Tom Hecker a reçu le premier Prix eschois d’encouragement à l’égalité des genres pour son projet Tatta Tom, la drag-queen qui sème paillettes et tolérance auprès des enfants.
Engagé depuis plus de 20 ans dans la défense des droits des personnes LGBTQI+, Tom Hecker voit aujourd’hui son travail de sensibilisation récompensé : il a reçu vendredi dernier le tout premier prix eschois d’encouragement à l’égalité des genres.
«Un grand honneur», commente ce graphiste de formation, intégrateur web au Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE), qui adore se dédoubler et jongler avec les codes du genre.
Ainsi, Tom est encore étudiant quand, en 2022, il peint sur son visage les traits de Séraphine Mirage, une diva du drag pur sucre, sans filtre et aussi blonde que Marylin.
Sa galerie de personnages s’agrandit en 2019, avec Tatta Tom, sorte de fée barbue aux longs cheveux bleus parsemés de fleurs et de branchages, dont l’activité principale consiste à lire des contes prônant la tolérance et le respect de l’autre aux enfants.
Un projet qui séduit tout de suite la Ville d’Esch-sur-Alzette, très active en matière de lutte contre les discriminations LGBTIQ+ (lire ci-dessous) et qui vaut aujourd’hui à Tom Hecker, également président de l’asbl Rosa Lëtzebuerg, d’être auréolé d’un prix.
«Je suis bouche bée»
Destiné à soutenir une personne, un groupe ou une association qui s’engage à promouvoir l’égalité des genres sur le territoire, il a été créé en début d’année et inclut un subside spécial de 3 500 euros.
À 40 ans, après avoir traversé bien des tempêtes, voilà le travail de cet artiste militant aux mille facettes mis en lumière et applaudi par les autorités.
Un sentiment qu’il peine à décrire, même quelques jours après la cérémonie en son honneur à l’Hôtel de Ville : «Je suis bouche bée, ce qui m’arrive rarement, je dois bien reconnaître! Je crois que je n’ai pas tout à fait réalisé… On m’a si souvent fait comprendre que je ne servais à rien. Là, c’est tout le contraire.»
Une vague de haine en 2023
Cible d’un déferlement de haine à l’été 2023 en marge d’une de ses lectures organisées à la bibliothèque communale d’Esch, Tom Hecker ne voit pas pour autant ce prix comme une revanche : «Ça ne me ressemblerait pas de réagir comme ça. D’ailleurs, je n’aime pas ce mot.»
À l’époque, Tatta Tom essuie les pires insultes et menaces, dans une vague de violence en ligne d’une ampleur inédite au Luxembourg. Deux plaintes sont déposées, dont l’une a abouti à une condamnation avec prison ferme. Pour la seconde, la procédure est toujours en cours.
Un épisode qui a laissé des traces : «Je me pose beaucoup plus de questions avant une prestation. Par exemple, le trajet du parking au lieu prévu est-il sécurisé?»
Mais qui a aussi eu des répercussions positives : «Depuis, la demande pour Tatta Tom a littéralement explosé et elle prend beaucoup plus de place dans ma vie aujourd’hui», sourit l’artiste.
J’ai reçu bien plus d’amour et de soutien que de messages de haine
Alors que la drag-queen préférée des enfants animait jusque-là deux lectures par an, elle intervient désormais dans des crèches, écoles primaires, lycées ou maisons-relais un peu partout, et reçoit des invitations à des festivals. «En fait, j’ai reçu bien plus d’amour et de soutien que de messages de haine.»
Casser la bulle des réseaux
Preuve qu’un gouffre sépare les commentaires qu’on peut lire en ligne de la vie réelle. «C’est pourquoi j’invite les gens à poster en retour des cœurs, des mots gentils. Non seulement, ça va aider la personne harcelée, mais cela reflètera plus fidèlement la façon de penser de l’ensemble de la société.»

Tatta Tom sera bientôt à Reckange et à Bettembourg. (Photo : Benny Schiltz)
Car d’après ce qu’il perçoit au quotidien, la population du Luxembourg se montre très ouverte, loin des clichés qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux.
Cependant, avec la montée de l’idéologie d’extrême-droite, notamment ces derniers mois aux États-Unis, la communauté LGBTIQ+ voit ses droits reculer brutalement.
«Malheureusement, Tatta Tom est plus nécessaire que jamais. Nous devons trouver le courage de nous opposer, en tant que société. Si on reste unis, rien ne pourra nous stopper.»
À Reckange et Bettembourg
Dans les semaines à venir, Tatta Tom poursuivra ses lectures dans les écoles, mais vous pourrez la croiser au Messtival de Reckange-sur-Mess le 9 mai prochain, ainsi qu’au salon du livre LiteraTour à Bettembourg le 25 avril.
Esch s’engage contre les discriminations
La Ville d’Esch soutient la lutte contre les discriminations basées sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle depuis de nombreuses années. Elle a accueilli le GayMat – ancêtre de la Luxembourg Pride – dès 2010, tandis qu’en 2015, une convention avec l’association Rosa Lëtzebuerg était signée, et des collaborations avec l’association Intersex & Transgender Luxembourg lancées.
Cette même année, le conseil communal a approuvé à l’unanimité l’adhésion de la Ville d’Esch au Rainbow Cities Network, dont le but est d’échanger expériences et bonnes pratiques en matière d’intégration des sujets LGBT dans les politiques communales. Actuellement, 52 villes dans une vingtaine de pays forment ce réseau, que la capitale a, elle aussi, demandé à rejoindre.
La Ville d’Esch soutient aussi la mise en place d’une approche pédagogique sensible au genre et à la diversité dans les structures d’accueil pour enfants qu’elle gère. Avec Dudelange, Bettembourg, Differdange et Hesperange, elle a cofinancé le développement du programme Gender4Kids, une approche sensible au genre et à la diversité intégrée au concept pédagogique dans ces établissements.
Du 5 au 13 juillet prochain, la Ville d’Esch accueillera à nouveau la Pride Week, dont le point d’orgue sera la Marche pour l’égalité le samedi 12 juillet.