recrutement dans des secteurs comme l’IT et les services financiers. Certaines entreprises reconnaissent avoir perdu des talents en raison des restrictions, un phénomène qui pourrait s’amplifier avec l’évolution des attentes des salariés depuis la pandémie, selon Idea.

Aujourd’hui, pour la fondation, le déploiement du télétravail transfrontalier est limité («ou découragé») par des contraintes de fiscalité (34 jours par an, pouvant affecter négativement certains salariés), de sécurité sociale (seuil de 50 % du temps de travail potentiellement pénalisant pour les employeurs et les salariés), «mais également par une incertitude juridique pour les entreprises», estime la structure. Et le problème ne sera pas résolu rapidement vu les différences de vues entre les pays concernés pour développer ce télétravail.

L’exemple suisse

Idea, dans son analyse publiée mercredi, rappelle un exemple souvent cité concernant le télétravail : l’accord entre la France et la Suisse signé le 27 juin 2023. Il encadre la fiscalité du télétravail des travailleurs frontaliers. Cet accord prévoit notamment un seuil de 40 % de télétravail par an avant de déclencher une imposition dans l’État de résidence et une compensation financière de 40 % des salaires bruts liés au télétravail est reversée par le pays où est imposé en principe le frontalier. La France a proposé une adaptation similaire pour le Luxembourg. Mais pour l’instant, rien ne semble bouger.

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