Avec la Schueberfouer revient la tradition de déguster un poisson frit dans l’un des restaurants sur roues du Glacis. Un moment de convivialité cher à la Confrérie du poisson d’or.
Parmi les restaurants de la Fouer, ce n’est ni le plus imposant, ni le plus tape-à-l’œil. Pourtant, c’est une véritable institution : la Friture Joslet régale en effet les visiteurs du Glacis avec son fameux poisson frit depuis 125 ans!
Un plat emblématique, maintenu à la carte au fil des décennies par les propriétaires qui se sont succédé, et qui est à l’origine de la Confrérie du poisson d’or, une assemblée qui se réunit chaque veille d’ouverture de la Schueberfouer. Sa présidente, Sylvette Weigel-Schmit, nous raconte cette épopée.
Tout démarre en 1900, lorsqu’une famille belge, les Legrand, ouvre une baraque d’à peine onze mètres sur onze, appelée Friture Vénitienne, à la Schueberfouer.
«Leur plat phare était la friture de petits poissons, les gens en raffolaient», rapporte-t-elle. Les Josselet, qui vont donner leur nom à l’établissement, prennent le relais à partir de 1942, en gardant le poisson, plat préféré des clients, au menu.
En 1964, l’un de leurs serveurs de longue date, Roby Mertzig, originaire de Junglinster, décide à son tour de se lancer et rachète le commerce. Il l’agrandit un peu et le rebaptise Friture Moderne.

La Friture Joslet en 1974. (Photo : Marcel Tockert/Photothèque de la Ville de Luxembourg)
Une idée de Roby Mertzig, son patron
«C’est avec lui que j’ai commencé à travailler en cuisine à la fin des années 1970. On préparait le poisson selon la recette historique, enrobé dans une pâte à la bière. J’ai tout de suite adoré l’ambiance, ce contact avec les gens qui revenaient chaque année», sourit celle qui a vu naître et grandir plusieurs générations.
«Cette idée d’organiser un grand repas à la fin du montage de la Fouer pour remercier les personnes les plus investies dans l’organisation vient de lui.» Ainsi Roby Mertzig instaura-t-il le rituel du «premier poisson frit» de la foire avec, autour de sa table, politiques, agents communaux, techniciens du service des eaux, de l’électricité, et même policiers.

Au moment de prendre sa retraite 20 ans plus tard, il tient à laisser les clés à quelqu’un de la maison. Ce sera Sylvette! «Avec mon mari, on a repris l’affaire. C’était évident pour nous de poursuivre avec les mêmes valeurs de partage et de convivialité. Le rendez-vous annuel du premier poisson frit en faisait partie. C’est une histoire de cœur.»
La Friture Joslet comme QG
Ce repas festif unique dans l’année se poursuit encore deux décennies supplémentaires. Mais en 1999, lorsque le couple fait part de son intention de partir en pension, certains convives insistent pour créer une confrérie, afin que la coutume ne se perde pas. «Je n’ai pas eu mon mot à dire!», se rappelle Sylvette, amusée.
«Dès le lendemain matin, ils avaient dessiné un emblème, fabriqué un prototype de médaille, et me nommaient commandante!» L’année suivante, voilà la Confrérie du poisson d’or officiellement fondée, et la Friture Joslet désignée comme quartier général.
35 membres adoubés au sabre
«La première assemblée a eu lieu en 2001. Nous avons intronisé les premiers membres, ceux qui avaient toujours été impliqués.» La présidente adoube chaque nouveau venu à l’aide d’un sabre apporté spécialement par son commandant adjoint, Vic Dostert, ancien policier.
«Je pose le sabre sur l’épaule gauche, puis sur la droite, et je souhaite la bienvenue dans notre confrérie, en remettant un diplôme et une médaille.»

Désormais, c’est comme simple cliente que Sylvette revient chaque année à la Friture Joslet.
Actuellement, le groupe compte 35 membres, dont deux nouveaux cette année : Cyrille Schneider, l’un des nouveaux actionnaires du restaurant, et Maurice Bauer, premier échevin à la Ville de Luxembourg, en charge de la gestion des déchets à la Fouer.
Chaque membre s’acquitte d’une cotisation de 40 euros et la somme récoltée est versée à une œuvre caritative locale. En 25 ans, ce sont 20 000 euros qui ont été remis au total.
«Ici, je me sens toujours à la maison»
C’est la famille Loguercio qui pilote aujourd’hui la Friture Joslet, continuant d’accueillir chaleureusement la confrérie chaque veille d’ouverture de foire. D’ailleurs, sur le mur du fond, on peut voir l’emblème du poisson d’or sculpté dans le bois. Quant à Sylvette, 80 ans désormais, c’est en simple cliente qu’elle continue à se rendre au restaurant avec un grand plaisir, plusieurs fois durant la Schueberfouer : «Ici, je me sens toujours à la maison.»