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Sujets LGBTQIA+ à l’école : «L’éducation joue un rôle crucial»


Selon la CCDH, l’inclusion des sujets LGBTQIA+ dans l’éducation favorise la diversité et promeut le bien-être et la santé mentale des jeunes. (Photo : archives/alain rischard)

Alors que la santé mentale des jeunes se détériore, notamment celle des jeunes LGBTQIA+, la CCDH prend position sur l’importance d’inclure les sujets LGBTQIA+ à l’école.

Quelques mois après la pétition qui avait consterné politiques, associations et syndicats, la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) prend position. «Notre prise de position met en lumière l’importance de l’inclusion des sujets LGBTQIA+ dans l’éducation afin de favoriser la diversité et promouvoir le bien-être et la santé mentale des jeunes», explique Noémie Sadler, présidente de la CCDH. Pour rappel, la pétition ouverte en juillet 2024 avait pour objectif «que les écoles se concentrent sur l’acquisition des compétences académiques fondamentales (…) tout en laissant aux parents la responsabilité d’aborder avec leurs enfants des sujets de nature personnelle et éthique».

Tout comme la contre-pétition introduite par Marc Gerges, visant à lutter contre la discrimination et l’encouragement à la haine envers les personnes LGBTQ+, la prise de la position de la CCDH est un pied de nez aux tentatives de «censure» des sujets LGBTQIA+. Elle intervient aussi dans un contexte de détérioration de la santé mentale des jeunes : «de manière générale, la santé mentale des jeunes au Luxembourg est en déclin alarmant. Les jeunes LGBTQIA+ sont particulièrement touchés à cause des discriminations et stigmatisations.» Ces dernières peuvent notamment engendrer des sentiments de détresse et d’isolement et augmentent le risque de développer des troubles mentaux et des comportements à risque.

La santé mentale des jeunes en chiffres

Selon l’enquête Health Behaviour in School-aged Children, entre 2018 et 2022 le pourcentage d’adolescents se déclarant très satisfaits de leur vie a diminué, passant de 31,5 % à 28,7 %. Elle révèle aussi que le bien-être mental se détériore avec l’âge. En 2022, 14,6 % des filles et 8,1 % des garçons âgés de 11 à 12 ans étaient en risque de dépression, contre 34,1 % des filles et 18,7 % des garçons de 17 à 18 ans. Plus dramatique encore, le suicide a touché 21 jeunes de moins de 20 ans et 3 de moins de 15 ans entre 2013 et 2022. A ces problèmes généraux s’ajoute également pour les personnes LGBTQIA+ le phénomène du «minority stress», qui tire son origine dans les préjugés et la stigmatisation.

«Au cours des dix dernières années, il y a eu beaucoup de progrès dans le domaine LGBTQIA+», rappelle en parallèle Laura Carocha, experte en sciences humaines et sociales. Introduction du PACS en 2004, du mariage et de l’adoption en 2014, de la possibilité de changer de sexe et de prénom à l’état civil sans subir de traitement médical, opération chirurgicale ou stérilisation en 2018, et enfin d’une circonstance aggravante pour les infractions motivées en 2023… Les avancées font plutôt bonne route au Luxembourg. «Les élèves doivent être prêts à respecter la diversité et se préparer à une société plus vaste.»

L’éducation, un vecteur d’inclusion primordial

Quel meilleur moyen que l’éducation pour favoriser la diversité auprès des jeunes et promouvoir leur bien-être? Pour la CCDH, c’est clair : «l’éducation joue un rôle crucial». Déjà parce que l’école peut préparer les élèves à œuvrer pour une société plus juste et respectueuse. «Elle peut aussi être une safe space et un refuge pour les jeunes LGBTQIA+», estime Laura Carocha. Selon la CCDH, elle doit donc offrir à tous les élèves un environnement sûr, respectueux et inclusif. Introduire les sujets LGBTQIA+ contribue à faire connaître cette diversité et à permettre à tous les élèves de se sentir valorisés et en sécurité.

