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Surfacturation dans la construction


Cette affaire a démontré que 34 % des constructions avaient été achevées, mais que 75 % des factures avaient été payées. (Photo d'illustration Julien Garroy)

Le gouvernement envisagera, si nécessaire, de réformer la loi sur les ventes en état futur d’achèvement. Des dossiers démontrent qu’elle est bafouée, sans aucun contrôle.

La loi de décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction stipule clairement «qu’après le début des travaux, les versements afférents à la construction ne deviennent exigibles qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux de façon à ce que les sommes payées correspondent à tout moment à l’importance des travaux réalisés». Tel n’est pas toujours le cas avec les promoteurs, comme en témoigne une affaire actuellement pendante devant les tribunaux.

Il est question, comme le rapportent nos confrères de Reporter.lu, d’une affaire de surfacturation dont les auteurs, trois administrateurs de «Bau Construction», se sont rendus coupables à l’époque du marché immobilier encore florissant. Pourtant, le promoteur est déclaré en faillite en mars 2021 et c’est alors «EuroCaution» qui, en sa qualité d’assureur spécialisé, garantit l’achèvement des chantiers. Ce dernier déclenche une procédure de citation directe pour faire comparaître les trois administrateurs, dont deux seulement se présenteront devant le tribunal vendredi dernier. Que leur reproche le courtier en assurance? Des surfacturations. Bau Construction a demandé aux acquéreurs des futurs logements de payer pour des travaux qui n’atteignaient pas les sommes réclamées.

Des faillites retentissantes

Selon l’avocat du courtier, Me Max Mailliet, l’expertise rendue en mars 2021 démontre que 34 % des constructions avaient été achevées, mais que 75 % des factures avaient été payées, soit une surfacturation de l’ordre de 41 %. Cet argent a directement profité à Bau Construction en manque de trésorerie. Il lui est aussi reproché d’avoir utilisé l’argent d’un acheteur d’un immeuble sur plan pour financer les travaux d’une autre construction. «Nous avions des soucis de trésorerie. Un de nos clients nous devait 400 000 euros. Pour une petite entreprise, c’était beaucoup», s’est défendu un prévenu, comme le rapporte le magazine en ligne.

L’assureur a dû financer l’achèvement de trois maisons unifamiliales vendues sur plan à Koerich pour un montant de 970 000 euros, qui ont finalement été livrées au printemps 2023. Bau Construction n’avait aucunement le droit de surfacturer des travaux et encore moins d’utiliser les fonds des acheteurs pour financer un autre projet. Des faillites retentissantes dans le secteur ont prouvé que ces pratiques ne sont pas isolées.

Formulation erronée

Une première plainte avait été déposée en avril 2021, finalement classée sans suite, faute d’indices prouvant un détournement ou toute infraction à la loi de 1976, appelée à être réformée. Au fil du temps, les termes ont changé dans les contrats de réservation. Les paiements devaient se faire «lors des travaux» et non plus «après», comme l’exige la législation en vigueur.

Le problème s’est déplacé chez les notaires qui ont repris cette formulation sans s’encombrer ni de la lettre ni de l’esprit de la loi. Les juges devront trancher. «Nous risquons de revenir souvent devant vous, car il y a zéro contrôle dans le marché», a alerté Me Max Mailliet à l’audience vendredi. Il aimerait que «l’affaire Bau Construction» donne un signal au marché de la VEFA pour mettre fin à ses dérives.

Est-ce le souhait du nouveau gouvernement également? Il prévoit en tout cas, comme précisé dans l’accord de coalition, d’analyser la législation en matière de vente en état futur d’achèvement et d’adapter, si nécessaire, le cadre actuellement en vigueur. Des mécanismes de contrôle des factures existent pour ce genre de constructions dans d’autres pays, comme en Belgique. La réforme envisagée pourrait en instaurer un au Luxembourg.

Les deux ex-administrateurs de Bau Construction ont essentiellement fait porter le chapeau au troisième administrateur, absent des débats. Il avait été embauché par la suite par le groupe Cenaro, dont la faillite a fait grand bruit et révélé les agissements de détournement des fonds des acquéreurs.