HORS STADE Sylvain Kastendeuch, joueur-totem du FC Metz de la fin du siècle dernier, a publié sa biographie. Dimanche, il devait venir la présenter au Grand-Duché aux supporters du club lorrain.
L’ancien défenseur central, international aux neuf sélections, deux fois vainqueur de la Coupe de France, sixième joueur le plus capé de l’histoire de la Division 1 (577 matches disputés), aurait dû être au Luxembourg, hier. La pluie verglaçante a fait son œuvre et a privé le supporter club grand-ducal du FC Metz (300 membres environ) de la visite de celui qui a été une idole au long cours. Il devait venir y présenter son livre, que beaucoup attendaient avec impatience.
Pourquoi écrit-on sa biographie à 62 ans, quand la plupart des footballeurs qui pourraient se dire que cela vaut la peine de le faire n’attendent souvent même pas d’avoir fini leur carrière pour s’exécuter ?
Sylvain Kastendeuch : Et pourquoi pas ? En fait, ces vingt dernières années, j’ai vécu à 200 à l’heure entre Metz et Paris, où je travaillais au sein de l’UNFP (NDLR : le syndicat des footballeurs professionnels français). Mais je savais bien que j’étais le seul footballeur à avoir vécu l’intégralité des grandes années du FC Metz, entre 1984 et 1999. À l’exception de ce fameux match contre le FC Barcelone (NDLR : le 3 octobre 1984, les Grenats étaient allés éliminer le Barça au Camp Nou en le battant 1-4 au match retour, en 16es de finale de la Coupe des coupes, après une défaite 2-4 à l’aller, à Saint-Symphorien) parce que j’étais prêté au Red Star à ce moment-là. Je ressentais un besoin des supporters, un élan de nostalgie à l’idée de se replonger dans ces belles années. Et c’est là que j’ai croisé Pierre Théobald, un ancien du Républicain lorrain qui travaille aujourd’hui chez Paperjam. Je sais que c’est un challenge d’écrire un livre, mais Pierre l’avait déjà fait avec Carlo Molinari (Carlo Molinari : sang grenat) et puisque je me posais la question précisément au moment où l’on s’est rencontrés…
Vous nous expliquez le titre de ce livre, Derrière le masque ?
Pour caricaturer, ce sont 200 pages où je réfléchis sur le décalage qu’il y a entre les apparences, l’image que j’ai pu donner, tout au long de ma carrière, celle de la facilité et de l’élégance, celle de la longévité aussi… et les échecs et les doutes, les remises en question et les moments compliqués. Il y avait aussi les obligations que je me suis imposées, celles de répondre aux attentes, individuellement et collectivement puisqu’en tant que capitaine… Cela m’a aussi pesé de devoir être à la hauteur. Dans ce livre, il a fallu raconter les coups d’arrêt et la façon dont il a fallu rebondir.
Sur la quatrième de couverture, il y a aussi ces quelques mots, assez anecdotiques en apparence mais qu’on devine extrêmement importants puisque vous avez voulu qu’ils soient là : « Zéro carton rouge« .
En fait… c’est ma plus grande fierté. S’il n’y avait qu’une chose à retenir, ce devrait être ça, justement. J’ai commencé le football à 6 ans et je l’ai terminé à 38. Cette absence de cartons rouges, c’est l’illustration de ma personnalité, du fait que je me sois fait un devoir de ne jamais gagner à tout prix, de ne jamais user de manières illicites. En vrai, cela aurait dû être ça, le titre du livre.
Vous parlez de vos « faiblesses« , d’ailleurs.
Les faiblesses, c’est plus qu’un angle mort dans les récits de vie des footballeurs. Alors que ce n’est jamais un long fleuve tranquille. On entre très tôt en compétition avec des milliers d’adversaires pour quelques dizaines d’élus. C’est bien de dire aux supporters qu’il ne faut pas voir que le côté brillant de la médaille. C’est pédagogique.