«Les informer est très important», ajoute l’experte. Dans une époque marquée par les réseaux sociaux, les informations  erronées et les contenus dangereux, il est crucial que les jeunes puissent avoir accès à de bonnes informations, émanant d’adultes de confiance. «C’est à l’école qu’ils sont le plus à même de trouver cela.» En instaurant un climat de confiance où les sujets LGBTQIA+ sont déjà abordés, les élèves se sentent plus à l’aise pour poser des questions et engager des discussions sur ces thématiques.

Au-delà de l’inclusion de ces sujets et le soutien des jeunes LBGTQIA+ à l’école, la CCDH soulève d’autres mesures à prendre. «Il s’agit notamment de l’inclusion des sujets dans l’éducation non formelle, la réalisation de différents plans d’action nationaux, la mise en œuvre des nombreuses recommandations de divers acteurs, l’amélioration de l’accès des jeunes aux soins de santé, les changements législatifs et la sensibilisation du public», résume Laura Carocha.

Les obligations des États

Selon la Cour européenne des droits de l’homme, interdire les sujets LGBTQIA+ est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et contribue à la stigmatisation et aux préjugés, ce qui est incompatible avec les valeurs d’égalité, de pluralisme et de tolérance d’une société démocratique. «La vulnérabilité des mineurs ne justifie pas de limiter leur accès à ces sujets», ajoute Noémie Sadler. «Au contraire, la Cour estime que ce sont plutôt l’absence de telles informations et la stigmatisation persistante à l’égard des personnes LGBTQIA+ qui nuisent aux enfants.»

«Une nécessité pour tous les élèves»

Après le coup de massue de la pétition contre les sujets LGBTQIA+ à l’école, l’asbl Rosa Lëtzebuerg se réjouit de la position de la CCDH.

Pour Jeannine Langers, secrétaire de l’association Rosa Lëtzebuerg, l’avis de la CCDH (Commission consultative des droits de l’homme) confirmant l’importance d’aborder les thématiques LGBTQIA+ en milieu scolaire est essentiel. Cette mère de famille lesbienne témoigne du climat homophobe qui peut parfois se diffuser dans les couloirs des lycées : «Ma fille a été témoin, à de nombreuses reprises, d’échanges d’insultes homophobes. Dans certaines situations, elle s’est sentie assez à l’aise pour prendre la parole et affirmer tout haut que sa maman était lesbienne. Mais il est aussi arrivé que les propos soient si violents qu’elle n’a rien osé dire du tout», raconte cette quinquagénaire. Avec des conséquences psychologiques lorsque ces confrontations se répètent.

«Ces situations, qui sont surtout dues à un manque de connaissance et à la peur de l’inconnu, font du mal à tout le monde. C’est dur à entendre, à la fois pour les jeunes qui ont des amis concernés ou des membres de leur famille, et bien sûr pour les jeunes queers eux-mêmes», pointe Jeannine Langers.

«L’adolescence est déjà une période compliquée. Si on leur répète sans arrêt que ce qu’ils sont n’est pas bien, comment pourraient-ils trouver leur place?» Elle est ainsi convaincue que «pour éviter cette peur et cette agressivité», l’éducation est la clé. «C’est une nécessité pour tous les élèves.»

Alors, cet été, lors de la publication de la pétition publique réclamant «l’exclusion des thématiques LGBT de l’éducation des mineurs», elle avoue avoir ressenti un véritable «coup de massue».

«De quoi ces gens ont-ils peur?», souffle-t-elle. «J’ai pu voir dans la liste des signataires apparaître le nom d’une personne de ma famille qui sait pourtant bien que je suis homosexuelle. Je n’ai pas du tout compris son geste… Je n’ai même pas osé lui demander pourquoi», confie la secrétaire, encore blessée.

Cependant, elle estime que la société luxembourgeoise dans son ensemble est bien plus tolérante : «Les atrocités qu’on lit sur les réseaux sociaux ne reflètent pas la réalité. En réaction à la pétition, on a reçu énormément de soutien et de messages positifs. Le gouvernement se tient aussi à nos côtés», conclut-elle, appelant les parents à discuter avec leurs enfants, pour ne pas laisser la «négativité et la haine» propagées en ligne devenir la seule voix qu’ils entendent sur ce sujet sensible.