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Sport féminin : le défi de l’égalité


Pour Joëlle Letsch, la médiatisation des sportives et de leurs performances est un enjeu crucial pour le sport féminin.  (Photo : Alain Rischard)

Une dizaine de communes luxembourgeoises se joignent pour la première fois à la Journée internationale du sport féminin célébrée le 24 janvier, avec une série d’évènements.

Réunies au sein du collectif Égalité femmes-hommes dans le sport, onze communes – Bettembourg, Differdange, Dudelange, Esch-sur-Alzette, Luxembourg, Rosport-Mompach, Sanem, Schifflange, Steinsel, Steinfort, et Vianden – s’engagent à travers une série d’événements pour la Journée internationale du sport féminin, le 24 janvier prochain.

Déjà célébré en France, en Belgique, au Canada ou en Suisse, ce jour spécial incarne un outil efficace pour accroître la visibilité des femmes dans le sport, qui manque cruellement partout en Europe, le Luxembourg ne faisant pas exception.

Très active sur ce sujet depuis plusieurs années, avec une ancienne athlète de haut niveau aux commandes du service des Sports, c’est la Ville d’Esch-sur-Alzette qui joue le rôle de moteur : «L’égalité des chances a toujours fait partie des priorités de notre programme de promotion du sport», affirme Norma Zambon, ex-joueuse de volley-ball en équipe nationale, cinq fois médaillée aux Jeux des petits États d’Europe.

En 2023, alors que les résultats d’une étude commandée par la commune sur l’égalité dans le sport sont dévoilés, elle est choquée de constater à quel point le milieu reste dominé par les hommes : «On compte à peine 27 % de licenciées dans les clubs sportifs du pays, tandis que les postes clés à la tête des fédérations sont presque exclusivement masculins», pointe-t-elle.

L’étude montre aussi qu’à l’âge de six ans, autant de filles que de garçons pratiquent un sport. Puis, un décrochage a lieu au moment de la puberté, plus important chez les adolescentes, qui ne le rattrapent pas à l’âge adulte. Par manque de temps, la faute à des contraintes professionnelles ou familiales trop lourdes, ou pour se conformer à certaines attentes sociales assignées aux femmes : elles se disent qu’en soirée, leur place est auprès des enfants, à la maison, et pas dans un club de sport.

Norma Zambon souligne que les cours réservés aux femmes mis en place par la Ville d’Esch ont déjà séduit 220 participantes. Un succès sur lequel la cheffe des Sports entend s’appuyer pour maintenir la dynamique enclenchée aux quatre coins du pays par le collectif : «On a commencé avec une exposition et une table ronde, aujourd’hui dix autres communes rejoignent le mouvement. Le but est que les choses bougent au niveau politique et national», lance-t-elle.

«Il y a dix ans, ça faisait sourire»

Car il y a du pain sur la planche, notamment au niveau de la médiatisation du sport féminin. Un enjeu crucial selon Joëlle Letsch, experte en politiques d’égalité des genres chez ADT-Center, et partenaire de la Ville d’Esch : «Les sportives ne bénéficient pas de la même couverture médiatique que leurs collègues masculins, ce qui freine considérablement l’évolution du sport féminin», explique-t-elle.

Cela impacte directement la valeur économique des athlètes féminines : «Leurs efforts et leurs performances étant moins valorisés, les sponsors ne se bousculent pas, ce qui veut dire des primes, des contrats et des rémunérations inférieures par rapport aux hommes», note-t-elle.

La possibilité pour le grand public de voir les compétitions de sport féminin retransmises à la télévision s’avère capitale. «La dernière Coupe du monde féminine de football a suscité un fort engouement, et en cyclisme, le Tour de France féminin est désormais diffusé. Les médias sont davantage sensibilisés aujourd’hui, et on voit déjà des changements importants.»

Au Luxembourg aussi, le regard change peu à peu sur le sport féminin. Joëlle Letsch, qui portait déjà ce sujet en 2014 en tant que présidente du Conseil national des femmes (CNFL), se souvient des réactions : «Il y a dix ans, ça faisait sourire», confie-t-elle. «Alors, je me réjouis de voir qu’aujourd’hui, un véritable collectif se crée avec un engagement sérieux, de la part d’hommes aussi, ce qui me paraît essentiel.»

Norma Zambon dirige le service des Sports de la Ville d’Esch-sur-Alzette.