Le lien entre le FC Metz et le Luxembourg n’est pas assez entretenu
Vous deviez présenter cet ouvrage au public luxembourgeois, aujourd’hui. La météo vous en a empêché…
Mais je reviendrai ! Au plus tard en janvier, pour les vœux du Fola ! Il n’y a pas d’urgence. On a proposé cette rencontre parce que le groupe des supporters luxembourgeois du FC Metz méritait cette visite. Depuis quelques semaines, je suis sur un rythme de dédicaces et présentations assez soutenu, mais ce groupe de fans du Grand-Duché a exactement les mêmes attentes que ceux de Moselle. C’est un tronc commun. C’est important de témoigner de l’histoire et de le faire partout. Surtout pour moi qui ai joué avec des joueurs luxembourgeois comme Roby Langers ou Jeff Strasser. Il y a un lien naturel avec ce pays qui fait partie de la Grande Région. Mais d’ailleurs, je trouve que ce lien entre le FC Metz et le Luxembourg n’est pas assez entretenu.
Il n’est peut-être plus aussi fort qu’il a pu l’être dans le passé ? Ne serait-ce qu’à votre époque ?
Je pense qu’il y a toujours cette volonté, du côté de Metz, mais elle n’est pas matérialisée par le recrutement des meilleurs Luxembourgeois. Parce que chez vous, je constate les progrès, en clubs, en sélection. Il est fini le temps des raclées. Et concrètement, ce club devrait avoir l’ambition de prendre les meilleurs. Mais je n’en vois pas la matérialisation. Je ne sais pas quelle est la stratégie, mais je ne peux pas m’imaginer que le FC Metz se désintéresse de votre pays.
L’arrivée de Jeff Strasser à la tête de la sélection peut-elle susciter un retour de flamme ?
J’espère, en effet, que Jeff peut relancer ce lien. Je pense qu’il a beaucoup aimé son passage à Metz. En tout cas, son arrivée à la tête de l’équipe nationale ne peut pas faire de mal aux relations. Mais il faut une volonté derrière.
J’avoue que je pensais qu’au Luxembourg, les règles seraient respectées
Tiens d’ailleurs, quelle part le Grand-Duché prend-il dans vos mémoires ?
Il est vrai qu’elle n’est pas énorme parce qu’aucun fait marquant n’est survenu dans ma carrière en relation avec le Luxembourg. Juste des matches amicaux disputés face à des clubs ou à la sélection. Cela ne m’a jamais empêché de sentir que ce pays était là, avec nous.
La saison passée, il a été secoué par pas mal de recours de joueurs à leurs syndicats de joueurs pour défendre leurs intérêts. Comme avez-vous pris la chose ?
Eh bien en fait, je n’en avais jamais entendu parler parce que mes activités à l’UNFP ont cessé en 2023. L’entendre, d’un côté, ça m’étonne et, d’un autre, ça ne m’étonne pas.
Pourquoi ?
Je ne pensais pas que cela puisse être monnaie courante dans un pays comme le Luxembourg, mais avec la crise économique, dans beaucoup de pays, on cherche les moyens de ne pas respecter les contrats. Mais j’avoue que je pensais qu’au Luxembourg, les règles seraient respectées. Mais il n’est pas anormal non plus que cela arrive.
La suite, pour vous, comment s’écrira-t-elle ?
J’ai créé ma société de consulting et je donne des conférences ou j’interviens dans des clubs affaires ou autres. J’essaye de transmettre mon expérience. Après tout, j’ai quand même aussi été élu à la mairie de Metz (NDLR : adjoint aux sports de Jean-Marie Rausch entre 2001 et 2008). Je suis en train de créer également une association pour un engagement sociétal des sportifs, au niveau international. Pour que les footballeurs, qu’on brocarde souvent pour leurs mauvais côtés, s’engagent. J’espère pouvoir en déposer les statuts à Genève, qui est un peu la capitale de la philanthropie.