Le lac de la Haute-Sûre va être doté d’une attraction supplémentaire. Le projet de passerelle du Burfelt, près de Boulaide, cible non seulement les randonneurs, mais doit aussi rapprocher les habitants des deux rives.
Son emplacement semble un peu perdu en plein parc naturel de la Haute-Sûre (Naturpark Öewersauer, voir carte ci-contre). Mais le projet de construction d’une passerelle suspendue pour relier le lieu-dit «A Bärel», du côté de Boulaide, au Burfelt, sur la rive du Stauséi appartenant à Esch-sur-Sûre, est présenté comme une «plus-value pour l’ensemble de la région» du lac de la Haute-Sûre, Stauséi en luxembourgeois. Il ne manque plus que le feu vert du gouvernement pour lancer les travaux, «de préférence avant cet automne», comme le confie Jeff Gangler, le bourgmestre de Boulaide.
L’idée de relier les deux rives date des années 50. Il a fallu attendre 2019 pour que le syndicat d’initiative de la commune saisisse le collège échevinal. «Nous avons procédé à une analyse et établi le pour et le contre d’un tel projet. On est venu à la conclusion que cette passerelle peut valoriser le patrimoine à la fois naturel, culturel et historique de la région du Stauséi», retrace Jeff Gangler, contacté par nos soins.
Des milliers de nouveaux visiteurs
Le bourgmestre rappelle la construction du réservoir national d’eau potable dans le nord-ouest du pays par l’établissement d’un barrage à Esch-sur-Sûre : «Beaucoup de patrimoine se trouve aujourd’hui sous l’eau. Il y a eu des expropriations de terrains et la disparition de villages et moulins. Tout cela a laissé des traces, d’autant plus que la séparation entre les deux rives persiste.» Des projets antérieurs, notamment pour la construction d’un tunnel à Neunhausen ou d’un pont suspendu à Liefrange, n’ont jamais vu le jour. Il existe une exception : le pont flottant de Lultzhausen.
De l’autre côté du lac de la Haute-Sûre, il ne faut cependant pas être pressé. Il faut compter près de trois heures pour parcourir le chemin pédestre permettant de passer d’une rive à l’autre. À vélo, il faut compter une heure. Et même en voiture, cela prend une demi-heure pour contourner le Stauséi. La future passerelle est non seulement censée former un nouveau trait d’union entre les habitants, symboliquement séparés depuis des décennies par le lac («II faut rétablir la confiance»), mais aussi profiter au tourisme.
«Nous ciblons particulièrement les randonneurs qui viennent dans la région pour découvrir la nature. Nos sentiers sont labellisés. La passerelle doit devenir un nouveau point d’attraction pour ces touristes», développe le bourgmestre de Boulaide. Il existe aussi une plus-value économique : «Grâce à des séjours plus longs dans le coin, on crée aussi une plus-value pour l’Horeca.» Selon les chiffres établis par une étude préliminaire, entre 3 300 et 7 700 visiteurs supplémentaires pourraient, grâce à la passerelle, mettre le cap sur le Naturpark Öewersauer.
Un obstacle majeur reste toutefois à passer. La commune n’est pas en mesure de financer à elle seule le coût d’un projet évalué à 2 millions d’euros. «Il est très important de pouvoir bénéficier d’un subventionnement de l’État qui va au-delà des 50 % habituels», souligne Jeff Gangler. Pour bénéficier d’un financement à hauteur d’au moins 70 %, le projet doit être déclaré d’intérêt national. Le Conseil de gouvernement a le dernier mot. Les signes précurseurs sont néanmoins très positifs pour la commune nordiste.
Avis favorable du ministre du Tourisme
En fin de semaine dernière, le ministre du Tourisme, Lex Delles, a confirmé dans sa réponse à une question parlementaire des députés socialistes Francine Closener et Carlo Weber être d’«avis que le projet d’une passerelle suspendue constitue une importante plus-value non seulement pour le Stauséi, mais aussi pour l’ensemble de la région et du pays». «On est très content que le ministre partage notre avis. Dès le départ, nous avons mis en avant le concept de plus-value afin d’obtenir le cofinancement», indique Jeff Gangler.
Les édiles de la commune ont présenté le projet en janvier 2022 au ministre Delles, qui, à l’époque, avait déjà émis un préjugé favorable. Son ministère a d’ailleurs cofinancé les études préliminaires. En décembre dernier, la procédure environnementale a été lancée avec l’introduction d’un dossier auprès du ministère de l’Environnement. Un concept architectural se trouve également sur la table.
Les travaux préparatoires achevés, il reste à attendre le vote à la Chambre des députés du «11e programme quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique». Il est doté d’une enveloppe globale de 70 millions d’euros. Une fois le texte adopté – l’avis du Conseil d’État fait encore défaut – la commune de Boulaide pourra introduire formellement sa demande auprès de la direction générale du Tourisme.
Jeff Gangler espère que le premier coup de pelle pourra être donné avant cet automne. «Si ce n’est pas le cas, il faudra attendre une année de plus, car nous sommes dans l’obligation de réaliser la construction en dehors de la période de reproduction de la faune», précise-t-il.
L’échéance des élections communales, fixées au 11 juin, inquiète moins le bourgmestre sortant : «Pour l’instant, je ne ressens aucun vent contraire au projet. Même si la composition du conseil communal change, je ne pense pas que le projet sera recalé.»