Le Luxembourg, qui vient de transposer la directive Tabac, n’entend pas moins rester le pays du discount. La grogne des buralistes français proches de la frontière laisse de marbre le Grand-Duché, où les accises sur le tabac rapportent des centaines de millions d’euros par an.
Début juillet, le Premier ministre français, Édouard Philippe, a annoncé que le gouvernement Macron entendait progressivement porter le prix du paquet de cigarette à 10 euros, contre 7 euros actuellement (+40%). Alors qu’aucune date n’est encore connue concernant cette mesure, la France a déjà lancé un appel aux pays limitrophes pour partager cette hausse spectaculaire.
Peu enclins à se voiler la face sur la coopération transfrontalière, les buralistes français n’ont pas attendu longtemps avant de réagir. Tandis qu’Andorre, la Belgique ou le Luxembourg se frottaient les mains, les buralistes, dans la nuit du 20 au 21 juillet, ont bâché des centaines de radars d’autoroutes en mesure de protestation. Sur les affiches on pouvait notamment lire : «Non au paquet à 10 euros» et «clients spoliés, buraliste menacé». À travers ces actions dans toute la France, les buralistes appelaient à une harmonisation des prix sur le plan européen.
Et au Luxembourg? Lundi, le gouvernement a annoncé la transposition de la directive européenne sur la lutte antitabac qu’il a même décidé d’étendre, avec un souci particulier porté à la protection de la santé des enfants. Désormais il est interdit de fumer dans les aires de jeu ou en voiture avec des enfants à bord. La nouvelle législation considère également le vapotage et la cigarette électronique comme un produit tabagique. S’en servir est désormais interdit dans les mêmes endroits que l’interdiction de fumer.
Prix bas ou contrebande
Comme le souligne un communiqué du ministère de la Santé, «c’est le taux élevé de jeunes fumeurs qui est particulièrement inquiétant» au Luxembourg «avec 27 % des fumeurs pour la tranche d’âge de 16 à 34 ans». En revanche, une augmentation du prix du paquet de cigarette comparable à celle envisagée en France n’est pas pour l’instant prévue. Selon le ministère de la Santé, «une augmentation conséquente des prix du tabac risque également d’entraîner une augmentation de la contrebande et de la contrefaçon». Par ailleurs, «une politique de hausse des prix et des taxes» devra nécessairement être accompagnée par un «renforcement des mesures de contrôle et de surveillance», estime le ministère.
Au Luxembourg, l’éventualité d’une hausse spectaculaire du prix des cigarettes n’est donc pas une source d’inquiétude. Et pour cause : avec le commerce du tabac représentant plusieurs centaines de millions d’euros par an, dont les quatre cinquièmes achetées par des étrangers, le projet du gouvernement Macron est plutôt une bonne nouvelle.
Dans le milieu antitabac, le projet français est accueilli très «positivement», quoique pour d’autres raisons. Il a ravivé l’espoir d’arriver un jour à une véritable politique antitabac au Luxembourg où «la dernière hausse, ridicule, de 6 cents du prix du paquet de cigarettes date de février et a été contrebalancée par l’indexation des salaires», analyse Maiti Lommel, de la Fondation Cancer, pour qui c’est avant tout une hausse substantielle du prix du paquet qui «découragera les jeunes» de toucher à la cigarette. Au Luxembourg, le tabac cause 1 000 morts par an et coûte environ 130 millions d’euros au contribuable. Le classement Tobacco Control Scale (2016) des pays menant les politiques antitabac les plus efficaces place le Luxembourg à l’antépénultième place. Seules l’Allemagne et l’Autriche sont plus mauvaises.
Frédéric Braun